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Sécurité sociale de l’alimentation : une solution pour lutter contre la précarité alimentaire

par | 16 avril 2024

Sécurité sociale de l'alimentation

Une expérimentation de sécurité sociale de l’alimentation vient d’être lancée en Gironde. Objectif : permettre au plus grand nombre d’accéder à des produits alimentaires de qualité tout en contribuant à la dynamique agricole locale. Le dispositif a été présenté à Poitiers le 11 avril à l’occasion des assemblées générales du réseau Civam Poitou-Charentes et d’InPACT Nouvelle-Aquitaine. Interview à une voix de Romane Jacquet et Lucile Lucas d’Acclimat’Action, l’association qui anime l’expérimentation.


En quoi consiste la sécurité sociale de l’alimentation ?

La sécurité sociale de l’alimentation veut calquer le régime général de la sécurité sociale mis en place en 1946, et faire de l’alimentation un droit pour tous. Concrètement, cela consiste à créer une carte vitale de l’alimentation où chaque personne recevrait un montant défini destiné à l’alimentation. Le système est financé par des cotisations de façon à être indépendant de l’Etat.
La sécurité sociale de l’alimentation repose sur trois piliers. Le premier, c’est l’universalité : rendre l’alimentation accessible à tous quels que soient le statut et le revenu. Il s’agit de gommer une stigmatisation liée à la précarité alimentaire et de combattre les violences alimentaires qui peuvent exister dans le régime actuel de l’aide alimentaire. Bien sûr, heureusement que cette aide existe, mais elle ne réussit pas à résoudre les problèmes de précarité alimentaire, qui augmente. Une politique universelle peut être une solution.
Le deuxième pilier c’est le conventionnement démocratique, le fait que les citoyens puissent choisir de manière démocratique ce qu’ils veulent manger. C’est encourager les circuits courts, le local, l’agriculture paysanne. Alors que, actuellement, ce sont surtout le marché financier et les grands groupes agro-industriels qui décident.
Le dernier pilier c’est la cotisation solidaire. Tout le monde cotise à hauteur de ses moyens, ainsi chacun est acteur du projet. Cela permet de créer une certaine égalité entre les personnes, ce qui n’est pas le cas dans l’aide alimentaire. Il y a une logique de don contre-don.

À quoi ressemble l’expérimentation menée sur votre territoire, la Gironde ?

Elle rassemble 400 personnes de quatre territoires, deux en milieu urbain et deux en milieu rural. Ces 400 personnes, tirées au sort parmi des volontaires, cotisent selon leurs moyens et reçoivent selon leurs besoins. Elles vont recevoir une monnaie alimentaire, la MonA, qui pourra être dépensée dans les points de vente conventionnés, distributeurs, producteurs et productrices, qu’ils auront choisis selon une charte élaborée collectivement. Les points de vente conventionnés doivent respecter cinq critères : être accessibles et inclusifs, respecter le bien-être au travail, être transparents et rémunérer de manière juste les producteurs, proposer des produits issus d’une pratique agricole durable et au maximum locaux. Les participants vont eux-mêmes à la rencontre des points de vente et ensuite prennent la décision, de manière démocratique, de les conventionner ou non.
L’allocation est de 75 euros pour un foyer puis 75 euros par personne qui constitue le foyer. Une personne seule touchera ainsi 150 euros, un foyer de deux personnes 225 euros.

Les cotisations sont-elles suffisantes pour faire vivre le projet ?

La cotisation est auto-déterminée par les personnes, sur le principe de la confiance. La personne cotise en fonction de ce qu’elle peut, avec un minimum de 10 euros par mois pour un foyer d’une personne puis 5 euros par personne supplémentaire. Il n’y a pas de montant maximum. L’objectif est que 40% du projet soit couvert par les cotisations, et 60% par les financements des partenaires publics ou privés de l’expérimentation (Département de la Gironde, Ville de Bordeaux, Bordeaux Métropole, Région Nouvelle-Aquitaine, DREETS, Ville de Bègles, ADEME et Fondation Carasso).

L’expérimentation va durer un an, et après ?

Pendant toute la durée de l’expérimentation, un groupe de chercheurs suit le projet pour en évaluer l’impact pour les participants, mais aussi sur les points de vente. Si le bilan est positif, l’objectif est de poursuivre et d’élargir à de nouveaux territoires.

Quelle est la plus-value pour le territoire d’expérimenter cette démarche ?

Le projet a été co-construit par le collectif Acclimat’Action et deux collectivités, le département de la Gironde et la ville de Bordeaux. Il y a eu des discussions directes entre les citoyens et les élus, ce qui est une grande richesse. L’expérimentation permet aux territoires de tester un projet innovant pour lutter contre la précarité alimentaire. L’idée est aussi de porter un plaidoyer à l’échelle nationale entre toutes les expériences réalisées en France (à Montpellier, à Strasbourg, dans la Drôme, le Vaucluse…) pour pouvoir demander un droit à l’expérimentation, un peu sur le modèle de Territoire zéro chômeur de longue durée.
Tout au long de la construction, les participants se retrouvent en caisses locales : cela permet de faire se rencontrer des habitants de différents territoires, urbains, ruraux, des producteurs et productrices, et les acteurs du système alimentaire. Ensemble, ils œuvrent pour un même objectif.


Propos recueillis par : Claire Marquis
Photos : Claire Marquis, Bastien Guinard

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