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Cirena, accélérateur de transition énergétique et citoyenne

par | 9 mai 2019

cirena énergie renouvelable

Et si nous retrouvions la maîtrise de la production d’énergie ? Cirena est l’association en Nouvelle-Aquitaine qui accompagne les projets citoyens de production d’énergies renouvelables. Quelle dynamique en Charente-Maritime, Charente, Deux-Sèvres et Vienne ? Interview de Charlène Suire, animatrice référente de Cirena en ex Poitou-Charentes.


Quelles sont les caractéristiques des projets citoyens de production d’énergie renouvelable?

Ce sont des projets portés, financés et maîtrisés majoritairement par les acteurs d’un territoire qui deviennent propriétaires des moyens de production d’énergie. Car si l’on prend l’exemple de l’éolien, la plupart du temps ce sont des multinationales ou des fonds d’investissement qui sont propriétaires, et les bénéfices générés sont captés par ces structures-là, en dehors du territoire. L’idée c’est que les ressources économiques restent en local. On parle de projets citoyens car ils sont portés par des collectifs d’habitants, mais ils peuvent aussi émaner des collectivités, ou être mixtes. Avec Cirena nous aidons les porteurs de projets à établir leur feuille de route et à créer une structure juridique adaptée, type société coopérative ou SAS, où les citoyens prendront des parts sociales et investiront ensemble dans un moyen de production, photovoltaïque ou éolien par exemple. L’énergie produite va être revendue à un tarif d’achat fixé. Ensuite ils décideront soit de rémunérer les actionnaires, soit de réinvestir dans de nouveaux projets. Au démarrage, on a plutôt tendance à réinvestir, pour créer des unités de production plus importantes. Ceci dit, au-delà de la simple question économique, ce sont des projets pour lesquels les habitants participent à la gouvernance. Chaque personne ayant pris des parts sociales a un droit de vote, il s’agit d’une démarche de démocratie locale, décentralisée. On est dans une approche très différente de l’énergie telle qu’elle est pensée en France depuis des années, qui est encore très centralisée. Là, on ouvre la possibilité à tout un chacun de choisir comment la production doit se développer, et dans quelles conditions. C’est une posture active dans la transition énergétique.

Cirena intervient dans toute la Nouvelle-Aquitaine, mais vous Charlène Suire, vous êtes en charge spécifiquement de l’ex Poitou-Charentes. Observe-t-on une dynamique particulière ici ?

Entre les trois anciennes régions, Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes, c’est plutôt équilibré en termes de dynamisme. Nous trouvons une dizaine d’initiatives dans chacune des anciennes régions et il n’y a pas de département sans porteur de projet. En Charente-Maritime, c’est la société citoyenne OSS 17 dans l’Ile d’Oléron qui s’est lancée, avec l’appui de la collectivité elle-même engagée dans une démarche TEPOS (ndlr : Territoire à Énergie Positive). OSS 17 compte 180 actionnaires et en un an elle a levé près de 25 000 euros ! Ils vont inaugurer les premières centrales photovoltaïques cette année. Elle est aidée par une association à La Rochelle, “A nous l’Energie! renouvelable et solidaire”, qui a aussi dans les cartons un projet d’éolien. En Charente nous travaillons avec Charente Nature, ce qui est vraiment une très bonne chose parce que souvent les associations naturalistes sont un peu en retrait sur les questions de production d’énergies renouvelables, alors que ce sont les premiers confrontés à la perte de la biodiversité, liée aussi au changement climatique. Or on sait que pour lutter contre le changement climatique, la clé c’est l’énergie. Avec eux et Grand Angoulême, nous avons commencé à travailler sur le lancement d’une société citoyenne. A Poitiers, il y a la SCIC Poitou Energies Citoyennes, et impossible d’évoquer la Vienne sans parler de la régie départementale Sergies, un acteur majeur et facilitant dans les énergies renouvelables. Dans le sud des Deux-Sèvres nous travaillons avec le CRER, Centre Régional des Energies Renouvelables. Depuis très longtemps cette association fait la promotion des énergies renouvelables et elle est à l’origine du projet photovoltaïque Démosol, qui associe des citoyens, collectivités, entreprises et associations. Dans l’ex-Poitou-Charentes, Démosol fait partie des trois projets qui sont passés à la phase opérationnelle, avec OSS17 et le parc éolien citoyen de la Chapelle Montreuil dans la Vienne, un projet porté par Energie Partagée. Après, j’interviens dans le Thouarsais, à Saint Jean d’Angély, à Saintes où j’ai été sollicitée par le groupe local Nature Environnement 17, à Niort aussi avec le collectif Niort en transition. Donc oui il y a une dynamique, ça se développe à fond. Et nous, nous permettons à des gens qui auraient juste l’idée de passer dans le concret.

Ce sont majoritairement des projets photovoltaïques, pourquoi ?

Parce que rapidement on peut avoir un résultat très concret. Pour un projet photovoltaïque de moins de 100kW, soit une surface de moins de 600m2, il faut compter deux ans à peu près pour qu’il devienne opérationnel. Alors que pour l’éolien c’est entre 6 et 10 ans quand tout se passe bien. Quant à la méthanisation, c’est une technologie qui est plus complexe et pose plus de questions. Elle justifie parfois un maintien dans des systèmes de production agricole qui eux-mêmes peuvent être interrogés. On a une charte sur la méthanisation, mise en place par Energie Partagée, et nous sommes vigilants à ne pas accompagner n’importe quel projet. Comme sur le photovoltaïque au sol d’ailleurs, nous n’intervenons pas du tout sur des projets d’installation sur des terres agricoles. Nous avons toute une grille de critères environnementaux. Il y a une filière qu’on veut aussi explorer, c’est le “bois énergie”, car il peut être intéressant de monter des projets de chaufferie fonctionnant avec du bois déchiqueté, pour des réseaux de chaleur, avec des ressources locales. On est en train de voir comment cela peut se mettre en place, pas seulement avec un investissement de la collectivité mais aussi avec un investissement des habitants. Il y a des projets de ce genre dans l’est de la France, nous sommes en train de puiser dans ces retours d’expérience-là, notamment sur le modèle économique.

Cirena veut également “inciter au développement des politiques publiques favorables aux projets citoyens”. Y aurait-il encore des freins ?

Oui, c’est impressionnant tout ce qu’il faut déployer comme énergie humaine pour faire les projets qu’on fait. 75% de l’électricité provient encore du nucléaire. Sans parler d’en sortir complètement, si on arrivait à faire en sorte que la France s’engage à baisser à 50% la part du nucléaire, ça donnerait du souffle pour que les projets citoyens puissent se développer. Nous sommes en réseau avec l’association Energie Partagée qui fait ce travail de plaidoyer au niveau national, par exemple dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie. Nous essayons de faire peser la voix des énergies citoyennes. En France c’est anecdotique mais il faut savoir qu’en Allemagne la moitié des moyens de production d’énergies renouvelables appartiennent aux habitants. Là-bas c’est très courant d’avoir à l’échelle d’un quartier un système collectif de chaufferie, dans lequel les citoyens ont tous une part sociale. En France on est très loin de ça. Par ailleurs nous essayons de peser au niveau régional, et pour le coup nous avons été entendus, on n’est pas trop à plaindre en Nouvelle-Aquitaine. A une plus petite échelle nous intervenons auprès des collectivités locales, sur leur Plan Climat : on travaille avec les élus, on essaie de les sensibiliser pour que le développement des énergies renouvelables soit accompagné d’une volonté de maîtrise de la production, localement, par les territoires. Il y a encore du boulot !


Propos recueillis par Hélène Bannier
Photo : Annabelle Avril

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