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Créateur de forêt : le Niortais qui plantait des arbres

par | 2 juillet 2021


De la même façon qu’il existe des promoteurs immobiliers, Baptiste Trény, Niortais de 38 ans, se décrit comme « promoteur de biodiversité ». Lancée en février 2021, son entreprise « Créateur de forêt » est porteuse d’un projet innovant : redonner vie à des écosystèmes sur le territoire local via la plantation de forêts. Une campagne de financement participatif est en cours.


Vous vous présentez comme « créateur de forêt », en quoi est-ce que cela consiste ?

Créateur de forêt est une SAS (Société par Actions Simplifiées) se fixant deux objectifs : créer des écosystèmes favorables à la préservation de la biodiversité sur le long terme, et reconnecter les individus à la nature. Pour ce faire, nous concevons des forêts sur des terrains que nous transmettent des communes du territoire ou que nous achetons nous-mêmes. Une fois le terrain acquis, nous nous procurons des arbres, que nous plantons, protégeons et entretenons pendant une durée de cinq ans. La création de forêt ne représente cependant pas l’ensemble de notre activité : nous promouvons en réalité la biodiversité entière, en redonnant vie à tout un écosystème, selon ses besoins. En effet, ériger une forêt n’est pas toujours la solution la plus adéquate pour raviver une parcelle en friche. Il ne s’agit pas uniquement de planter des arbres, mais de s’adapter au terrain, que l’on abordera de façon différente suivant qu’il est plutôt argileux, calcaire, sablonneux … La plantation d’arbre n’est pas une panacée : prairies, clairières, zones humides et mares se révèlent parfois plus adaptées. L’objectif est ensuite que ces espaces naturels puissent servir à des ateliers d’éveil et de découverte, devenir de véritables supports d’éducation populaire et de sensibilisation à la nature. En effet, pour avoir envie de protéger quelque chose, il me semble qu’il faut d’abord l’aimer ; et que pour aimer, il est nécessaire de connaître. C’est la raison pour laquelle nos espaces sont entièrement accessibles au public, notre but étant de passer par le visible (la création d’une forêt) pour élaborer ce qui se perçoit plus difficilement (la biodiversité dans son ensemble).

Comment réagissent les communes lorsque vous les démarchez ?

Les communes sont en général très enthousiastes à l’idée de me confier des terrains dont elles n’ont plus l’utilité, qui sont en friche ou impropres à l’agriculture. Comme je suis un porteur de projet autonome, qui organise et finance la création d’un écosystème de A à Z, elles ont alors peu de raisons de m’opposer un refus, d’autant plus que ces collectivités restent propriétaires de leurs terrains. J’exige une seule contrepartie : que le terrain soit uniquement voué à la préservation de la biodiversité pendant 99 ans, soit la durée maximale que l’on peut exiger dans la législation française. C’est ma façon de m’assurer d’obtenir un engagement sur le long terme, d’avoir la certitude que les arbres ne seront pas coupés au bout de quelques années pour quelque motif que ce soit.

Comment sont financés les arbres et qui se charge de leur plantation ?

J’opère avec deux types de clients : des particuliers et des entreprises partenaires. A ce titre, mon métier consiste à démarcher des entreprises souhaitant exercer un impact positif sur l’environnement. Je leur propose alors de transformer cette volonté en action concrète, en sponsorisant la création de biodiversité sur les terrains que j’acquiers, à raison de 4,17€ HT par mètre carré. Les particuliers peuvent, ensuite, également effectuer des donations à titre privé. Pour chaque mètre carré financé, une position GPS permet ainsi au donateur de savoir précisément quelle parcelle de biodiversité sa contribution aura permis de financer. En ce qui concerne la plantation des arbres, je m’entoure de tout un écosystème de compétences territoriales. En phase de conception, je consulte tout d’abord différents professionnels du métier, forestiers, écologues, naturalistes, ornithologues, etc., pour construire un projet d’écosystème à la fois pertinent et durable. Je fais ensuite appel à une entreprise forestière pour préparer les sols, puis j’achète les arbres auprès de Prom’Haies, une association détentrice du label végétal local, qui signifie que les graines sont récoltées dans notre région. La plantation est ensuite effectuée par une classe de seconde d’un lycée horticole. L’entretien des arbres sur cinq ans, quant à lui, est ensuite confié à Nature Solidaire, une association de réinsertion professionnelle offrant à des personnes aux parcours difficiles l’opportunité de rejoindre le marché de l’emploi.

Sur quel territoire développez-vous ce projet ?

Nous créons d’abord des histoires à l’échelle locale, avec des projets principalement situés dans les Deux-Sèvres et ses départements alentours, Vienne, Vendée, Charente-Maritime et Charente. Une fois que ces écosystèmes locaux seront suffisamment implantés, nous souhaitons nous étendre à l’échelle nationale. Au stade actuel de développement de Créateur de forêt, la difficulté ne réside plus tant dans le fait de dénicher des terrains que d’assurer un financement et un entretien sur le long terme.

Votre premier projet de création de forêt a débuté en mars dernier sur la Plaine d’Argenson dans les Deux-Sèvres, pouvez-vous nous en dire davantage ?

En effet, il s’agit d’un projet forestier de deux hectares situé au centre de la Plaine d’Argenson, entre Niort et La Rochelle. Ancienne forêt celte ayant été complètement ravagée, son vestige comporte déjà près de 3700 m² de pousses naturelles que nous allons laisser se développer, ce tout en plantant 1527 arbres supplémentaires pour reboiser le reste du terrain. Ceux-ci appartiendront à 34 espèces disparates, notamment sélectionnées pour leur capacité à absorber une hausse de température de 3 à 4 degrés dans les années à venir. Nous procéderons également, sur de petites zones, à des tests d’implantation d’espèces dont je souhaite vérifier qu’elles puissent s’adapter au réchauffement climatique, tels que des amandiers, des figuiers ou encore des oliviers. Au niveau du calendrier prévu, la forêt en sera au stade de taillis 5 ans environ après la plantation, avant de devenir une jeune futaie irrégulière aux alentours de ses 25 ans, puis une futaie irrégulière à maturité au-delà des 100 ans. La création de cette forêt fait suite à la participation de 18 entreprises partenaires aux profils variés, allant de celle approchant les 10 millions de chiffre d’affaires annuel au salon de coiffure et à la boulangerie locale, une diversité illustrant bien à quel point la préservation de l’environnement est l’affaire de tous.

Comment a germé l’idée de devenir créateur de forêt ?

Après une année de prépa commerciale à Poitiers puis une licence en IUT GEA, j’ai achevé mes études à Niort dans le cadre d’un master en Gestion Commerciale des PME. J’ai ensuite œuvré en tant qu’agent immobilier pendant six ans avant de rejoindre la MAIF en tant que conseiller financier. Devenu manager dans la gestion des patrimoines suite à une évolution rapide, j’avais alors devant moi une carrière toute tracée dans cette entreprise que j’affectionne énormément. Néanmoins, face à la multitude de chiffres et de statistiques quantifiant l’érosion de la biodiversité, j’ai senti, après sept ans de vie professionnelle épanouie, que ma place était ailleurs : au plus près de la cause environnementale. J’avais également envie d’un métier plus concret, dont je puisse clairement expliciter les missions. Pour mon plus grand bonheur, je sais à présent quoi répondre à la question « papa, c’est quoi ton travail ? » posée par mes enfants, pour qui la création de forêts est bien plus tangible que la gestion de patrimoine !

Découvrez la campagne de financement participatif sur la plateforme J’adopteunprojet


Propos recueillis par Hildegard Leloué
Photo illustrée : Hildegard Leloué
Photo portrait : DR

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