Comment accompagner les communes sur la voie de la résilience ? L’association La Traverse, installée à Poitiers, a fait de cet enjeu l’axe principal de son action depuis sa création en 2019. Elle se trouve actuellement en résidence à Migné-Auxances (86), Jazeneuil (86) et dans quatre communes du Mellois (79), pour travailler, de façon participative, à leur transition écologique et sociale.
Enjeux écologiques et développement local
Depuis début avril, Solène Cordonnier et Alexia Beaujeux, salariées de l’association la Traverse, s’installent à Migné-Auxances une semaine chaque mois. Elles y rencontrent les habitants, les élus, les structures socioprofessionnelles stratégiques, avec l’objectif d’accompagner la commune dans son cheminement vers la transition écologique et sociale, tout en favorisant l’implication citoyenne. Une démarche de résilience locale.
La résilience pour un territoire, c’est de pouvoir continuer à assurer ses fonctions essentielles – produire de la nourriture, de l’énergie, loger les habitants – malgré les chocs énergétiques et climatiques. Ce n’est pas de la résistance au changement, mais plutôt une transformation, une adaptation à la situation.
Alexia Beaujeux, salariée de La Traverse
A l’origine de La Traverse, créée en 2019, on trouve un groupe d’étudiants en Master Stratégies Urbaines et Territoriales à Sciences Po Paris. Ils avaient fondé dans un premier temps l’association “Villes et décroissance” afin de remplir le vide laissé par certains cours qui, à leurs yeux, ne prenaient pas suffisamment en compte le contexte climatique et la raréfaction des énergies fossiles. Selon Solène Cordonnier, « la métropolisation ne doit plus être le modèle dominant d’aménagement des territoires car elle est vecteur d’inégalités et de pollutions. Ce n’est pas un modèle durable et il est difficile pour le moment d’y envisager la résilience, car cela nécessiterait une décroissance, une baisse du nombre d’habitants. » Avec La Traverse, ils font clairement le choix de se tourner vers les territoires ruraux, qui ont une plus grande capacité d’adaptation. Leur première action a été de partir, entre octobre 2019 et mars 2020, dans un tour de France des initiatives locales. Partir et écouter. Ce qui a donné lieu à 13 podcasts, réalisés sur autant de territoires, du Pas-de-Calais à la Corrèze.
Cette immersion au long cours a posé les fondements de leur méthode et de leur intention. Pour Solène Cordonnier, l’objectif global porté par l’association est de « réduire l’impact de ces territoires sur le climat en limitant les émissions carbone et l’exploitation des ressources », tout en tenant compte des études sur les conséquences du changement climatique sur ces mêmes territoires. La Traverse compte aujourd’hui trois salariés et deux services civiques. Une de leurs premières missions a été de mener, pendant un an, un état des lieux et une enquête collective dans le Boischaut-Sud dans l’Indre. Ils ont aussi travaillé en Haute-Gironde, où l’objectif était de créer de la compréhension mutuelle entre riverains et viticulteurs, afin d’élaborer un plan d’action pour la diminution de l’utilisation des produits sanitaires et la diminution de l’exposition des riverains. Et puis il y a eu cet Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) pour établir un diagnostic sensible et impliquant de résilience locale dans différents territoires de l’ex Poitou-Charentes : quatre communes du Mellois dans les Deux-Sèvres, Jazeneuil et Migné-Auxances dans la Vienne.
Immersion et participation citoyenne
Si les semaines de résidence immersive et le travail de terrain ont commencé en avril à Migné-Auxances, les rencontres à distance ont débuté dès l’hiver. Fin février, l’association a invité l’équipe municipale de Kingersheim (Haut-Rhin) à témoigner, auprès des habitants, de leur pratique de démocratie participative initiée il y a près de 30 ans. Un deuxième temps en visio a permis en mars de mobiliser les citoyens et de constituer un comité de pilotage réunissant une trentaine de personnes, habitants, élus, associations, acteurs locaux. L’intention n’étant évidemment pas d’imposer des projets dictés d’en haut, mais au contraire de susciter l’engagement de ceux qui vivent la commune au quotidien, de les mettre en capacité à coopérer, s’unir et décider ensemble.
Les questions de transition écologique me travaillent depuis longtemps, et ça me démoralise de voir que ça ne bouge pas, vu l’importance du chantier. Quand j’ai su que quelque chose se faisait à Migné-Auxances, je me suis dit qu’il fallait y aller. Cela peut paraître dérisoire par rapport à tout ce qu’il faudrait faire, mais j’espère que cela va enclencher quelque chose de plus important. Je ne pouvais pas regarder une équipe de jeunes s’investir sans moi-même m’engager. Et grâce à l’action de La Traverse, nous disposons désormais d’un lieu autour des questions de transition et je souhaite qu’il soit pérenne.
Muriel Perrot, retraitée, membre du comité de pilotage
Toujours avec cette intention d’impulser la dynamique citoyenne, Alexia et Solène rencontrent les Mignaxois sur le marché, à la sortie des écoles, à l’épicerie sociale, elles mènent des entretiens radiophoniques avec en vue la réalisation de podcasts, organisent un chantier participatif pour l’aménagement de l’espace de résidence qui leur est dédié à la conciergerie du stade de la commune. Et en ce mois de juin, elles posent les premières pierres d’une grande enquête collective qui sera menée par les habitants, auprès de la population, autour de différentes thématiques : transports et déplacements, agriculture et résilience alimentaire, commerce et lien social, énergie, cadre de vie, connaissance et protection de l’environnement. Au fil des mois, va ainsi se dessiner un portrait du territoire qui révélera ses spécificités, ses enjeux, les initiatives déjà actives, et qui permettra d’identifier clairement les réponses adaptées et des pistes d’action concrètes. La fin de la résidence est prévue en février 2022.
COMET dans le Mellois
En parallèle de l’action à Migné-Auxances, deux autres salariés de la Traverse, Maxime Verdin et Victor Fighiera, ont commencé à la mi-mai leur résidence dans quatre communes des Deux-Sèvres : La Mothe-Saint-Heray, Chey, Sepvret et Exoudun. L’initiative s’appelle COMET, pour Communes du Mellois en Transition. C’est le maire de Sepvret, Patrick Charpentier, qui en est à l’origine. Ce village de 600 habitants a engagé depuis plusieurs années une démarche environnementale, avec la création d’un écoquartier, la construction de deux maisons bioclimatiques, la réisolation de tous les bâtiments publics, le changement de système de chauffage pour passer du mazout aux granulés bois etc.
Nous étions intéressés par la démarche de La Traverse pour trois raisons : même si nous sommes conscients qu’il faut agir, nous ne sommes pas des spécialistes de l’énergie et du climat. Il faut une vraie coordination et une réflexion de fond. Ensuite le Traverse va au contact de la population, quelle que soit la sensibilité écologique des gens, ce qui nous permet de mesurer le degré d’information, de sensibilisation et de conscience sur la transition. Et puis on trouvait intéressant de se faire bousculer par des jeunes qui ont acquis des compétences sur ces thèmes-là, et surtout une méthodologie.
Patrick Charpentier, maire de Sepvret
Trois communes voisines se sont donc engagées dans l’aventure citoyenne de la résilience locale avec Sepvret. À Jazeneuil dans la Vienne, les résidences ont quant à elles commencé fin mai.
Rédaction : Christelle Pontais
Photos : Hildegard Leloué / Claire Marquis