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Marais Poitevin et changement climatique : l’horizon du jeu

par | 14 mai 2021


Quel futur pour le Marais Poitevin face au changement climatique ? Le Parc Naturel Régional du Marais Poitevin, la Communauté de communes Aunis Atlantique et la Communauté d’agglomération du Niortais ont invité l’artiste Emilie Olivier à revêtir son costume de Martine Tarot, « voyante des territoires ». La culture et le rire pour interpeller les habitants et les rendre acteurs des adaptations nécessaires face aux défis écologiques. La première se tient à Saint-Symphorien (79) le 30 mai.


Le Marais Poitevin, essentiel et fragile

L’eau pour trait d’union. Étendu sur 200 000 hectares, 89 communes réparties sur trois départements et deux régions, le Marais Poitevin est la première zone humide de la façade atlantique. Il se caractérise par une diversité de paysages, du marais mouillé à la façade littorale en passant par le marais desséché. Un espace composite, mais aussi essentiel : avec ses tourbières, ses nombreux arbres et ses prairies, cette zone humide a une très forte capacité de captation de CO2, un atout qui en fait un partenaire de l’opération Territoire Zéro Carbone portée par l’agglomération de La Rochelle. Cependant le Marais Poitevin est aussi fragile, et en première ligne face au changement climatique : « Nous sommes face à une forme d’incertitude, on sait que le climat évolue, on connaît tous les phénomènes plus intenses de perturbations météorologiques. Et on se souvient que le territoire a été frappé il y a dix ans par la tempête Xynthia, rappelle Sandrine Guihéneuf, directrice technique du Parc Naturel Régional du Marais Poitevin, en charge de l’environnement et de l’agriculture durable. Cela interroge sur la trajectoire du Parc, situé sous le niveau de la mer au moment des plus hautes eaux. » Une situation qui impose d’anticiper et de travailler sur différents scénarii, comme le précise Pascal Duforestel, Vice-Président du Parc en charge du climat et de la biodiversité :

Comment gérer la possible montée du niveau de la mer dans les années et décennies qui viennent ? Est-ce qu’on est sur une stratégie d’endiguement classique, telle qu’elle s’est opérée pendant des siècles, ou est-ce qu’on libère des terrains apprivoisés par l’homme ? Est-ce qu’on redonne l’accès à la mer sur ces terrains pour permettre une expansion qui évite des submersions de zones plus habitées dans d’autres secteurs du Parc ?

Du marais desséché (première photo) au marais mouillé (deuxième photo), le Marais Poitevin offre une diversité de paysages

Pour une culture collective du territoire

A la demande de la Commission Climat Énergie, le conseil scientifique et prospectif du Parc travaille sur les stratégies d’atténuation et d’anticipation du changement climatique sur le territoire. Parmi les actions à mener, la sensibilisation des habitants pour les rendre acteurs et susciter leur engagement, apparaît comme centrale. Une mobilisation des citoyens d’autant plus essentielle que le Marais Poitevin connaît une autre problématique : sur ses 200 000 habitants, une grande partie n’est pas issue du territoire, et le turn-over y est important. La culture et la transmission d’informations sur le marais, de génération en génération, ne se fait plus. « De plus en plus d’habitants consomment des territoires. Ils choisissent d’y habiter parce qu’ils travaillent à proximité. Mais de là à en être acteur, et sensible à son devenir global, c’est parfois compliqué » constate Pascal Duforestel, qui a été témoin de cette méconnaissance : « J’ai entendu des habitants, et même des élus, s’inquiéter des dégradations potentielles que les inondations provoquaient sur le marais. Mais c’est une zone qui est faite pour être inondée, cela participe de l’écosystème. Il y a 50 ans tout le monde avait l’habitude de vivre avec l’évaille. Cela illustre bien le manque de culture collective du territoire. » Afin de construire cette vision commune et cet imaginaire collectif autour du marais, le Parc mobilise la culture, pour sa capacité à créer du lien, du sens, à rassembler les populations autour de questions cruciales. C’était déjà le cas en 2018 avec la création de « Hé…la mer monte ! », un show scientifique décalé porté par le géologue Eric Chaumillon, le youtubeur Professeur Feuillage et le dessinateur Guillaume Bouzard. Cette année, en partenariat avec la Communauté de communes Aunis Atlantique, et la Communauté d’Agglomération du Niortais, c’est l’artiste Emilie Olivier, de la Cie Midi à L’Ouest, qui est invitée à interroger le territoire avec son personnage Martine Tarot, voyante de fête foraine.

Nous ne voulons pas avoir un discours anxiogène. C’est vrai que la question du climat peut inquiéter. Mais l’idée n’est ni d’effrayer, ni de culpabiliser. Nous préférons interpeller et faire réfléchir les habitants avec des moyens ludiques.

Sandrine Guihéneuf, directrice technique du Parc en charge de l’environnement et de l’agriculture durable
Emilie Olivier, comédienne et auteure de la Cie Midi à l’Ouest, en résidence à La Chaloupe à Niort au mois d’avril, pour la création du Tarot du Marais Poitevin

« Martine Tarot, c’est mon clown »

Pendant une heure de spectacle, Martine Tarot tire les cartes du Marais. Avec beaucoup d’humour, certes, mais qu’on ne s’y trompe pas. Cette performance est très documentée. Avant la phase de création purement artistique, Emilie Olivier a mené une enquête de terrain, a rencontré des scientifiques, des élus, des anciens, elle a “tchatché” avec les habitants sur les marchés, a mesuré elle aussi « la méconnaissance autour du marais, notamment dans ses contours, et la nécessité d’une vision globale. » Elle a aussi beaucoup lu, de la presse locale au rapport “Anticiper le changement climatique en Nouvelle-Aquitaine » du conseil scientifique régional AcclimaTerra. « Toute cette masse d’informations et de récits devient une vaste vision tarologique d’une espèce de mémé complètement extravagante, dans un équilibre entre le sérieux et le jeu. » Ce n’est pas la première fois que la Cie Midi à l’Ouest (elle-même basée à Courçon dans le Marais) crée ces performances foraines autour d’un « Tarot du lieu ». Elle en a déjà mené en Gascogne, dans le Limousin, le Pays Basque, à Libourne, La Rochelle etc. A chaque fois, Emilie Olivier intègre des détails signifiants dans cinq des cartes du jeu de tarot de Marseille. C’est la dessinatrice Amélie Jackowski qui réillustre les cartes sur-mesure pour chaque territoire enquêté.

C’est quoi une vision ? C’est quoi le futur ? C’est quoi être un bouffon au sens sacré du terme, qui est la base du clown et de l’artiste dans la cité? Le bouffon fait rire, pour soulever les grands enjeux, mais parfois ça fait mal ! On soulève les défauts des hommes, et ici de la nature humaine face au changement climatique qui est notre défi à nous, c’est sûr.

Emilie Olivier, Cie Midi à l’Ouest

Six représentations sont programmées dans six communes des Deux-Sèvres et de Charente-Maritime : le 30 mai à Saint-Symphorien, le 6 juin à Coulon, le 11 juin à Arçais, le 2 juillet à La Ronde/Bazoin, le 8 juillet à Marans et le 28 août à Charron.


Rédaction : Hélène Bannier
Photos : Annabelle Avril
© Médiathèque du Parc naturel régional du Marais poitevin
© Alexandre Lamoureux / Vendée Expansion – tous droits réservés – www.vendeetourisme.com / toute reproduction ou publication interdite

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