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Chanvre textile : VIRIDI Gallus a la fibre écolo

par | 8 novembre 2022

VIRIDI Gallus exploitation chanvre

Il n’a besoin ni d’eau ni de pesticide pour pousser. Le chanvre (sans THC) est une plante déjà largement utilisée en éco-construction et en cuisine. À Saintes (17), l’entreprise VIRIDI Gallus explore désormais la filière du chanvre textile, entourée d’un réseau d’agriculteurs et partenaires locaux. Rencontre à Trizay, dans une exploitation affiliée au projet.


On y est presque, affirme d’un ton enjoué Annie Langevin, chargée de recherche et développement de produits au sein de la société de transformation végétale VIRIDI Gallus. D’ici une petite semaine, la fibre sera suffisamment décomposée”. Un soleil automnal baigne les quelque 5 hectares de chanvre fauchés un mois plus tôt, sur cette exploitation partenaire du projet située à Trizay (17). Au sol, ne subsiste plus que de la paille mordorée. “Nous en sommes à l’étape de rouissage. Avec l’alternance de la pluie et du soleil, on encourage le développement d’un champignon qui va venir séparer la fibre de la paille pour qu’elle devienne exploitable”, détaille Sophie Pouget, fondatrice de l’entreprise, en examinant un brin de chanvre entre ses doigts.

Chanvre textile, la création d’une filière

L’agricultrice a co-fondé VIRIDI Gallus en 2019, main dans la main avec Abel Pouget, son conjoint également agriculteur et viticulteur. Après six ans d’expérimentation, le couple ambitionne de développer la première filière de production de chanvre pour le textile du département, en mobilisant leurs propres parcelles et celles d’un réseau d’agriculteurs partenaires. L’enjeu est de raviver un savoir-faire français tombé en désuétude : “Nos grands-mères portaient des chemises à base de chanvre !”, souligne l’entrepreneure charentaise. Ressusciter cette tradition en Charente-Maritime fait particulièrement sens pour elle, le département hébergeant la Corderie Royale de Rochefort, manufacture qui a fourni en cordages faits en chanvre la marine française et ses vaisseaux pendant près de trois siècles.

Si VIRIDI Gallus commercialise déjà des produits à base de graines de chanvre bio, l’entreprise voit dans cette diversification une manière de valoriser la paille, qui n’est d’aucune utilité en absence de transformation. Sophie et Abel Pouget gèrent ainsi 70 ha de champs cultivés, dont 20 dédiés au textile, en s’appuyant sur un réseau d’une trentaine d’agriculteur·rices et de partenaires locaux pour exploiter et transformer la plante. Un processus qui n’est pas de tout repos, puisqu’en tant que pionnier·es de la filière, il leur revient de diriger la conception de machines spécialisées pour récolter la paille.

Parmi les agriculteurs impliqués dans le projet, Dominique Vechambre, qui cultive 5 ha de chanvre depuis trois ans :

Une plante écologique et résistante

Le chanvre, qui souffre d’être confondu avec le cannabis alors qu’il ne contient que 0,2% de THC, est une plante pleine de promesses. “On est sur une culture propre, qui ne nécessite ni irrigation ni intrants”, développe Sophie Pouget. Le chanvre étant une plante à pivots, ses racines sont aptes à puiser l’eau très profondément dans le sol de sorte qu’elle n’a besoin d’aucune irrigation, hormis pour que sa graine germe. Et comme le précise Yanis Chenal, spécialiste en agroéquipement au sein de VIRIDI Gallus :

Le champ n’a pas besoin d’être traité parce qu’il n’y a pas de mauvaises herbes. La densité du semis de chanvre empêche le développement d’adventices

Cette absence de pesticides vaut à l’entreprise la labellisation BIO pour ses graines à destination de la filière alimentaire. Autre avantage de cette culture, selon Annie Langevin : “Quand on reprend un champ de chanvre pour y faire pousser du blé, on constate de meilleurs rendements.” Cette productivité justifie la popularité croissante de cette plante, un engouement que confirme la visite d’une délégation du ministère de la Transition écologique, quelques semaines auparavant. “Les producteurs de lin observent l’essor de cette matière avec attention, sa fibre résistant mieux aux intempéries”, ajoute Sophie Pouget, qui a tout de même noté un impact des sécheresses estivales sur la densité des plants.

VIRIDI Gallus exploitation chanvre
L’autonomie de cette fibre végétale lui permet un bilan écologique bien supérieur au coton, particulièrement gourmand en eau

Si la commercialisation de la fibre aura lieu dans le courant de l’automne, il faudra encore attendre quelques années pour que Safilin (spécialiste de la conversion en fil) et Libeco (transformation en linge de maison) ne commercialisent du tissu fabriqué à partir de fibre de chanvre. Ces filatures partenaires de VIRIDI Gallus cherchant à obtenir une fibre homogène pour toutes leurs productions, elles accumuleront deux à trois années de récolte pour tresser les différentes fibres entre elles, et ainsi obtenir un fil adéquat pour leurs productions.
Après avoir quasiment doublé sa surface d’exploitation de chanvre (passant de 38 ha en 2019 à 72 ha deux ans plus tard), l’entreprise, forte de son succès, vise les 110 ha de cultures en 2023. Sans délaisser ses exploitations charentaises, elle envisage également d’exporter son savoir outre-Atlantique, après avoir été contactée par le ministère de l’Economie canadien, en charge de la filière textile. Une chose est sûre pour le chanvre : cette filière en pleine expansion n’est pas prête de finir sur la paille.


Rédaction et photos : Hildegard Leloué

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