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A Chef-Boutonne, les élèves se reconnectent à leur rivière

par | 3 septembre 2024

aire éducative fluviale de chef boutonne

Les aires terrestres éducatives sont de petits territoires naturels gérés par des élèves. Une démarche à l’initiative de l’Office français de la biodiversité. A Chef-Boutonne, dans les Deux-Sèvres, deux classes de l’école primaire du Grand Cèdre prennent soin d’un lopin de terre au bord de la Boutonne depuis la dernière rentrée scolaire. C’est l’une des premières aires fluviales éducatives en France.


Comme tous les 15 jours, les élèves de la classe de CM1 CM2 de Mme Gay chaussent les bottes et quittent la cour bitumée de l’école du Grand Cèdre de Chef-Boutonne pour se rendre sur les bords de la Boutonne. Dans la charrette, en tête de cortège, on aperçoit des hôtels à insectes en construction, une bobine de fil électrique, une grande bâche blanche. Marie-Noëlle Gay enseigne ici depuis sept ans. « Avec une collègue, au lieu des séances d’école dehors que l’on organisait, on a voulu travailler sur un endroit qui nous serait dédié ». Elles ont alors répondu à l’appel à projet lancé par l’OFB, l’Office français de la biodiversité, et créé l’une des premières aires fluviales éducatives en France. « Notre fil conducteur est la Boutonne. Les enfants s’en faisaient une vague idée, c’est de l’eau qu’ils voyaient au loin. Un fleuve, une rivière, un étang, ils ne savaient pas trop, se rappelle-t-elle. Alors on est parti randonner pour trouver un terrain communal adapté ».

Le concept d’aire éducative, né en 2012 aux Marquises, compte un millier d’espaces terrestres et marins gérés par des classes de primaire, collège et lycée, en France métropolitaine et en Outre-mer. Les aires fluviales éducatives existent depuis 2023.

Un cahier des charges précis pour l’aire éducative

Le joyeux cortège fait silence à l’entrée du petit bois et déplie la grande bâche pour s’y poser et écouter les oiseaux. « Celui que l’on entend juste là, c’est le troglodyte mignon… », leur murmure Romain Chisson. Animateur au Groupement Ornithologique des Deux-Sèvres (GODS), il est intervenu cinq fois tout au long de la dernière année scolaire. « Le cahier des charges de l’OFB est précis. La classe doit s’appuyer sur des structures d’éducation à l’environnement, explique-t-il. La première année, on les accompagne pour faire un inventaire faunistique et floristique, la seconde ils doivent construire leur propre projet et l’on vient un peu moins. L’objectif est que l’école soit autonome pour gérer son aire éducative au bout de trois ans ». Au fil de la matinée, clés de détermination plastifiées et autres petits outils pédagogiques accompagnent élèves et enseignantes. « On glane au fur et à mesure les outils dont on a besoin, précise la professeure des écoles. Comme on est précurseur dans la démarche, on essuie un peu les plâtres mais c’est surtout sur la partie administrative qu’on a besoin d’un soutien. L’OFB nous accompagne dans le financement du matériel et des interventions, mais nous impose des contraintes administratives parfois difficiles à concilier avec le calendrier scolaire et les envies des enfants. »

Romain Chisson, animateur au Groupement Ornithologique des Deux-Sèvres (GODS)

Conseil de la terre

L’engagement des élèves est pourtant au cœur des projets d’aire éducative. Zac est l’un des dix élèves délégués qui siègent une fois par mois au conseil de la terre, instance de concertation créée au sein de l’école pour définir les orientations du projet. « On a dû voter pour choisir entre plusieurs lieux. Ici c’était le mieux parce qu’il y a avait des arbres. » Pour l’animateur du GODS, le concept d’aire éducative change la donne : « On est sur des temps longs et les enfants sont acteurs de ce qu’ils découvrent et aménagent. Ils sont force de proposition et nous on s’adapte. » Intervenants et enseignants se sont ainsi laissé guider. Après la réalisation d’un herbier, les enfants ont voulu partir à la découverte du cours d’eau. La fédération de pêche est intervenue pour « la meilleure journée de l’année », selon Tomaïssa, parce qu’ « on a trouvé des épinochette, c’est un poisson avec des piques ».
Les espèces présentes ont permis d’estimer que la qualité de l’eau était moyenne. Alors les enfants se sont demandé d’où cela pouvait venir et ce qu’ils pouvaient faire. S’en est suivi une journée nettoyage de déchets. « On a retrouvé un morceau de rail de l’ancien chemin de fer » s’enthousiasme Zac, l’occasion pour la maîtresse de glisser quelques mots d’histoire. La découverte de crottes de hérisson leur a donné envie de construire un abri dédié, puis des nichoirs et autres hôtels à insectes « pour aider les animaux qui habitent ici, pour améliorer leur vie », complète Margot. « On appréhende la nature par la pratique, explique l’enseignante. A partir de ce que l’on trouve ici on fait des séances de science en classe, mais aussi du français. Ils ont ainsi écrit des poésies dans lesquelles on retrouve ce qu’ils ont pêché, ou le caractère de la Boutonne avec sa source, ses bras. On va exposer les poèmes à la médiathèque, ça permet de faire connaître le projet et ce petit bout de nature peu connu des habitants ».

Au fil des sorties, les enfants ont dépassé leurs appréhensions, ils n’hésitent plus à s’élancer, équipés de leurs bottes, hors de sentiers battus

Dépasser les peurs

Les enfants de Chef-Boutonne n’ont pas l’habitude de se promener dans les parcs de la commune en famille. Et seuls, ils n’ont pas le droit d’aller dehors. Mais dans le cadre de l’aire éducative, les parents jouent le jeu, même si les filles sont souvent moins bien équipées que les garçons. « J’ai des bottes exprès pour l’aire éducative, explique Zilia, je ne les mets jamais sinon. Bon là, j’ai une jupe et des collants blancs, j’espère que je ne vais pas être toute crade, mais c’est pas grave, c’est pas moi qui fais la lessive », ajoute-t-elle dans un petit sourire avant de repartir à l’assaut du petit bois où les enfants sont désormais dispersés dans tous les sens.
« Les premières séances, les élèves ne quittaient pas le chemin parce qu’il y a avait des orties et beaucoup de peurs liées aux petites bêtes », se rappelle Marie-Noëlle Gay. Difficile à croire quand on les voit s’élancer dans le coin baptisé « le paradis des bambous », ou se complaire à faire ventouse avec les bottes dans les flaques de boue baptisées les « sables mouvants ». « Au départ lorsqu’ils devaient dessiner des animaux c’était des ronds avec des pattes, maintenant ils dessinent les trois parties du corps des insectes, leur sens de l’observation s’est considérablement développé », explique-t-elle en supervisant le petit groupe qui se relaie à la scie et à pince coupante pour finaliser l’hôtel à insecte. Lorsqu’un grand « Viens voir, j’ai une demoiselle ! » retentit à travers le petit bois, on se dit que la peur des petites bêtes a bel et bien laissé place à l’émerveillement.


Rédaction : Marie Gazeau
Photos : Claire Marquis

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