Créé en 2018 à Celle-Lévescault (86), Agir Low-Tech est un fonds de dotation réunissant artisans, ingénieurs, donateurs, prêts à coopérer pour développer des solutions techniques accessibles financièrement et techniquement pour des acteurs locaux engagés dans des démarches de transition. Un cercle de contributeurs prototype actuellement un semoir de semis direct sous couvert végétal, pour le respect des sols vivants. Interview de Guillaume Augais, co-fondateur.
Des contributeurs d’Agir Low-Tech prototypent actuellement un semoir de semis direct. De quoi s’agit -t-il ?
Entre les maraîchers qui travaillent beaucoup à la main avec des petits outils, et les agriculteurs qui vont travailler sur des dizaines voire des centaines d’hectares, ce qui demande des investissements énormes, on s’est demandé s’il n’y avait pas un intermédiaire en termes de mécanisation, pour des exploitations qui restent à taille humaine. Ce semoir de semis direct est destiné à de l’agriculture à petite échelle. C’est l’étape entre le semoir à main et la grosse machine qui coûte le prix d’une maison et pourrait nécessiter un emprunt sur 20 ans. C’est un outil moins lourd qu’un tracteur qui va respecter la vie du sol, et qui permet aussi de semer dans un sol déjà en culture.
A l’origine, on avait découvert un semoir de ce type aux Etats-Unis, fonctionnant derrière un petit motoculteur. On s’est demandé si on ne pouvait pas le reproduire et lui faire traverser l’Atlantique. L’équipe américaine nous a fourni les plans, nous avons terminé un premier prototype en mars 2020 et nous avons pu trouver des financements. Mais Stéphane Hubert, concepteur d’engins agricoles et contributeur d’Agir Low-Tech, nous a invité à repartir d’une page blanche et tout recommencer. Voilà comment on en est arrivé à concevoir et finaliser ce modèle-là, avec Florian Lunaud, métallier-sculpteur et Pascal Depienne, qui a la double casquette de la connaissance agricole et de la coordination de projet. Pour ma part je me concentre sur la documentation, l’outil de financement et l’outil juridique pour cadrer le projet.
La finalité, c’est de transmettre cette ingénierie artisanale à des associations ou petites entreprises qui chacune sur leur territoire seraient capables à leur tour de mutualiser des compétences pour produire l’outil et répondre aux besoins des maraîchers localement.
Avec quels objectifs avez-vous créé Agir Low-Tech ?
L’idée était de permettre à tous, particuliers, professionnels, expérimentateurs, de mettre en œuvre ensemble des solutions, grâce à leur complémentarité, pour un monde plus résilient, plus soutenable et convivial. Ce que nous voulons c’est aussi produire du commun, de la connaissance, des savoir-faire techniques et technologiques, et les diffuser sous des licences qui soient ouvertes. Nous ne sommes pas là pour faire de la prestation de services. Le fonds de dotation, qui est une forme juridique intermédiaire entre l’association et la fondation, répond à notre dimension d’intérêt général et à notre envie de générer des connaissances qui ne bénéficieraient pas uniquement à notre petit groupe, ou uniquement à un maraîcher. Ensuite avec chaque projet, nous allons défendre des communs en particulier : avec le semoir c’est le sol, la biodiversité, la conservation des semences. Avec notre projet de poêle de masse pour petit habitat, ce sont les forêts, la ressource bois, la qualité de l’air.
Le deuxième projet que vous développez actuellement est donc le prototypage d’un poêle de masse pour petit habitat. Comment en êtes-vous venu à travailler sur cette solution technique particulière ?
A l’origine de ce projet il y a François Courtois, d’Eclowtech. Il était en relation avec une association à Lille qui travaillait sur la construction de tiny houses pour des camps de migrants. Il fallait trouver des solutions de chauffage pour ces petits habitats, en respectant des valeurs environnementales. La question était de voir comment, avec un chauffage au bois, on pouvait éviter de surchauffer. A l’occasion d’une formation, il m’a parlé du projet et a proposé que nous collaborions dessus. Nous avons fait cinq prototypes différents, dont le dernier a été présenté en juin à la rencontre annuelle de l’association nationale des artisans poêliers. Maintenant, nous arrivons à un stade où nous répondons au cahier des charges : on ne surchauffe pas l’habitat, on est compact et on est dans les clous par rapport aux normes. Nous allons réunir prochainement tous les contributeurs pour voir si dans un premier temps nous publions les plans, sans attendre les certifications, pour des autoconstructeurs qui prendraient la responsabilité de sa fabrication.
En tout cas, nous sommes à six mois ou un an d’avoir produit un petit poêle de masse de façon collaborative, qui soit en licence open source et qui puisse être proposé à des clients par des artisans, avec des aides de l’État pour leur financement.
Propos recueillis par Hélène Bannier
Photo : Annabelle Avril