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A Melle, le premier “havre de vie sauvage” de France

par | 26 mars 2024


Une première en France. A Melle, Jacques Debuire a obtenu le label “havre de vie sauvage” : cinq hectares de ses terres sont désormais préservés de toute intervention humaine néfaste à la biodiversité, et ce pendant 99 ans.


Originaire de Toulouse, rien ne prédestinait Jacques Debuire à poser ses valises à Melle, dans les Deux-Sèvres. Pourtant, lorsque cet amoureux de la nature a découvert le site du moulin de Charzay, il n’a pas hésité longtemps avant de décider de s’y installer, il y a trois ans, entouré de sa femme Nathalie et de leurs deux enfants. « Ça a été un coup de foudre, sourit le sexagénaire. En même temps, comment est-ce qu’on pourrait ne pas tomber amoureux de ce lieu ? » D’une surface totale de sept hectares, le terrain abrite un imposant moulin, un gîte dont s’occupe Nathalie au fil des saisons, et même un poulailler pédagogique. Surtout, la propriété compte cinq hectares d’espaces naturels non exploités. Un « confetti de nature« , comme l’appelle Jacques Debuire, composé d’une prairie sèche, d’une zone semi-humide, d’une zone limoneuse et d’un bois, que le retraité a décidé de protéger grâce à un tout jeune label nommé « havre de vie sauvage ».

Havre de vie sauvage : laisser la nature se régénérer

Créé début 2023 par l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), ce label offre la possibilité aux propriétaires qui disposent de plus de cinq hectares continus de protéger leurs terres de toute intervention humaine néfaste, pendant une durée incompressible de 99 ans, même en cas de vente ou de succession. L’objectif : « laisser à la nature le temps et l’espace de se régénérer, à l’abri de la main de l’homme, entame Jacques Debuire. Ça semble encore difficile à entendre, mais tout ce dont la nature a besoin, c’est qu’on la laisse tranquille« , insiste-t-il. Un impératif d’autant plus crucial que le terrain de Jacques Debuire se situe dans une région qui a vu sa faune et sa flore grandement affectées par le déploiement de monocultures agro-industrielles, à tout juste quelques kilomètres du très controversé projet de méga-bassines de Sainte-Soline. « Dans ce contexte, quand j’ai entendu parler du label de l’Aspas, j’ai tout de suite su que ce serait un outil juridique fort pour protéger efficacement mes terres« , souligne Jacques Debuire.

Jacques et Nathalie Debuire se sont installés il y a trois ans sur le site du moulin de Charzay, à Melle.

Des espèces variées

Pour pouvoir aller au bout de la démarche et faire labelliser son terrain, le couple Debuire a conclu une Obligation réelle environnementale (ORE) avec l’Aspas. A travers ce dispositif foncier dédié à la protection de l’environnement, le couple s’est engagé à respecter un certain nombre d’interdictions sur les cinq hectares protégés de sa propriété. Il n’est par exemple pas possible d’allumer un feu, de circuler hors des chemins spécifiquement prévus à cet effet, ou encore de prélever le bois mort. Des interdictions que Jacques Debuire respecte à la lettre, ce qui ne lui apparaît pas comme une contrainte, au contraire. Depuis la labellisation de son terrain en septembre dernier, le passionné se réjouit d’y observer la présence croissante d’espèces variées, parmi lesquelles des renards, des lièvres, des chevreuils, des chauves-souris, des reptiles, ainsi qu’une multitude d’oiseaux comme des pics épeiches, des loriots et des bergeronnettes grises. Sans compter le couple de loutres qui a élu domicile sur la propriété, à la grande satisfaction de la Ville de Melle.

Un soutien fort de la municipalité

Cosignataire du label « havre de vie sauvage », la commune a été un des premiers soutiens du couple Debuire dans ce projet de labellisation. « Soutenir leur démarche nous a tout de suite semblé évident, puisque ça va de pair avec les actions que nous menons et défendons au sein du conseil municipal, explique Jérôme Texier, adjoint à l’environnement à la Ville de Melle. Que ce soit à travers le « havre de vie sauvage » ou avec la création de réserves de biodiversité communale par exemple, nous avons à cœur de défendre une ruralité écologiste de gauche« . La labellisation de la propriété des Debuire pose néanmoins quelques difficultés. Sur le terrain, où la chasse est strictement interdite, les panneaux informatifs que Jacques Debuire a disposés aux abords de la propriété sont par exemple régulièrement arrachés.

Labellisé « havre de vie sauvage », le terrain des Debuire est désormais préservé de toute intervention humaine néfaste pour une durée de 99 ans.

Un projet qui essaime

Pas de quoi entacher pour autant la fierté de Jacques Debuire d’avoir obtenu ce label, qui fait de sa propriété le premier « havre de vie sauvage » de France. Une labellisation qui devrait d’ailleurs en préfigurer de nouvelles puisque depuis septembre dernier, l’Aspas a reçu pas moins d’une centaine de dossiers de la part de propriétaires désireux de s’engager dans cette même démarche en faveur de la biodiversité. L’idée fait d’ailleurs son chemin jusque dans le voisinage de Jacques Debuire, où l’un de ses voisins réfléchit à protéger près d’une dizaine d’hectares de son terrain. « Ce dont nous avons le plus besoin, c’est d’apprendre à nous mettre en retrait et laisser la nature évoluer à son rythme, sourit le Mellois d’adoption. Si cette première labellisation peut en amener d’autres, je m’en réjouis. » Et de conclure : « Mes enfants m’ont promis que quand je ne serai plus là, ils renouvelleraient la protection du terrain pour 99 années supplémentaires… Je crois que quelque part, ça veut dire qu’on avance.« 


Rédaction et photos : Cécile Massin

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