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J’ai du glyphosate dans mes urines, et toi ? La campagne Glyphosate 86 s’organise dans la Vienne

par | 13 décembre 2018

champ

Dans la Vienne, un collectif citoyen est en train de mettre en place une campagne de tests urinaires pour mesurer le taux de glyphosate présent dans le corps d’habitants volontaires. Cette initiative s’inscrit dans la continuité de l’action menée ces derniers mois par des habitants d’Ariège. Après avoir découvert des taux de glyphosate entre 10 et 30 fois supérieurs aux limites autorisées dans l’eau potable, les Ariégeois ont déposé plainte pour mise en danger de la vie d’autrui et atteinte à l’environnement. Ils ont également lancé la campagne nationale “J’ai du glyphosate dans mes urines, et toi ?” Leur initiative a trouvé des relais dans une cinquantaine de départements en France. Interview d’Héloïse, une des citoyennes à l’origine du collectif de la Vienne.


Qu’est-ce qui a motivé la création du collectif dans la Vienne ?

Campagne glyphosate 86
Héloïse est l’une des citoyennes à l’origine du collectif Campagne glyphosate 86 dans la Vienne.

Pour moi le point de départ a été un dimanche midi, on déjeunait en famille dans le jardin et l’agriculteur voisin a décidé de traiter son champ. On a vu arriver une fumée de produit et on a dû s’enfermer dans la maison avec les enfants et les animaux, pour se protéger de ce qui nous arrivait dessus. Franchement ça a été un choc, et ça m’a donné envie de m’intéresser à la problématique des pesticides. Le deuxième élément déclencheur a été la découverte de la campagne nationale glyphosate lancée par les faucheurs volontaires de l’Ariège. Les premiers résultats en Ariège ont montré que 100 % des personnes ayant fait les analyses avaient des taux de glyphosate 10 à 30 fois supérieurs au maximum autorisé dans l’eau potable. Ça donne une idée de la quantité qu’on peut avoir dans notre corps… C’est une amie qui avait relayé cette info sur Facebook en ajoutant : “Pourquoi pas nous?” J’ai sauté sur l’occasion et je lui ai répondu : “Moi j’en suis”. Maintenant on a une cinquantaine de contacts qui se disent prêts à faire le test. Tous les jours on reçoit des mails de personnes intéressées.

Comment va s’organiser la campagne de test urinaire ?

Nous suivons le protocole fixé par la campagne nationale. Les analyses doivent se faire très tôt le matin sous contrôle d’un huissier de justice, dans un lieu neutre comme une salle des fêtes, avec des toilettes séparés hommes et femmes. Les tubes stériles arrivent sous scellés par paquets de 25, il nous faut donc 25 hommes et 25 femmes pour optimiser la collecte. Dans un premier temps les toilettes sont inspectés par les huissiers, ensuite les analyses se font en sous-vêtements ou maillot de bain pour s’assurer que les volontaires n’ont pas glissé de fioles de glyphosate sur eux pour fausser les résultats ! Pour terminer, les échantillons sont scellés par l’huissier et envoyés dans un laboratoire d’analyses en Allemagne. L’idée c’est que grâce à ces résultats, chaque personne puisse aller porter plainte, sur la base d’un même texte pour qu’il y ait un seul et même procès au niveau national. Ici ça se fera au Tribunal Administratif de Poitiers, pour mise en danger de la vie d’autrui et atteinte à l’environnement. La plainte se fait contre les fabricants de ces produits, présidents et membres d’administration de ces industries, mais aussi contre les institutions qui permettent leur mise en circulation. On a un seul et même avocat qui nous suit au niveau national, dans un cabinet basé à Toulouse. On en est à 200 plaintes en France, on en attend environ 1500 dans les mois à venir.

Combien coûte l’ensemble de ces démarches ?

Le test lui-même coûte 85 euros par personne, et à cela il faut ajouter 50 euros de frais de justice pour pouvoir porter plainte. On est très conscients que ça a un coût et que tout le monde ne peut pas se payer ce genre d’analyse, ce qui est bien dommage car chaque personne devrait pouvoir accéder à ce type de démarche. En Ariège ils ont fait le choix de l’autofinancement. Notre idée à nous c’est de nous structurer en association et de chercher des subventions auprès de collectivités et fondations privées pour nous aider à couvrir une partie de ces frais. Nous échangeons aussi avec le collectif glyphosate de Haute-Savoie pour voir si une personne pourrait solliciter l’aide juridictionnelle.

Où en êtes-vous dans la structuration de votre collectif ?

On est en train de créer l’association Campagne glyphosate 86, on part sur un bureau collégial à quatre membres, tous coprésidents. Nous aurons notre première assemblée constitutive le 14 décembre pour ensuite déposer nos statuts en préfecture, ouvrir un compte bancaire et déposer les adhésions des personnes qui nous rejoindront. Ce sera un prix libre, à partir de 5 euros. Il faut aussi dire qu’on a aussi besoin de main d’œuvre pour la mise en place de la campagne. il y a pas mal de choses à faire en termes de communication, d’organisation des prélèvements, des plaintes. Les personnes motivées sont les bienvenues ! L’association est départementale mais l’idée c’est de sectoriser, avec des relais locaux. On organise une réunion d’information le 14 décembre à 20h30 au Café-Cantine de Gençay, ce qui devrait déboucher sur une première série d’analyses du côté du gencéen en début d’année 2019. La deuxième étape sera une réunion d’info dans le secteur de Poitiers, qui donnera lieu à une autre campagne d’analyses. Et on espère trouver un relais dans les environs de Châtellerault.


Propos recueillis par Philippe Quintard
Photo : Noémie Pinganaud

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