Pour participer à la transition écologique du secteur du bâtiment, premier producteur de déchets en France, l’entreprise Bric à Bloc fabrique et commercialise depuis une dizaine d’années des briques de terre crue. Matériau écologique et produit localement, il est destiné au façonnage de murs et de cloisons. Immersion dans l’atelier de fabrication de Frantz Lavenu, à Saint-Coutant (79).
La composition contient si peu d’ingrédients qu’elle relèverait presque de la formule magique. Prenez de la terre locale, ajoutez-y un peu d’eau de pluie filtrée, une pincée de chaux, un soupçon de sable, compressez le mélange et… Abracadabloc ! Vous obtiendrez une brique de terre crue, prête à être utilisée dans la construction de cloisons et de murs. Un processus low-tech auquel s’adonne l’artisan Frantz Lavenu depuis une dizaine d’années, avec son entreprise Bric à Bloc.
“Le pouvoir de la brique en terre crue, c’est d’accumuler de la chaleur”, introduit-il en passant en revue les différents modèles empilés dans son atelier. “Elle capte les calories qui émanent des sources de chaleur, par exemple du poêle ou d’une baie vitrée exposée plein sud, et aide à maintenir cette chaleur”.
La terre crue, atout de l’optimisation énergétique
Si la terre crue ne constitue pas un bon isolant en elle-même, son inertie thermique fait d’elle un complément d’isolation efficace. De plus, les briques permettent de réguler les différences de température intérieure, par exemple en restituant la fraîcheur accumulée la nuit pendant une journée d’été. Autre avantage du matériau : réguler l’hygrométrie, autrement dit l’humidité de l’air dans les pièces de vie. Employée dans une cloison intérieure, la terre crue capte et restitue la vapeur d’eau dégagée par les occupant·es et les équipements de la maison. “C’est intéressant en termes d’économies d’énergie, puisque plus l’air est humide, plus il est difficile à chauffer,” ajoute le fabricant.
Sous un tunnel de séchage, Frantz Lavenu sépare la terre criblée de celle qui ne l’est pas encore
“Produire des briques en terre crue a un faible impact carbone, surtout par rapport à celles réalisées en terre cuite et par rapport aux tuiles, qui nécessitent des jours et des jours de cuisson dans des fours tournant à plein régime”, soutient l’artisan. Mise à part l’électricité nécessaire au fonctionnement de certaines machines telles que la presse ou le mélangeur, la réalisation des briques ne repose que sur de la main d’œuvre.
Un matériau local et d’origine naturelle
“Jamais je n’ai eu besoin de commander de la terre”, assure Frantz Lavenu, bras croisés et sourire aux lèvres. Ce sont les entreprises du secteur, amenées à creuser pour réaliser des chantiers, qui lui apportent. “C’est du donnant-donnant : elles me permettent de revaloriser cette terre rouge riche en argile dont ils n’ont pas besoin, et je leur évite le transport et les coûts de la déchetterie.” Le tas de terre accumulé en extérieur provient en partie d’un chantier de construction d’une antenne relais, à quelques kilomètres. Quant à l’eau de pluie filtrée, il recueille et stocke lui-même, sans avoir jamais eu besoin d’ouvrir un robinet pour humidifier ses briques.
Outre sa dimension locale, la terre crue a l’avantage d’être un matériau conservé à l’état naturel, sans produits toxiques, ce qui lui permet de ne pas générer de déchets nuisibles à l’environnement. ”On transforme le matériau, on le compacte, mais sans modifier sa structure, explique l’artisan, donc contrairement à un bloc de ciment, si ton mur en terre crue ne te plaît plus, tu peux tout simplement l’enlever et le laisser se déliter en extérieur pour qu’il revienne à son état d’origine.”
Toutefois, les briques en terre crue étant peu transformées, elles sont plus vulnérables au dérèglement climatique. En effet, l’humidité du mélange servant à leur fabrication doit être parfaitement régulée pour obtenir la résistance idéale. Or, les aléas climatiques et les brusques changements de température compliquent cet ajustement.
Ressusciter une technique ancestrale et une compétence locale
Artisan à son compte depuis 1993, Frantz Lavenu a été couvreur avant de se spécialiser dans la rénovation de bâti ancien. “Dans mes chantiers, je faisais en sorte d’utiliser des matériaux alternatifs, en remplaçant par exemple le ciment par la chaux ou la laine de verre par du chanvre”, détaille-t-il. Lorsqu’une usine d’insertion produisant de la brique a fermé à Lezay (79), il a décidé d’en racheter les machines pour se lancer dans la fabrication de briques en terre crue, regrettant que le potentiel en terre argileuse du territoire ne soit davantage exploité.
L’enjeu est également de faire revivre une technique ancestrale. Utilisée à partir de la fin du dixième millénaire avant Jésus-Christ, la terre crue fait partie des premiers matériaux de construction de l’humanité. Abondante et bon marché, elle est toujours largement utilisée dans le monde. Selon les Nations Unies, 50% de la population mondiale vit aujourd’hui dans des habitations en terre crue.
Rédaction et photos : Hildegard Leloué