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« Nous voulons créer un pont entre les urbains et le monde rural »

par | 24 juin 2021


Fondé en 2015, le Collectif Fermes Urbaines milite pour la transition agricole autour de La Rochelle. Cette association organise les 48 h de l’agriculture urbaine en pays rochelais les 26 et 27 juin, un événement qui vient poser la question de l’autonomie alimentaire du territoire. Interview de Jean-Philippe Oudot, trésorier et co-fondateur du Collectif.


Quel est le rôle du Collectif Fermes Urbaines ?

Notre objectif est d’encourager la résilience alimentaire et la transition agricole. Nous accompagnons des personnes qui souhaitent s’installer en agriculture biologique ou des propriétaires qui recherchent des porteurs de projets ou une reprise de leur ferme autour de La Rochelle, en Aunis. Notre rôle est de porter un plaidoyer auprès des propriétaires fonciers et des collectivités pour les convaincre, par exemple, de consacrer une parcelle à un maraîcher. Tout cela s’organise en parallèle des voies structurelles de l’agriculture. Nous avons de bons contacts avec la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime et le Groupement des agriculteurs biologiques (GAB 17) mais il n’y a jamais eu de partenariats humains ou financiers. La tendance locale est plutôt à l’agrandissement des exploitations et à l’entretien de l’opacité du milieu, avec des opérateurs immobiliers qui entretiennent une très forte spéculation foncière.

Actuellement, quel est le nombre de fermes et de surfaces cultivées dans l’agglomération de La Rochelle ?

Les dernières données que nous avons datent de 2018. Nous étions sur 9 maraîchers, dont un bio qui exportait à 98 % sa production hors de l’agglomération. L’autonomie alimentaire était alors à 1,86 %. Depuis, des maraîchers se sont installés comme les Biotivés à Saint-Xandre, Mathilde Brachet à Thairé ou la Super Ferme à Périgny, ils seront intégrés dans la prochaine étude menée par la Communauté d’agglomération de La Rochelle (CdA) dont nous connaîtrons bientôt les résultats.

Est-ce qu’il y a encore un gros potentiel de terres exploitables sur ce territoire ?

Oui, bien sûr. Il y a de nouveaux élus qui ont de l’ambition sur ces thématiques. Un Projet alimentaire territorial (PAT) est en émergence sur la CdA, la communauté de communes Aunis Sud et celle d’Aunis Atlantique, cela va dans le sens de l’autonomie alimentaire. Mais c’est une grosse machine à l’inertie lourde. A côté de ça, il faut de l’agilité pour capter le foncier disponible, ce que nous essayons de faire mais nous manquons de moyens. Un salarié ne serait pas de trop. La puissance publique, elle, peut sanctuariser des terrains avec les Périmètres de protection des espaces agricoles et naturels péri-urbain (PAEN) qui permettent de changer le statut de la terre à long terme. Par exemple en modifiant le zonage de AP (zone agricole protégée) en A (agricole). En AP, impossible d’installer une serre alors que c’est autorisé en A. Ça change tout ! Pour cela, il faut le feu vert du ministère, du préfet et du maire. Il faut faire sauter ces trois verrous et c’est très compliqué en raison des enjeux politiques.

Ce sont les verrous politiques qui bloquent l’objectif d’autonomie alimentaire ?

Ce sont évidemment des leviers. Au sein de la CdA, la compétence agricole n’existe pas en tant que telle. En revanche si les services urbanisme, développement économique, transition énergétique, et la coopérative La Rochelle Territoire Zéro Carbone (LRTZC) s’assemblent pour aller dans ce sens, ça va être puissant. Si la collectivité décide que chaque éco-quartier doit être accompagné d’une micro-ferme, nous pourrons aller loin. Il y aussi beaucoup de souffrance et de difficulté chez les agriculteurs et nous ne cherchons pas à les culpabiliser mais plutôt à les accompagner dans une conversion vers le local, le bio et l’emploi non délocalisable.Le Collectif est l’organisateur local des 48h de l’agriculture urbaine dans le Pays rochelais les 26 et 27 juin.

Quel est l’esprit de cette manifestation ?

C’est la Sauge, une association parisienne, qui a lancé cet événement. Il se déroule cette année dans plus de 20 villes de France, Belgique et Espagne. La Rochelle peut se vanter d’avoir le programme le plus fourni ! Cette manifestation cherche à créer un pont entre les urbains et le monde rural, à conscientiser à tous les âges mais aussi permettre à ceux qui habitent à côté d’un jardin partagé de pouvoir les découvrir, échanger avec les jardiniers. Pour cela, 70 créneaux horaires de visites et d’ateliers sont proposés dans 28 lieux différents, du jardin à la ferme.

La Rochelle a créé ses premiers jardins familiaux en 1899 et c’est aussi l’une des villes de France qui compte le plus de parcelles par habitant. Est-ce un territoire particulièrement propice à l’agriculture urbaine, qu’elle soit pratiquée en amateur ou en professionnel ?

A la base je dirais plutôt non, à cause de l’architecture de La Rochelle, de la mer et des marais qui nous bloquent. Mais des maires comme Michel Crépeau ont été visionnaires en proposant énormément d’emplacements de jardins dans les quartiers, en privilégiant des bandes de culture. Il a instauré les vélos en libre-service en 1976, la journée sans voitures en 1997… Il y a un tissu associatif important ici autour des thématiques environnementales. J’ai eu l’occasion de discuter avec le militant écologiste Cyril Dion qui a été impressionné par cette dynamique rochelaise !

Pendant les 48 h, les curieux pourront découvrir de nouveaux systèmes de fonctionnement de jardins partagés, gérés non plus seulement par les municipalités mais parfois par des citoyens, sous forme associative, participative… Les jardiniers urbains de demain seront-ils différents de ceux d’hier ?

Je pense que le mode de culture va évoluer vers moins de « jardiner seul » et plus d’entraide. Les jardins partagés se développent de plus en plus. Les typologies de jardins vont sans doute également se transformer avec des jardins sur le toit ou des balconnières, et de moins en moins de chimie.

Les 26 et 27 juin, il y aura aussi des visites de fermes. Notamment la Super Ferme, un maraîcher qui a pu s’installer à Périgny grâce à votre soutien. Est-ce un modèle à reproduire ?

Nous l’espérons car il est exemplaire ! La Super Ferme c’est un maraîcher sur sol vivant sur un terrain de 2 ha à Périgny, dont 1 ha cultivable. Nous avons construit un récit commun avec le maire, qui a d’abord racheté un hectare pour favoriser cette installation, puis un deuxième. La commune a ensuite accepté qu’il y ait de la culture sur une zone naturelle, au motif notamment qu’il n’y a pas d’impact bâti sur le sol. C’est un cercle vertueux. Si la commune veut introduire ne serait-ce que 20 % de légumes locaux dans sa cantine, elle fait en sorte d’installer un maraîcher. Il faut bien commencer quelque part.

Avez-vous des exemples à nous donner de villes emblématiques en la matière ?

Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), où une régie agricole de 4 hectares alimente la restauration scolaire. A Pau (Pyrénées-Atlantiques), l’agglomération a financé une SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) à hauteur de 100 000 €, elle est entièrement dédiée à l’installation agricole et au changement de modèle. En Charente, Alloue a également lancé une SCIC pour maintenir sa population agricole. Albi vise aussi l’autonomie alimentaire en y mettant des moyens. Dans tous ces exemples, des postes de chargés de missions sont financés. Nous espérons que l’émergence du PAT fera suivre cette voie.


Propos recueillis par Amélia Blanchot
Photos : Collectif Fermes Urbaines

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