Jacky Aubineau est élu à la mairie de Cerizay au nord des Deux-Sèvres. Depuis plus de 15 ans, l’adjoint à l’environnement et à l’espace rural porte une démarche de valorisation de la ressource en bois dans cette ville de 5000 habitants.
Comment est née cette démarche de valorisation des bois locaux sur la commune ?
Quand j’ai pris mes fonctions d’élu à la mairie de Cerizay en 2008, j’ai constaté que la ville avait une importante ressource en bois. Nous avons 17 hectares assez morcelés et aussi des grands parcs arborés avec de nombreux arbres sur pied qui n’étaient jamais valorisés.
Lorsque l’école primaire a été agrandie, il y a avait un bois de pins Douglas à l’emplacement de l’actuel parking. Une entreprise forestière est venue et a fait payer la ville pour la « débarrasser » des troncs en laissant les souches et les branches sur le terrain. Ça m’a mis en colère que les collectivités se fassent piller comme ça, je me suis dis que nous devions organiser la gestion de notre patrimoine boisé. Je suis issu de la culture paysanne locale, je savais que c’était possible. Avant les années 80, on n’achetait jamais de bois dans les fermes.
Le premier projet était le cloisonnement d’un bassin d’orage avec un bilan positif en carbone. On m’a pris pour un fou mais plutôt que de mettre des cloisons en béton, on a choisi du chêne de faible qualité, plus vertueux et bien moins cher pour la commune.
Comment s’organise la gestion du bois d’œuvre aujourd’hui?
Nous avons pu organiser toute la chaîne de transformation grâce à une équipe d’amoureux du bois. Un petit groupe s’est mis en place avec des élus et un agent communal. Un salarié de l’association Sèvre Environnement, qui possède des compétences en gestion forestière, nous a accompagnés. Chaque année, nous identifions les arbres qui posent des problèmes de sécurité, ceux qui ont des soucis sanitaires et enfin ceux qui sont bons à être coupés parce qu’ils ont atteint leur summum et vont désormais décliner jusqu’à la mort.
Puis nous abattons les arbres. Un de nos agents s’est formé à l’élagage et nous avons une convention avec la Maison familiale et rurale de Mauléon : les élèves viennent vivre des situations de bûcheronnage et on débarde avec des chevaux. Les petites branches partent pour le paillage et les plus grosses en copeaux pour nos chaudières. Pour les grumes, il a fallu prévoir une zone de stockage avant l’arrivée de la scierie mobile qui transforme les troncs en planches. Et aussi une zone de stockage pour le séchage avant utilisation.
Notre menuisier communal, formé et bien équipé, fabrique ensuite du mobilier urbain comme des bancs, des tables, des caillebotis pour un cheminement doux à travers les zones humides, des bardages de bâtiments communaux, des hôtels à insectes, des structures de jeux pour enfants, des parquets, des bornes pour empêcher les voitures de stationner. Il a également réalisé les aménagements intérieurs de la maison de la santé, des écoles où toutes les étagères et cloisons sont désormais en tilleul ou merisier local, garanti sans substance toxique.
Comment abordez-vous la suite de ce projet ?
Notre démarche est aujourd’hui reconnue, et d’autres collectivités qui veulent s’en inspirer nous contactent pour des témoignages. En effet, bientôt il faudra payer pour compenser le CO2 émis, et l’enjeu du stockage de carbone devient incontournable. Nous prenons déjà en compte les tonnes de CO2 évitées dans la lecture comptable de nos projets, mais lorsque la tonne de CO2 émise sera payante, nous allons encore tirer notre épingle du jeu : la fabrication de mobilier urbain à partir de notre propre bois nous permet de séquestrer du carbone, et donc de faire des économies.
L’essentiel est de bien gérer la ressource. Chaque récolte donne de la lumière aux arbres autour et favorise la régénération naturelle de nos bois.
Nous ne nous arrêtons pas là. On plante beaucoup. Des essences plus résistantes aux changements climatiques comme des chênes sessiles, des chênes verts, des pins Douglas. Ces essences sont déjà présentes sur notre territoire mais restent encore minoritaires. On a déjà planté plus de 1000 arbres sur la commune, souvent avec les écoles. On cherche à en mettre partout. On enlève du béton sur les trottoirs, on creuse des fosses de 20 à 30 m3 dans lesquelles on place du remblai filtrant, pour y envoyer les eaux pluviales. Peut-être qu’un jour on récupérera 2 ou 3 hectares de terres, actuellement louées à des agriculteurs qui cultivent du maïs, pour y planter une forêt communale.
Interview et photos : Marie Gazeau