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Pesticides dans l’agglo de La Rochelle : des tests pour détecter les polluants sur 70 enfants

par | 6 février 2024


Dans un contexte de forte exposition aux pesticides en plaine d’Aunis, l’association locale Avenir Santé Environnement lance le projet NEEXT (Nos Enfants EXposés aux Toxiques). Elle va tester les cheveux et les urines de 70 enfants volontaires de 3 à 17 ans, dans six communes de l’agglomération de La Rochelle : Périgny, Saint-Rogatien, Clavette, Bourgneuf, Dompierre-sur-Mer, et Montroy. Une réunion publique se tient le 8 février au Biopôle Léa Nature pour présenter cette action citoyenne de recherche, et recueillir les candidatures des familles. Interview de Franck Rinchet-Girollet, président de l’association.


Quelle est la problématique de ce territoire, la plaine d’Aunis, où a été créée l’association Avenir Santé Environnement et où vous allez mener les tests ?

L’association a été créée en 2018 suite à l’apparition de plusieurs cas de cancers pédiatriques dans la plaine d’Aunis. Elle est née de la volonté des familles d’alerter sur cet excès de risque, qui a été avéré dans les communes de Périgny et de Saint-Rogatien par une étude de l’Inserm (ndlr : Institut national de la santé et de la recherche médicale). Dans les hôpitaux, les personnes qui ont connu la maladie de leur enfant ont toutes entendu un jour que, dans l’environnement, il peut y avoir une multitude de facteurs pouvant déclencher ou aggraver des pathologies ; c’est un déterminant de santé. Nous avons donc essayé de comprendre si notre propre environnement pouvait être délétère, ou non, pour la santé.

Depuis 2019, nous avons reçu de nombreuses alertes concernant la contamination aux pesticides sur notre secteur, et sur tous les milieux. La contamination de l’air a été révélée par trois études Atmo, avec une trentaine de pesticides présents. En 2021 nous avons même eu le triste record en France de sites quantifiés en termes d’herbicides, avec 41 molécules, et le record de France de taux de prosulfocarbe. Concernant la contamination de l’eau, nous avons connu la pollution d’un point de captage au chlortoluron, qui est un herbicide classé CMR (ndlr : Cancérogène, Mutagène et toxique pour la Reproduction). On en a retrouvé avec un taux 130 fois supérieur à la norme de qualité. C’est énorme. Or cette eau a été distribuée pendant 12 jours avant que l’Agence Régionale de Santé ne fasse fermer le point de captage. Nous avons porté plainte avec la branche locale de France Nature Environnement pour cette pollution.

Et puis nous avons eu d’autres alertes : par exemple des citoyens dans l’agglomération ont financé avec leurs fonds propres des recherches sur les potagers, et ils ont mis en évidence que même des potagers cultivés en bio sur notre territoire pouvaient être impactés. Ils y ont trouvé du chlortoluron et du prosulfocarbe. Voilà le contexte dans lequel on évolue chez nous. La contamination aux pesticides est systémique. Et en tant que papa d’un enfant qui a été malade, je me demande comment, en 2024, on peut continuer d’autoriser ce type de produits en agriculture.

Vous êtes dans une plaine de production agricole, mais ce que vous pointez ce ne sont pas les agriculteurs, c’est l’autorisation de mise sur le marché des pesticides de synthèse.

Effectivement, le problème ce ne sont évidemment pas les agriculteurs, qui achètent des produits de façon légale. Et on sait bien que l’agriculture ne va pas changer en un claquement de doigt, on le voit bien dans le contexte de crise qu’elle traverse en France et en Europe. La vraie question, c’est : qui délivre les autorisations de mise sur le marché de ces produits, et dans quel intérêt ? Ils sont toxiques pour la biodiversité, la santé, et en premier lieu celle des agriculteurs, eux aussi victimes de ce système-là. Nous avons bien conscience que s’ils n’utilisent pas ces produits comme leur demandent les instances agricoles, ils n’auront pas le même rendement de production et mettront en péril leur activité. Le but n’est pas de se mettre à dos les agriculteurs, c’est au contraire de leur faire prendre conscience que ces produits sont dangereux, et de réclamer avec eux une véritable transition agricole et un plan de sortie des pesticides de synthèse.

Pourquoi organisez-vous aujourd’hui ce projet de recherche de polluants sur les enfants ? Avec quel objectif ?

Comme je vous le disais, depuis 2018 un excès de risque de cancers pédiatriques a été avéré par une étude de l’Inserm. Nous avons connu sept cas en 12 ans sur une commune de 2 200 habitants. Cette alerte a été documentée, or nous n’avons aucune réaction de la part des pouvoirs publics en termes de recherche environnementale.
L’agglomération de La Rochelle s’est auto-saisie du sujet en finançant des études sur la qualité de l’air, même si ce n’est pas dans ses prérogatives, mais rien de la part de l’Agence Régionale de Santé, ni de de Santé Publique France. Il n’y a pas eu d’études complémentaires auprès des familles, ni de réponses apportées aux inquiétudes.

Alors oui, nous avons des pesticides dans l’air, dans l’eau, dans les sols, mais quid de l’impact sur nos enfants ? Voilà comment nous en sommes venus à nous dire que puisque personne ne faisait rien, nous allions autofinancer un projet citoyen de recherche pour faire analyser les cheveux et les urines de 70 enfants. Nous ne sommes pas scientifiques, mais nous allons travailler avec un laboratoire public et les résultats seront analysés par des toxicologues et des médecins. Choisir un laboratoire public permet d’avoir des résultats qui ne soient pas remis en question, puisqu’il travaille aussi pour l’État !

En tant qu’association, avec cette action nous répondons à une réelle inquiétude citoyenne. C’est énorme le nombre de personnes qui nous contactent pour faire participer leurs enfants. Maintenant concernant les résultats, si nous ne trouvons rien, tant mieux. Si nous trouvons quelque chose, nous ne pourrons qu’alerter car nous ne sommes pas décisionnaires de politiques publiques. Mais nous le ferons vigoureusement.

Comment avez-vous arrêté ce chiffre de 70 enfants testés ? Et pourquoi six communes ?

Nous avons les moyens de financer 70 tests, pas plus malheureusement. C’est un budget relativement conséquent pour une association comme la nôtre. Pour ce qui est des six communes, nous avons choisi d’analyser un territoire où nous avons de la documentation et où plusieurs études s’entrecroisent. Elles font partie d’une cohorte retenue pour l’étude épidémiologique élargie que l’agglomération de La Rochelle a financée.
Et c’est notamment sur ce territoire que se trouve Montroy, où est installé le capteur de la qualité de l’air qui a relevé le record de France d’herbicides, ce qui suscite l’inquiétude des parents dans les communes environnantes. C’est aussi sur cette zone-là que des points de captage ont été fermés par l’agglomération cet automne pour une pollution au chlorothalonil.

Notre objectif est d’avoir un panel équivalent de 10 à 12 enfants dans chacune des six communes. Il ne s’agira pas d’un suivi de long terme, mais d’une image à un instant T des pollutions, majoritairement agricoles, qui peuvent les impacter. Le test se déroulera au printemps, à une date que nous définirons en fonction des périodes d’épandage.


Propos recueillis par Hélène Bannier
Photo d’illustration : Hélène Bannier
Photo portrait : Franck Rinchet-Girollet

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