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Les Gaillardes : de la piste cyclable à celle du spectacle

par | 28 juillet 2022

Les gaillardes spectacle

Sillonner la Charente-Maritime à vélo pour proposer des spectacles vivants éco-responsables, c’est le projet impulsé par les Gaillardes. Du 25 au 30 juillet, cette troupe d’artistes itinérante parcourt le département pour diffuser la culture dans des lieux alternatifs. L’objectif : rendre la culture accessible à toutes et tous et favoriser la promotion des jeunes artistes, le tout dans une démarche écologique. Reportage au tiers-lieu le Silo de Saintes (17), première étape de leur périple.


L’itinéraire des Gaillardes condense 200 km de vélo en six jours
L’itinéraire des Gaillardes condense 200 km de vélo en six jours. Crédit : Les Gaillardes

30 kilomètres de vélo n’ont pas suffi pour donner envie aux Gaillardes de lever le pied de leurs pédales. Après avoir rallié Saintes depuis leur fief de Château-Gaillard, à Juicq, le collectif de 13 artistes arpente le centre-ville en deux roues pour informer les habitant·es du spectacle du jour. « Nous parcourons la Charente-Maritime à vélo pour déployer notre spectacle, une série de petites formes courtes » détaille Ninon Narcy, l’une des initiatrices du projet, casque de cycliste et brochures en main. Au programme de leur Odyssée Charentaise : six spectacles mêlant chant, danse, cirque, musique et poésie joués dans autant de lieux différents du département, tous les trajets intermédiaires étant réalisés à vélo.

« Ce projet ne se résume pas au spectacle, nous cherchons à créer toute une dynamique de territoire, avec une attention particulière à l’écologie et une envie de rendre la culture accessible à tous les publics » précise Jeanne Guittet, comédienne ayant co-fondé l’association aux côtés de Ninon Narcy et Angèle Arnaud. C’est cette dernière, également habituée des planches, qui a fait connaître Château-Gaillard à ses comparses. Cette maison familiale où elle a « appris à rêver » leur a insufflé l’envie d’associer leurs compétences dans un projet artistique, solidaire et itinérant mettant en lumière la richesse du patrimoine de la Charente-Maritime. Un projet auquel s’est peu à peu agrégée l’idée de constituer une troupe, tant pour renouer avec l’histoire foraine du théâtre que pour favoriser l’insertion de jeunes artistes engagé·es, ayant un pied dans les études et l’autre dans la profession.

« Nous voulons briser les préjugés qui entourent le théâtre »

Les personnages hétéroclites défilent sur la scène atypique du Silo, l’espace choisi pour leur première représentation. Sur cette ancienne friche industrielle réhabilitée en coopérative culturelle se dessine, tambour battant, une parodie de l’Odyssée d’Homère, dans un joyeux mélange des vers du poème Heureux qui comme Ulysse de Joachim Du Bellay. Impertinence mythologique suivante : l’invocation d’une « sirène » à l’allure dégingandée, collectionnant les peaux de bananes et autres déchets à sa ceinture, qui interroge le public avec obstination sur la profondeur du Golfe de Gascogne. S’ensuivent les histoires rocambolesques du fondateur d’un institut de cryogénisation, finissant par dégeler un royaliste se rêvant mousquetaire, entre autres personnages pétillants d’originalité.

« Nous n’avions pas envie de faire un spectacle pour « théâtreux », c’est-à-dire plein de références qu’il faudrait maîtriser pour comprendre » argumente le comédien Lucien Arnaud. « On peut monter un spectacle sérieux et exigeant sans pour autant proposer des dialogues uniquement en alexandrins » renchérit Ninon Narcy dans un sourire. Le théâtre pratiqué par la troupe se veut en effet accessible à toutes et tous, tant par son contenu que par sa tarification à prix libre, ou du fait de jouer en extérieur, à des horaires pensés pour des familles avec enfants. « Nous cherchons à créer une ambiance conviviale avec le public, en marge des codes des salles de théâtre traditionnelles » affirme Émeric Cheseaux, étudiant en arts dramatiques. Loin de l’idée d’un théâtre qui serait réservé à une élite culturelle, la troupe favorise ici les interactions avec le public. « Nous voulons briser les préjugés qui entourent le théâtre, sortir des murs des salles noires pour établir un rapport direct avec le public » appuie Jeanne Guittet avec conviction.

Cette volonté d’établir un échange avec le public dépasse le temps du spectacle ; le parcours à vélo est également doté d’une dimension participative. Tout un chacun est ainsi invité à rejoindre le périple des Gaillardes. C’est ce qu’ont choisi de faire Antoine et Valentine, un jeune couple d’artisans parcourant la région en tandem, qui s’est joint à la troupe pour deux jours.

Les Gaillardes - Antoine, menuiser, et Valentine, étudiante en joaillerie, procèdent à quelques réparations sur leur tandem
Antoine, menuisier, et Valentine, étudiante en joaillerie, procèdent à quelques réparations sur leur tandem

L’écologie, moteur et motif de déplacement

« La problématique écologique est quasi-inexistante dans le milieu du théâtre, du cinéma ou de la télévision » expose Jeanne Guittet, qui navigue entre ces trois domaines. « Nous voulions créer un projet où ce serait un enjeu central. » Difficile de penser autrement, en constatant la place qu’occupe le vélo dans la logistique comme au devant de la scène, les accessoires de cyclisme faisant partie intégrante du spectacle.

Outre leur mode de déplacement émettant 0 carbone à l’usage, la scénographie du spectacle est également très légère, l’ensemble du matériel tenant dans deux remorques de vélo. On ne trouve pas non plus de dispositif son et lumière : les Gaillardes privilégient la clarté naturelle d’un début de soirée estivale à une technique énergivore. « En plus de fournir des repas essentiellement végétariens à la troupe, nous favorisons le troc, par exemple en proposant nos spectacles à des lieux qui ne pourraient pas forcément se l’offrir en échange de services pratiques, tel que l’hébergement » poursuit Ninon Narcy. Son expérience de responsable transition durable au sein d’une entreprise de construction de décors l’a formée à ces enjeux : « Nous utilisons également des vêtements de seconde main, des affichages issus de matériaux de récupération, avec une communication pensée pour être la plus sobre possible » ajoute-t-elle, sans pour autant occulter la difficulté d’une telle organisation. « Mille fois, nous avons été tentées d’acheter nos t-shirts dans un magasin quelconque ! » s’esclaffe Angèle Arnaud.

Les Gaillardes - Du papier à la colorimétrie, les flyers distribués en amont du spectacle ont été conçus pour nécessiter le moins de ressources possibles
Du papier à la colorimétrie, les flyers distribués en amont du spectacle ont été conçus pour nécessiter le moins de ressources possibles

Pour honorer ces engagements, Les Gaillardes peuvent compter sur l’accompagnement du groupe Objectif 13, qui se fixe pour mission de décarboner la filière du spectacle vivant en fournissant des ressources et des idées à ses acteurs. « Par rapport à un spectacle qui se contenterait de tenir un discours sur l’écologie, j’apprécie le fait qu’on la traduise en actions concrètes » ponctue Alba Porte, comédienne venue de région parisienne pour participer au projet.

Électrisées par ce début de tournée, Les Gaillardes envisagent déjà de réitérer cette Odyssée Charentaise l’été prochain. À long terme, elles envisagent même de s’ancrer dans un lieu fixe. Nul besoin de pédaler jusqu’en Espagne pour y bâtir leur forteresse : Château-Gaillard, point de départ et d’arrivée de leur épopée cycliste, leur inspire l’envie d’y développer des projets artistiques de longue haleine. Ulysse n’a qu’à bien se tenir.


Rédaction : Hildegard Leloué
Photos : Hildegard Leloué

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