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A Oroux, un conte de haies

par | 8 mars 2021


Confronté à la disparition progressive des haies, Oroux, petit village des Deux-Sèvres, a trouvé le levier juridique permettant de les protéger. Elles sont maintenant classées au patrimoine communal. Une véritable aventure collective pour sauvegarder ce patrimoine arboré essentiel à l’environnement. La commune aimerait maintenant voir son initiative originale inspirer d’autres territoires.


« Il fallait faire quelque chose »

« Désormais nous sommes sereins, on sait qu’on ne verra plus de pelleteuses venir arracher des haies dans la commune. » Depuis 2014 Mickaël Chartier est maire d’Oroux, 102 habitants dans les Deux-Sèvres. Ce village est situé entre le bocage, terre d’élevage, et la plaine céréalière dont le développement a provoqué l’arrachage de nombreux kilomètres de haies au fil des années. L’élu n’a pas d’étiquette politique verte mais une sensibilité de bon sens à l’écologie. C’est en 2017 que le conseil municipal décide de mettre la question de la disparition des haies au menu d’une délibération, conscient de leur intérêt pour l’élevage et pour l’environnement. Ces éléments naturels jouent un rôle clé pour la biodiversité (voir encadré) et ils stoppent les ruissellements d’eau. « En cas de fortes pluies, on n’arrive plus à capter toute l’eau et ça finit par dévaler dans le bourg, explique Mickaël Chartier. On ne peut pas se permettre d’inonder les garages des riverains sous prétexte qu’on veut arracher toutes les haies pour agrandir les parcelles agricoles. La haie stoppe le ruissellement et permet à l’eau de s’infiltrer. » Alors, quelle solution pour protéger ce patrimoine arboré ? Oroux n’étant doté ni de Plan Local d’Urbanisme ni de carte communale, le maire s’est rapproché de la sous-préfecture de Parthenay et du directeur régional de la DDT pour rechercher avec eux des leviers juridiques. Le maire d’Oroux se souvient : « Nous avons trouvé l’article de loi L22-111 du code de l’urbanisme, qui dit en résumé que toute commune peut, après enquête publique et délibération du conseil municipal, protéger des éléments de son patrimoine : un puits, une haie, un arbre etc. A partir de là, il fallait répertorier les haies qui avaient réellement un intérêt écologique, paysager et patrimonial. Puis les classer et les sauvegarder. »

L’intérêt écologique des haies
-espaces de biodiversité végétale et animale (lieux de refuge, d’alimentation et de reproduction de la faune sauvage)
-hébergement de la faune utile (accueil d’auxiliaires de culture, pollinisateurs et prédateurs régulant les populations de ravageurs)
-conservation et régénération des sols (lutte contre l’érosion, enrichissement des sols par la production de matière organique)
-atténuation de l’impact du changement climatique (absorption du CO2 et stockage du carbone, régulation des températures extrêmes)
-préservation des ressources en eau (les haies favorisent l’infiltration des eaux dans le sol, filtrent et épurent l’eau de ruissellement)

Pour aller plus loin : https://www.promhaies.net/

Convaincre les agriculteurs

Oroux, 102 habitants, se positionne clairement pour le maintien des haies et les a classées au patrimoine communal

Pour mener à bien ce travail, Oroux s’est rapproché du Pays de Gâtine qui a aidé la commune à monter un cahier des charges et à rechercher une structure à même de piloter la mission. Dès son origine, le projet s’est voulu participatif et c’est ainsi qu’un comité de pilotage a été constitué. Par ailleurs, les habitants ont été réunis pour leur expliquer le projet, les enjeux, susciter l’engagement… mais également lever les réticences des agriculteurs : « Au départ, deux ou trois étaient virulents, maintenant l’état d’esprit a changé, les agriculteurs ont compris qu’ils avaient tout intérêt à lever le broyeur. Ils se sont aussi rendu compte que la population était pour la sauvegarde des haies, que ce n’était pas un caprice du maire et du conseil. » Jérôme Rochard, agriculteur éleveur propriétaire d’un cheptel de 1000 mères brebis, a assisté à une de ces réunions. Il est pour sa part un convaincu du bien-fondé de la démarche : « On m’a demandé mon avis. De mon point de vue d’éleveur, garder des haies c’est cohérent. L’été les brebis peuvent se mettre à l’ombre, et l’hiver surtout, les haies leur servent de brise-vent, les animaux se réchauffent. […] Sur mon entreprise aujourd’hui, tailler et entretenir les haies ça coûte 5000 euros par an. L’aspect économique explique aussi pourquoi certains préfèrent arracher plutôt qu’entretenir. Mais ce que beaucoup de céréaliers n’ont pas encore compris, c’est que dans les haies se trouvent des prédateurs qui vont manger des insectes nuisibles aux cultures. »

Un inventaire participatif

Plan de recensement des haies de la commune

C’est Prom’haies qui a été choisi pour coordonner le projet. Avant Oroux, cette association avait eu l’occasion d’accompagner des communes dans l’inventaire des haies, mais jamais de façon participative, et jamais avec une méthodologie aussi poussée. Pour cette action, Prom’haies a en effet créé une grille de notation très précise permettant de déterminer de façon scientifique les haies à sauvegarder. « Nous avons construit une grille de relevé en fonction des trois enjeux d’intérêt général : la biodiversité, la qualité et l’écoulement de l’eau, et le paysage au sens patrimonial » explique Carole Malherbe, chargée d’étude et de communication de l’association. Après une demi-journée de formation, dix habitants volontaires ont chaussé des bottes, pris stylo et blocs-notes et ont relevé 90 km de linéaires. Au final, il a été établi que 64 km de haies devaient être protégés, ainsi que l’intégralité des 32 arbres isolés de la commune. La mesure est effective depuis 2019.

Le point fort d’Oroux a été de travailler sur des indicateurs, des analyses et des notations, pour faire le choix des tronçons primordiaux à sauvegarder. Pour la commune, c’est une belle victoire, ils peuvent être fiers.

Carole Malherbe, Prom’haies

Une démarche à cultiver

Mickaël Chartier, maire d’Oroux

« On aimerait aller encore plus loin », confie Mickaël Chartier. Le maire d’Oroux souhaite désormais aider les agriculteurs à trouver des solutions plus économiques, mais aussi plus douces pour l’entretien de leurs haies. Une formation a été menée en collaboration avec, entre autres, la fédération départementale des CUMA (coopérative d’utilisation de matériels agricoles) pour présenter l’utilisation du lamier à fléaux, moins violent que le broyeur à couteaux qui est généralement utilisé. Si l’arrachage est désormais proscrit, le recépage reste possible, et même souhaitable dans certains cas. Il s’agit d’un geste de taille drastique (coupe à la base pour ne garder que des souches d’une dizaine de centimètres) qui est parfois nécessaire pour de vieilles haies de plus de 10 ans afin de leur donner une nouvelle jeunesse, les rendre plus florifères ou tenter de les sauver après un épisode de gel ou une attaque parasitaire. Cette aventure collective inspire, et faire connaître le projet pour donner à d’autres communes l’envie de dupliquer est désormais un objectif de l’équipe. Les élus des environs sont intéressés et comme le souligne Carole Malherbe chez Prom’haies : « Le maintien des haies est un enjeu fort sur ce territoire, dans la perspective de la création du Parc Naturel Régional de Gâtine. » L’élément paysager sera central.


Rédaction : Thomas Ogeron
Photo : Annabelle Avril

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