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Des ateliers d’entraide pour combler la fracture numérique

par | 18 avril 2023

Atelier numérique Croix-Rouge

Quatorze millions de Français ne maîtrisent pas le numérique, facteur d’aggravation des inégalités sociales quand de plus en plus de démarches administratives se font en ligne. Pour lutter contre la fracture numérique, la Croix-Rouge Deux-Sèvres organise depuis septembre des ateliers gratuits où chacun·e peut venir apprendre à se servir d’outils digitaux. Reportage à l’antenne de l’association à Parthenay.


Les bordures, tu les préfères fines ou épaisses ?”, s’enquiert Marie, 71 ans et le regard chaleureux. Animatrice de l’atelier d’entraide numérique à la Croix-Rouge Deux-Sèvres, elle aide Alain, de quatre ans son cadet, à structurer un tableau Excel. L’objectif : maîtriser les rudiments du logiciel bureautique pour être ensuite autonome. Deux autres personnes sont venues ce jour-là approfondir leurs connaissances numériques sur les ordinateurs mis à disposition dans les locaux de la Croix-Rouge de Parthenay.

L’enjeu, c’est avant tout de leur redonner confiance en leur montrant les bases. On va par exemple leur apprendre à créer une adresse mail, gérer une pièce jointe, numériser un document ou transférer des fichiers.
Aurélie Bernard, conseillère numérique en charge de l’atelier.

L’aide concerne également la réalisation de démarches en ligne, par exemple la prise d’un rendez-vous médical, la consultation de son espace Ameli ou la demande d’aides à la CAF. L’intention est bien d’adapter les sessions d’entraide aux besoins spécifiques et aux envies des participant·es. Depuis septembre, des ateliers similaires sont organisés une à deux fois par semaine dans les cinq autres antennes locales de la Croix-Rouge 79, à Niort, Prahecq, Chef-Boutonne, Melle et Bressuire.

Atelier numérique Croix-Rouge - Aurélie Bernard
À l’origine rédactrice et formatrice web, Aurélie Bernard s’est reconvertie en tant que conseillère numérique à la Croix-Rouge

Combattre la fracture numérique et les inégalités

Alors que le train numérique accélère avec la digitalisation croissante des démarches, certaines personnes sont laissées à quai. D’après un rapport de la mission d’information sur la lutte contre l’illectronisme datant de 2020, 14 millions de Français ne maîtrisent pas le numérique et une personne sur deux déclare ne pas être à l’aise. Utiliser la croix rouge pour fermer une fenêtre, cliquer sur les trois points alignés pour accéder aux paramètres… “On ne s’en rend pas compte quand on sait manipuler ces outils, mais l’informatique est un langage à part, avec ses propres conventions visuelles”, indique la conseillère numérique. Un langage dont certains apprennent les balbutiements en ateliers. “Forcément je me vois faire des progrès ! Je partais de rien”, s’esclaffe Jacques, employé d’une entreprise de travaux agricoles à la retraite. “Comme c’était un domaine complètement nouveau pour moi, même allumer l’ordinateur a été compliqué”, renchérit Alain, depuis la chaise voisine.

Ces difficultés concernent toutes les tranches d’âge. “On accompagne aussi bien les retraités que les actifs, les travailleurs à temps partiel, les personnes en recherche d’emploi, et même quelques jeunes”, précise Aurélie Bernard. Face à elle, Keffen, la trentaine, sweat mauve et bagues en or, affine la mise en page de son tableau. “J’ai vu les bases du traitement de texte dans mon parcours scolaire, mais j’avais besoin d’une mise à jour”, exprime-t-il, fier du travail réalisé ici.

Issu d’une filière littéraire, Keffen n’a pas eu l’occasion de s’entraîner à l’utilisation des logiciels de bureautique depuis le collège. Il ne possède pas d’ordinateur personnel.

Un travail d’autant plus crucial que l’illectronisme est un facteur d’aggravation des inégalités sociales. En France, une pension de retraite sur sept est mal calculée, à 75% en défaveur des retraité·es, d’après un rapport de la Cour des comptes portant sur l’année 2021. “Être à l’aise avec le numérique permet aussi de réaliser des économies en payant certains produits moins cher, en utilisant des applications comme Vinted ou Leboncoin pour se procurer facilement des objets d’occasion, ou encore en se déplaçant à moindre frais grâce au covoiturage”, ajoute Aurélie Bernard, très engagée sur la question du pouvoir d’achat.

Favoriser l’autonomie des publics

Si Alain se renfrogne gentiment quand Marie l’incite à fusionner les cellules de son tableau après lui avoir montré la manipulation requise, l’animatrice insiste pour qu’il s’approprie le geste. “Le but, ce n’est pas de faire à la place, mais de donner les outils pour être capable de faire par soi-même, explicite Aurélie Bernard. Apprendre à se servir des outils digitaux, c’est retrouver un pouvoir d’agir, pour ne pas s’inscrire dans une relation de dépendance avec ses proches qui parviennent à les utiliser”. Une autonomie qui se traduit également dans le choix des outils : “On n’impose pas d’utiliser tel ou tel logiciel, on leur donne les clés pour qu’ils puissent faire leurs propres choix”.

Des clés qui résultent d’un travail de sensibilisation en atelier, sur des thématiques telles que les enjeux des logiciels libres, les problèmes soulevés par les Gafam ou encore la sécurité lors des achats en ligne. Le but : se forger un esprit critique afin de ne pas céder aux arnaques, et naviguer dans les contrées du numérique en accord avec son éthique.

Si les conseillers numériques France Service et plusieurs structures associatives proposent de l’aide au numérique dans le département, la Croix-Rouge 79 a souhaité compléter cette offre au travers d’un format plus personnalisé. “On évite à tout prix la relation prof/élève”, précise Marie-Hélène, co-animatrice de l’atelier rodée à l’utilisation des logiciels de bureautique, après une carrière de secrétaire comptable et d’assistante commerciale. “L’idée, c’est aussi de créer du lien, il y a toute une dimension sociale à ces rencontres”. À l’origine de ces sessions d’entraide : l’identification d’un besoin de formation au sein même de la Croix-Rouge 79, puis la volonté d’élargir cette aide à tous les publics. Depuis septembre, l’association a ainsi accompagné 150 personnes dans les Deux-Sèvres.


Rédaction et photos : Hildegard Leloué

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