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Troc de semences : liberté, autonomie, biodiversité

par | 7 mai 2020


Avec la réouverture progressive des bibliothèques et médiathèques à partir du 11 mai, les grainothèques vont aussi être à nouveau accessibles. Plus de 800 ont fleuri ces dernières années en France et dans le monde, sous l’impulsion de Graines de troc. C’est depuis son siège à Périgny, dans l’agglomération de La Rochelle, que cette association insuffle la dynamique de l’échange de graines et plus largement de la préservation du patrimoine vivant. Elle propose également une plateforme en ligne gratuite où chacun peut proposer et recevoir des graines.


Promouvoir l’échange de graines et de savoir-faire

Graines de moutarde, phacélie, fenouil (sans bulbe), souci (ou calendula) emballées dans des petits sachets en origami : voici quelques-unes des espèces que l’on trouve à l’entrée de la médiathèque de Vivonne, petite commune de la Vienne. Ce lieu de culture a créé sa grainothèque il y a un an, à l’initiative d’une habitante : « J’ai découvert l’idée à la médiathèque de La Couronne en Charente, raconte Christel Doebele, j’ai eu envie de la proposer à ma commune. » Quelques recherches sur internet lui font découvrir Graines de Troc et sa « mine de témoignages ». L’association, basée à Périgny en Charente-Maritime, a été créée en 2012 par Sébastien Wittevert. Cet ancien cadre dans la finance a effectué un virage à 180 degrés le jour où il a découvert l’agriculture à travers une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne). Après la finance à Genève, l’informatique à Paris, il s’installe à La Rochelle et développe Graines de Troc parallèlement à un projet de maraîchage, pour promouvoir l’échange de graines et de savoir-faire autour de la production et la conservation de semences, et favoriser ainsi l’autonomie des jardiniers. Convaincue de l’intérêt de cette démarche, Christel Doebele présente le projet de grainothèque au maire de Vivonne, trouve un meuble, prépare des petites enveloppes avec les premières graines, et sensibilise les bibliothécaires.

Christel Doebele, à l’initiative de la grainothèque de Vivonne, entourée des deux bibliothécaires

La gratuité, un acte militant

En pratique, une grainothèque fonctionne de la façon suivante : « Les graines sont en accès libre, un peu à la manière des boîtes à livres. On peut en prendre et en déposer quand on veut, explique Sabine Allou, salariée de Graines de Troc. Mais il y a aussi un engagement sur le plus long terme que nous essayons de communiquer aux gens : vous n’avez pas encore de graines, pas de problème, prenez-en mais remettez-les dans la grainothèque l’année d’après, quand vous aurez fait votre récolte. » Un avertissement tout de même : « Il ne faut pas déposer de graines F1 car elles sont hybrides et programmées pour se reproduire sur une année seulement ! » Le principe de gratuité est au cœur des valeurs de l’association :

« Nous proposons un modèle basé sur le troc car la nature nous offre des graines gratuitement. Et si nous prônons l’échange de graines, nous prônons aussi celui de coups de main. »

Graines de Troc propose également une plateforme numérique où chacun peut proposer et échanger semences. Depuis sa mise en ligne il y a 8 ans, ce sont près de 28 000 troqueurs de 84 pays qui ont échangé 7655 variétés. L’objectif est de constituer un réservoir de biodiversité cultivée. C’est aussi pour contribuer à la préservation du patrimoine vivant que Graines de troc a développé le projet « Gardien de Semence ». Il s’agit cette fois de recenser des variétés rares ou en voie de disparition et de les confier à des gardiens volontaires. Leur mission ? Les « parrainer », c’est-à-dire produire la plante afin d’en recueillir et d’en diffuser les semences.

Près de 75 000 échanges de semences ont été réalisés via la plateforme numérique de Graines de Troc (photo : Graines de Troc)

« Ça n’est pas anodin d’héberger des semences, c’est du vivant ! »

D’après le recensement de Graines de troc, il existe actuellement 800 grainothèques, dont une cinquantaine à l’étranger. L’engouement est massif, porté la plupart du temps par les bibliothèques. Face à ce constat, la Bibliothèque Départementale de la Vienne a organisé une formation en février dernier sur le thème « Pourquoi installer une grainothèque dans une bibliothèque ?». Patricia Jaunet, la responsable des formations, souhaitait engager une réflexion sur le rôle des bibliothèques dans la conservation du vivant. « C’est d’abord une démarche citoyenne, mais ça n’est pas anodin d’héberger des semences, c’est du vivant ! Pour que ça marche, il faut que les professionnels soient prêts à y consacrer du temps. Et qu’il y ait des relais de bénévoles sur le terrain avec des animations régulières. En tout cas pour les bibliothèques, cette action permet de toucher un nouveau public concerné par l’écologie. » Dans la commune de Vivonne, l’initiatrice de la grainothèque dresse ce bilan après un an de fonctionnement : « Elle est autonome, elle se remplit et les habitants jouent le jeu. » La médiathèque a organisé des conférences sur le thème des semences et un troc plants est prévu à l’automne.


Rédaction : Claire Marquis
Photo : Claire Marquis et Graines de Troc

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