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Le Pois, et les autres : quelle dynamique pour les monnaies locales complémentaires dans le nord de la Nouvelle-Aquitaine ?

par | 18 octobre 2018

pois monnaie complementaire


Ce 20 octobre marque le lancement officiel du Pois, monnaie locale complémentaire et citoyenne (mlcc) dans le bassin de vie de Poitiers et Châtellerault. L’occasion de dresser le panorama dans le nord de la Nouvelle-Aquitaine de ces monnaies alternatives qui redonnent du sens aux échanges commerciaux.


Cinq monnaies locales complémentaires

La Gâtinelle en Gâtine depuis 2017, Lou Pélou autour de Limoges depuis 2015, et maintenant le Pois à Poitiers… Le maillage des monnaies locales complémentaires et citoyennes continue de s’étoffer dans le nord de la Nouvelle-Aquitaine. Deux autres projets sont en cours de construction active : la Trémière sur le territoire de La Rochelle-Rochefort-Surgères et la Bulle dans le bassin de vie d’Angoulême. Pour les associations qui portent ces initiatives l’intention est la même : relocaliser l’économie, dynamiser un territoire en circuit court et en limitant l’impact environnemental de la circulation de biens. Il est aussi, voire avant tout, question d’amener les consommateurs citoyens à s’interroger sur la monnaie, son fonctionnement et ses objectifs. “On considère que seulement 2 à 3% de l’argent en circulation dans le monde servent à l’économie réelle. L’immense majorité n’est utilisée que pour la spéculation”, constate Brigitte Fuchsmann de l’association Le Pois REEL à Poitiers. Nous voulons valoriser une monnaie respectueuse et équitable.”

1 mlcc = 1 euro

Généralement on trouve des coupons-billets de 1, 2, 5, 10, 20 mlcc, l’association Le Chemin Limousin a aussi créé l’an dernier un billet de 0,5 Pélou, pratique dans la mesure où avec ces monnaies complémentaires il n’existe pas de pièces. Ce sont des imprimeries spécialisées qui sécurisent les billets. Leur circulation est encadrée par la Loi Juillet 2014 sur l’Economie Sociale et Solidaire. Comment obtenir et utiliser une mlcc ? Avec Vivant la radio venez troquer des euros contre des Pois à L’Effet Bocal, comptoir d’échange à Poitiers !

Le Pois, une mise en circulation après 4 mois de phase test

monnaie locale poitiers le pois

Dans l’asso Le Pois REEL, le projet a germé en 2014. Avant de lancer officiellement la monnaie locale complémentaire du bassin de vie de Poitiers et Châtellerault, les membres ont procédé à 4 mois de phase test pour expérimenter la circulation du Pois et les outils. “Nous n’avons pas rencontré de problème majeur, les petites difficultés ponctuelles ont permis d’affiner l’ensemble de ces outils et cette période nous a rassurés sur la faisabilité du projet” raconte Christophe Barron du Pois REEL. Cette première étape s’est faite avec 5000 Pois en circulation, 200 adhérents et 10 prestataires, boulangers, cafés, restaurants, épicerie, librairie… L’objectif est d’atteindre une centaine de prestataires courant 2019. Dans le bassin de vie de Parthenay, où se monnaye la Gâtinelle depuis un an et demi, on a franchi ce cap des 100 prestataires et du millier de consommateurs utilisant la monnaie locale complémentaire ; 30 000 Gâtinelles passent de caisses en porte-monnaies.Au bout de 18 mois c’est un très beau résultat, mais c’est encore trop confidentiel au regard de l’économie locale, confie Bernard Merlet, président de l’association La Gâtinelle, monnaie locale. Pour un impact réel il faudrait multiplier par quatre ou cinq tous ces chiffres. Mais ça interpelle, le message passe dans les esprits, une partie de la population se pose encore beaucoup de questions mais les choses bougent. Par exemple un boulanger était intéressé par la monnaie locale mais il ne trouvait pas de fournisseur de farine bio travaillant avec la Gâtinelle. Il a finalement réussi à en convaincre un de se convertir. Ou une fleuriste, qui dès le lancement a choisi d’afficher tous ses prix en Gâtinelles. Forcément ça suscite des questions de la part des clients et ça crée des échanges.” Un des leviers économiques pour continuer le déploiement de la mlcc des Deux-Sèvres, c’est la Gâtin’box. Le coffret-cadeau est vendu par l’association Gâtin’émois, celle-là même qui a lancé la mlcc. Forcément, à l’intérieur de cette box contenant des achats et activités à faire sur le territoire, la Gâtinelle trouve toute sa place.

Une monnaie complémentaire… et une caisse de solidarité

Dans le sud de la Haute-Vienne, où Lou Pélou circule depuis plus de 3 ans, “on continue le travail de discussion, de présentation et de démystification, explique Jenny, membre de l’association Le Chemin Limousin. Il faut des pionniers, des précurseurs dans les territoires pour entraîner les autres.” Pour continuer de développer la mlcc, l’association a imaginé un tremplin original : “Début 2019 on va ouvrir une caisse de solidarité dont pourront bénéficier les utilisateurs de la monnaie locale. Elle sera financée par 50% des cotisations des adhérents et une partie des fonds de l’association. Cette caisse de solidarité servira à proposer des prêts à taux zéro à des prestataires, un maraîcher qui voudrait agrandir sa serre par exemple, ou qui aurait un coup dur”. L’utilisateur pourra aussi faire le choix de donner la moitié de sa cotisation à une association partenaire adhérente. La caisse de solidarité servira enfin à mettre en place un système de plus-value et augmenter ainsi le pouvoir d’achat des utilisateurs du Pélou. Le Système ? 100 euros = 102 Pélous.On est sur un territoire où on a besoin de solidarité, et où il est important de donner des coups de pouce à des petits projets.” Cette conversion gagnante de l’euro en mlcc se retrouve aussi dans les Deux-Sèvres où 100 euros = 105 Gâtinelles !

La Trémière, pour la monnaie d’un territoire

Dans le pays d’Aunis en Charente-Maritime, la monnaie locale La Trémière en est encore à la phase d’incubation et ne compte pas circuler avant mi 2020. Elle a la particularité d’être “une réunion de plusieurs projets qui existaient chacun dans leur coin, à Surgères, Aigrefeuille-d’Aunis, Rochefort, Fouras, La Rochelle, qui se sentaient trop petits pour se lancer raconte Pierre-Olivier Drevet, coprésident de l’association Monnaie locale complémentaire d’Aunis. Le rassemblement s’est officialisé fin 2016. Depuis, beaucoup de temps a été consacré à “se faire connaître et se faire reconnaître”, notamment auprès des techniciens et élus de ce territoire perçu par tous comme un vrai bassin de vie, homogène. “Nous ne voulons pas d’une monnaie locale qui soit celle d’un groupe, nous voulons une monnaie d’un territoire, des acteurs du territoire.

Si l’association se donne encore quasiment deux ans pour faire circuler la Trémière, c’est parce qu’elle veut avoir dès son lancement un réseau large d’au moins 200 prestataires, remarquables par leur diversité et leur complémentarité. Et pour ça il faut du temps. L’association a compté qu’il faudrait un équivalent temps plein pendant 11 mois pour créer ce réseau. “Il va falloir un salarié !”. À Angoulême où l’association Poivre MLC porte depuis 2015 la création de la monnaie locale la Bulle, on vient justement d’embaucher une prestataire pour une mission de 6 mois. « Elle a finalisé la stratégie et elle démarre actuellement les prises de contact avec le réseau de commerçants et de professionnels, explique Phanmaly Rajsavong, ambassadrice La Bulle… Le projet concerne toute la Charente mais dans un premier temps nous allons surtout le développer dans le bassin de vie du Grand Angoulême. » Pour financer cette mission, l’association reçoit le soutien de l’agglomération. La Bulle verra le jour courant 2019, après quelques mois de phase test comme cela vient d’être le cas pour le Pois à Poitiers.

Reportage : la rédaction
Photo haut de page : Claire Marquis

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