Basée à Bressuire (79), la plateforme de distribution Mangeons Bio Ensemble est là pour faciliter l’introduction de produits bio et locaux dans la restauration collective en ex Poitou-Charentes. Un atout pour le monde agricole et pour l’accès à une alimentation saine et durable dans les cantines, souvent éloignées des objectifs fixés par la loi Egalim.
Mercredi matin au local de Mangeons Bio Ensemble à Bressuire, Christophe Prouteau, arboriculteur à Secondigny dans les Deux-Sèvres, vient livrer ses pommes. C’est Vincent qui les réceptionne et qui va assurer les livraisons vers les cantines d’écoles, d’entreprises, de maisons de retraite ou d’hôpitaux. Vincent est salarié de Mangeons Bio Ensemble (MBE), une plateforme de distribution de denrées alimentaires biologiques locales et régionales à destination des professionnels de la restauration hors domicile. « Je me vois mal livrer les 22 écoles de Niort avec mon camion, explique Christophe Prouteau. Et puis il y a tout le travail administratif pour la facturation et pour répondre aux appels d’offres. Seul, je n’ai pas accès à ce marché là », ajoute-t-il. Il a donc fait le choix de s’associer au sein de MBE. Chaque été, il y retrouve ses collègues arboriculteurs pour fixer un prix de vente pour la campagne. « On révise les prix tous les ans en fonction de nos volumes. On est acteur du prix, dans un cadre collectif. »
Mangeons Bio Ensemble, un projet collectif d’utilité sociale pour le territoire
Producteurs, transformateurs, salariés, clients, MBE compte 35 associés réunis au sein d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Ce statut permet à des collectivités telles que la Région Nouvelle-Aquitaine et la communauté d’agglomération de Grand Angoulême d’être pleinement associées au projet. Née en 2011, La coopérative compte aujourd’hui 250 clients répartis sur les quatre départements de Poitou-Charentes. « On travaille d’abord avec nos 70 producteurs et transformateurs, explique Cécile Remeau, directrice de la SCIC. Pour les pommes, les légumes secs et bien d’autres produits, on a les volumes sur le territoire pour répondre à la demande. » Quand elle ne trouve pas en local, MBE fait appel à des plateformes nationales partenaires. « L’enjeu est de couvrir l’ensemble des besoins d’un cuisinier, des pommes de terre au lait en passant par le couscous ou le lait de coco« .
Des cantines inventives
Bien connaître les produits issus des fermes du coin et répondre aux besoins des cantines, c’est la mission de Kilian, l’un des huit salarié.es que compte la structure. Pour que les poires restent accessibles, MBE livrera les petits calibres, adaptés aux enfants. Et pour les pommes de terre, Killian sait que les petites et les grosses se cuisinent différemment. Alors il s’assure de l’homogénéité des lots préparés par les producteur.ices et va jusqu’à envoyer des photos des légumes pour travailler dans un climat transparent.
A Bressuire, le lycée des Sicaudières fait partie des clients de Mangeons Bio Ensemble. Anthony Brouillard, responsable de la cuisine, travaille depuis des années à l’introduction de produits bio et locaux dans la restauration collective. Au départ, le chef s’est fixé comme objectif d’avoir un menu local en bio tous les jeudis. Il a maintenant une bonne connaissance de ces produits, de leur saisonnalité et de la manière de les préparer. « Ma plus grosse difficulté dans cet établissement agricole c’est d’introduire des menus végétariens. Je cuisine des lasagnes maison, du chili sin carne. Certains goûtent et trouvent cela bon, j’espère que ça peut faire boule de neige… c’est mon challenge » ajoute-t-il dans un sourire malicieux. Introduire des menus végétariens et augmenter le « fait maison » font partie de sa stratégie pour baisser les coûts et augmenter encore la part de produits bio dans ses menus, qui est aujourd’hui de 12 à 15%.
Indispensable volonté politique
Malgré toute sa bonne volonté, Anthony n’atteint donc pas encore les objectifs fixés par les lois Egalim et Climat et résilience qui fixent à 50% minimum de produits « durables et de qualité » dont 20% de bio à toute la restauration collective publique et privée. Il est pourtant bien au-dessus de la moyenne nationale qui s’élève à 7% de bio dans les cantines d’après l’Agence bio. Christophe Prouteau, qui est aussi président de MBE, déplore : « Si tout le monde appliquait la loi, ça donnerait une vraie bouffée d’oxygène à la production biologique. Il est urgent de la soutenir à l’heure ou on assiste à des déconversions. »
Et la SCIC de demander qu’il y ait des contrôles sur la mise en application de la loi pour remettre la question à l’ordre du jour des conseils municipaux. Parce qu’une collectivité qui décide de jouer le jeu, ça change tout. La preuve avec la ville de La Couronne en Charente qui sert quotidiennement 570 repas, composés de produits bio à 82% – 34% qui sont et bio et locaux. Avec deux repas végétariens par semaine, 98% de produits bruts à l’achat et seulement 47g de gaspillage par repas (contre 115g en moyenne nationale), le coût des denrées alimentaires par repas reste à 2,50€. Un record qui prend racine dans une démarche au long cours.
Depuis 2009, nous y sommes allés très progressivement. Il a d’abord fallu bien définir et expliquer le projet politique. Puis on a estimé les moyens nécessaires et on s’est fixé des objectifs précis.
Grégory Plasseraud, directeur de la restauration à La Couronne (16)
Étape par étape, grâce une collaboration étroite entre élu.es, gestionnaire et équipe de cuisine, les fiches de postes ont été revues, des formations organisées et du personnel supplémentaire a été embauché en légumerie, deux heures par jour. « L’essentiel dans la démarche a été d’apprendre à écouter les remarques au sein des équipes, pour lever les freins un par un » résume Grégory Plasseraud. Aujourd’hui la collectivité s’est dotée d’une commission restauration et même d’un animateur en charge du projet éducatif et pédagogique alimentaire sur les temps périscolaires. Alors quand on demande au directeur de la restauration de La Couronne si un changement de municipalité pourrait venir remettre en cause ce travail, il sourit : « Il faudrait maintenant faire avec une équipe de parents d’élèves bien déterminée à maintenir une alimentation saine et accessible à tous à la cantine !«
Rédaction : Marie Gazeau
Photos : Marie Queinec