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Campagne de mesure de l’air : Atmo passe les pesticides à la loupe

par | 29 août 2023

Relevé station Atmo

Après un an de mesures en région, Atmo, l’observatoire de la qualité de l’air, vient de rendre public son “Bilan annuel des pesticides dans l’air en Nouvelle-Aquitaine”. Atmo a choisi de se pencher sur 107 molécules sélectionnées pour leur caractère plus dangereux que d’autres, leur présence régulière dans les relevés ou leur interdiction à la vente. Des substances actives ont été retrouvées sur les six sites d’analyse : Montroy (17), Saint-Saturnin (16), Poitiers (86), Allassac (19), Bordeaux et Libourne (33).


Dans le quartier des Couronneries, à Poitiers, se trouve le plus ancien site de référence qu’utilise Atmo, observatoire de la qualité de l’air en région, pour collecter des données. À l’intérieur, le technicien Thierry Rogiez s’active pour effectuer un prélèvement. Mains gantées pour éviter toute contamination, il récupère la capsule qu’il a insérée la semaine précédente dans un échantillonneur d’air relié à l’extérieur par un tuyau. Une partie piège les particules en suspension dans l’air et une autre retient les gaz. C’est ce dispositif qui permet aux ingénieur·es d’Atmo d’analyser la concentration de pesticides dans l’air. Une fois la capsule conditionnée et stockée dans une glacière, prête pour l’envoi au laboratoire, le technicien relève manuellement la température et la pression, deux critères pouvant jouer sur la façon dont les pesticides se répandent dans l’air ; de quoi rendre l’analyse encore plus fine.

Après une trentaine de semaines à répliquer cette opération sur quatre stations fixes (Poitiers, Montroy, Saint-Saturnin, Bordeaux) et deux stations mobiles (Libourne et Allassac), Atmo Nouvelle-Aquitaine a dévoilé, fin juillet, son bilan annuel pour 2022.

Relevé station Atmo Couronneries Poitiers
Le quartier des Couronneries à Poitiers abrite une des six stations de prélèvement d’Atmo Nouvelle-Aquitaine

Six pesticides se démarquent

Eaux, sols, aliments, air… les pesticides sont partout dans l’environnement. Majoritairement émis par le secteur agricole, ils servent également à l’entretien des voiries et des espaces verts. Dans son analyse, Atmo a choisi de se pencher sur 107 molécules de pesticides, sélectionnées pour leur caractère plus dangereux que d’autres, leur présence régulière dans les relevés, ou encore leur interdiction à la vente. Verdict : parmi les 107 molécules de pesticides recherchées en laboratoire, 53 ont été détectées (retrouvées en traces infimes) et six ont été quantifiées (retrouvées en quantités suffisantes pour être mesurées de façon exacte) sur l’ensemble des sites de mesure d’Atmo, qu’ils soient en zone rurale ou en zone urbaine.

Quels sont ces six pesticides quantifiés ? Trois herbicides se démarquent : le prosulfocarbe, le triallate et la pendiméthaline. Utilisés notamment sur les céréales d’hiver, pour lutter contre l’abondance des adventices (aussi appelées “mauvaises herbes”) ; leurs concentrations et leur répartition sont globalement restées stables sur les sites de Poitiers et de Saint-Saturnin depuis 2020. Les résultats du prosulfocarbe étaient particulièrement attendus, un taux record ayant été enregistré en Charente-Maritime en 2021. Un an plus tard, sa concentration a été divisée par 2,5. Deux facteurs pourraient expliquer cette baisse selon Julie Gault, chargée de communication à Atmo Nouvelle-Aquitaine : le travail de sensibilisation effectué par l’Agglomération de La Rochelle et la Chambre d’Agriculture, ainsi qu’une diminution des précipitations en 2022. L’été chaud et sec aurait réduit la pousse d’adventices, et donc amoindri le besoin en pesticides. “Mais ce ne sont pour le moment que des hypothèses, nous avons besoin de plus de recul pour savoir si cette diminution est liée à un changement de pratiques ou à des variations météorologiques”, précise la chargée de communication.

Relevé station Atmo
Les relevés ont lieu toutes les 167 heures en moyenne

Quatrième pesticide quantifié : le S-métolachlore, un herbicide principalement utilisé pour le maïs et les oléagineux et dont les concentrations ont tendance à stagner. Vient ensuite le folpel, un fongicide notamment utilisé dans les vignes pour combattre le mildiou. Ses concentrations ont légèrement augmenté en 2022 par rapport à 2021, particulièrement sur les sites viticoles (Saint-Saturnin et Bordeaux).

Des pesticides interdits qui perdurent

Paradoxalement, le dernier pesticide quantifié par Atmo sur l’ensemble des sites est interdit à la vente depuis 1998. Le lindane est pourtant le pesticide le plus fréquemment retrouvé sur tous les sites de mesure. Il est en effet très persistant dans l’air et dans les sols, et le travail de la terre ainsi que les phénomènes d’érosion naturelle remettent ses molécules en suspension dans l’air depuis deux décennies (avec tout de même une tendance à la baisse pour les sites de Poitiers et de Saint-Saturnin).

Atmo effectuant ses campagnes depuis 2001, certaines tendances peuvent être observées. Dans l’ex-Poitou-Charentes, on retrouve surtout des concentrations qui se suivent d’une année sur l’autre ou qui amorcent une baisse. La surprise vient surtout du site de Libourne en Gironde, sur lequel on a quantifié une concentration importante d’endolsufan (un insecticide interdit pour l’usage agricole depuis 2008) par rapport aux niveaux habituels.

Quelles retombées attendre de cette campagne de mesure ? Tous les ans, Atmo transmet son rapport à plusieurs services de l’État, notamment la Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL). De même, s’ils identifient des problématiques particulières, ils transmettent les données à l’Agence régionale de santé (ARS) et à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Le rôle de ces deux agences est alors d’investiguer la source de ces pesticides, d’interroger leurs impacts sur la santé, ou encore de déterminer avec les agglomérations si des mesures doivent être mises en place.


Rédaction et photos : Hildegard Leloué

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