L’association rochelaise KPA et la Chambre de métiers ont créé Osmose, un cursus destiné aux 16-25 ans sans emploi ni formation. Cette “formation-action” allie transition écologique et entrepreneuriat coopératif.
« Waouh, ça sent trop bon ! » L’émerveillement de Manuella résonne dans la serre à semis de la Super Ferme. En cette journée de printemps, six jeunes visitent cette exploitation de maraîchage sur sol vivant qui s’étend sur deux hectares au cœur de Périgny, commune riveraine de La Rochelle. Ce sont des « chimistes », du nom donné aux inscrit·es à la formation Osmose. Initié en 2023 par l’association d’éducation populaire KPA La Rochelle, en partenariat avec la Chambre des métiers et de l’artisanat de Charente-Maritime (CMA), ce cursus de six mois de janvier à juin s’adresse aux 16-25 ans sans emploi ni formation. Sa particularité ? Être une « formation-action » inédite où les jeunes apprennent à gérer une entreprise coopérative en lien avec la transition écologique et sociale, pour « apprendre les métiers de demain ». Les chimistes proposent par exemple des prestations de services à des entreprises locales (Société Générale, Léa Nature, Dufour, etc.), participent à des ateliers, font des stages, des visites sur le terrain, acquièrent des compétences au CFA (Centre de formation des apprentis) de la CMA. Du concret, comme ce jour-là à la Super Ferme.
On découvre des métiers dans plein de secteurs différents, on rencontre des chefs d’entreprises incroyables. Ça me redonne confiance en moi mais aussi dans le monde du travail. Je vais réintégrer en douceur la vie professionnelle et construire mon projet. Je conseille Osmose à tous ceux qui sont un peu perdus.
Manuella, 23 ans. Elle jonglait jusqu’ici avec des petits boulots, en restauration et ménage.

« Personne ne se juge »
Son petit frère, Jimmy, « presque 17 ans », a également intégré ce cursus. « J’ai quitté le lycée à la fin de la seconde et depuis un an je ne faisais plus rien. Mais je vais reprendre, je veux passer mon bac et faire des études d’archéologie ou d’histoire », prédit le jeune homme. Pour l’heure, il est temps « d’aller s’occuper des arbres fruitiers, d’arracher les herbes à leurs pieds et de remettre du broyat », lance Robin Perry, le maraîcher. Après un petit échauffement musculaire ludique, les six jeunes passent à l’action. Les mains dans la terre, Suzanna est concentrée. « J’étais en BTS management, ça ne me plaisait pas. Ici on est plus dans la pratique que dans la théorie, on fait plein de choses différentes. J’aime bien l’ambiance de notre groupe », assure celle qui compte maintenant se diriger « vers les secteurs bancaires et financiers ».
L’ambiance bienveillante de la formation est un point fort relevé par de nombreux chimistes, souvent en déficit de confiance en eux. « Au collège et au lycée, beaucoup de gens se moquaient de moi. Là personne ne se juge, tout le monde est à la même échelle. C’est dans un monde comme ça que je voudrais vivre », se plaît à rêver Clara, qui a en particulier « beaucoup aimé » son stage d’une semaine à La Matière, un lieu dédié à l’économie circulaire à Périgny. Ses études inachevées d’ASV (auxiliaire spécialisé vétérinaire) à Nantes sont maintenant derrière elle. « C’est ma conseillère France Travail qui m’a parlé d’Osmose. Au départ, je n’étais pas sûre de vouloir venir. Aujourd’hui, je suis contente d’avoir tenté », se satisfait-elle.

Des briques pédagogiques
Cette troisième promotion sera aussi la dernière de ce cursus inédit, les financements – de la Région Nouvelle-Aquitaine et de la Fondation de France, notamment – étant établis sur trois ans. « Cela ne veut pas dire que c’est la fin. Nous réfléchissons à comment intégrer la transition écologique et sociale dans des formations qui ne soient pas forcément en post-bac. Actuellement, l’offre est limitée aux études supérieures. Nous voulons implanter des briques pédagogiques dans différentes structures, des modules sur la transition en partenariat avec La Matière et la CMA », projette Florine Jollivet, directrice de KPA La Rochelle. 36 jeunes sont passés par Osmose et le bilan est « très satisfaisant » pour les responsables.
« Il y a des parcours de dingue, comme celui de Rose, qui est aujourd’hui animatrice en centre social », cite la directrice. Avant d’enchaîner sur le cas de Brandon, qui s’est révélé en pratiquant l’audiovisuel durant la formation et qui compte décrocher l’équivalent du bac. « Ses parents sont venus nous remercier, ils ne croyaient pas au fait que leur fils veuille reprendre ses études », ajoute Florine. Sébastien Osorio, coordinateur et accompagnateur Osmose, pense également à cette chimiste « toute renfermée, qui s’est littéralement ouverte au fil des mois. Le changement était marquant ». Même les entreprises partenaires sont enthousiastes, à l’image de ce collaborateur de Léa Nature : « L’énergie et le pep’s des jeunes sont vraiment contagieux, suscitant beaucoup d’émotions et d’étonnement face à leurs idées nouvelles, leur angle de vue unique et leur belle personnalité ».
Rédaction et photos : Amélia Blanchot