Une pépinière 100% labellisée « végétal local » a été inaugurée à Bressuire (79) cet automne. A l’initiative de l’association la Buissonnante, le projet va de la récolte de graines à la production de plants destinés aux futurs bosquets et haies du territoire. L’enjeu : cultiver la biodiversité génétique pour l’adaptation au dérèglement climatique.
Dans les bacs, des semis de petites plantes plus ou moins denses, hautes de deux ou trois feuilles. Difficile à ce stade de reconnaître les essences, pourtant familières du bocage.
« Cornouiller sanguin, érable champêtre, prunellier, aubépine, cormier, chêne, nerprun, prunellier… » Timothée Pitaud, salarié à la Buissonnante, égraine leur nom à la vingtaine d’adhérent·es venu·es pour l’inauguration de la pépinière installée sur le Campus des Sicaudières à Bressuire, dans les Deux-Sèvres. « Ces arbres sont tous issus des semis de graines collectées sur le territoire dans le respect du cahier des charges de la marque collective « végétal local » détenue par l’Office français de la biodiversité », explique Timothée. L’ancien paysagiste est en charge du suivi des collectes, mais aussi de l’extraction des graines, de leur stockage, de leur germination avant le repiquage, paillage, désherbage et arrosage. « Nous cherchons des pratiques agroécologiques tout au long du processus », précise t-il.
Biodiversité génétique et adaptation au changement climatique
Pour faire naître et grandir les 5000 plants qui seront commercialisés cette année, Timothée est loin d’être seul. La Buissonnante, qui a aujourd’hui 2 ans, compte déjà une quarantaine de bénévoles enthousiastes. Pour Julien, c’est le plaisir simple de récolter des graines dans de jolis coins de nature en prenant le temps de discuter et d’apprendre. « Ce qui m’a tout de suite plu dans ce projet, c’est l’approche pédagogique. Rien de tel que la manipulation technique pour apprendre et appréhender le patrimoine en lui-même et son avenir » complète Pauline Viaud. La nouvelle présidente de l’association est aussi enseignante en biologie et écologie au lycée agricole. « Souvent quand on parle de biodiversité, on parle paysage, on réduit à la faune et la flore et on oublie la génétique. Pourtant c’est la biodiversité génétique qui va permettre l’adaptation du végétal au changement climatique. C’est la seule porte de sortie.»
Le constat de l’appauvrissement de la variation génétique des arbres du commerce est établi de longue date. « Dans les opérations de plantation on avait des problèmes de développement de plants liés à des origines génétiques pauvres, d’où l’idée d’aller sur les haies anciennes du territoire pour récolter des graines et les intégrer aux projets de plantation » explique Benoît Manceau, coordinateur de la Buissonnante. L’objectif est d’obtenir des individus différents car chaque graine, issue d’une reproduction sexuée, possède un patrimoine génétique différent. Dans cette diversité, certains plants sauront s’adapter aux variations du climat, d’autres résisteront aux nouvelles maladies.
Essaimer les connaissances
Avec pour objectif à terme 10 000 plants commercialisables chaque année, la Buissonnante n’a pas vocation à répondre à la demande croissante en végétal local, mais elle s’est fixée une mission d’expérimentation, avec des réussites et des échecs, pour aider ceux qui voudraient se lancer, d’où les liens étroits avec le lycée agricole des Sicaudières. Les terres de la pépinière sont mises à disposition par le lycée et certaines classes viennent y faire des travaux pratiques. De quoi inspirer les élèves qui préparent notamment le brevet professionnel en horticulture.
Pour l’association d’éducation à l’environnement, le maintien des savoir-faire liés à la production de plants passe aussi par les particuliers. Et pour cela elle multiplie les activités, pour tous les publics : club nature le mercredi après-midi pour les 8-14 ans, interventions dans les écoles et centre socioculturels, création d’une Université d’éducation populaire à la botanique pour adulte. Tout le monde peut se sentir concerné, comme témoigne Mathieu, adhérent très actif, actuellement en formation maraîchage : « On est contents d’avoir des haies, c’est la richesse de notre territoire, c’est notre histoire, alors à nous de continuer. Je ne suis pas encore très connaisseur, il y a tellement d’essences. La Buissonnante permet de lever les yeux pour apprendre à reconnaître et aussi pour apprendre à faire. C’est magique de s’inscrire dans l’histoire de son territoire en plantant des arbres. »
Rédaction : Marie Gazeau
Photos : Annabelle Avril, avec le concours de 5 élèves du lycée agricole des Sicaudières : Alice Drapeau, Léa Brunet, Lou Brunet, Maxime Caillon et Louis Coutineau