Ils et elles planchent sur 15 mesures concrètes afin de rendre le système alimentaire plus soutenable, et les présenteront au Parlement européen en octobre. À La Rochelle, l’association Blutopia a recruté 15 jeunes pour sa Convention Européenne, un programme de neuf mois axé sur la réflexion et l’action.
Le dos courbé, Maud coupe des algues à même le sol. Sous un soleil de plomb, la jeune femme de 27 ans ramasse méticuleusement de la laitue de mer à la pointe de la Lasse. Dans le décor idyllique de l’île de Ré, les plantes aquatiques forment un immense tapis vert fluo. Ce samedi estival, une dizaine de personnes venues de toute la France s’y affairent. Maud arrive tout droit de Marseille, c’est l’une des participant·es à la Convention Européenne de Blutopia (CEB). Basée à La Rochelle, cette association milite pour préserver l’océan en réinventant l’alimentation, notamment à travers la consommation d’algues. Elle a lancé en janvier sa CEB, mobilisant 15 jeunes de 21 à 30 ans intéressé·es par les enjeux de l’alimentation durable en Europe.
« Nous avons reçu 54 candidatures, nous avons sélectionné des profils variés. Il y a 12 filles et 3 garçons », annonce Léandre Bouffard, chargée de communauté et d’animation chez Blutopia. Les objectifs affichés ? Faire d’eux des ambassadeur·ices de l’alimentation soutenable et qu’ils puissent proposer 15 mesures européennes afin de transformer le système alimentaire. Ce programme d’accompagnement de neuf mois offre aux participant·es « l’opportunité de monter en compétences grâce à un mélange de temps de réflexions et de journées d’actions pour comprendre, sur le terrain, les métiers de ceux qui produisent notre nourriture », indique Malaury Morin, co-fondatrice de l’association. Des webinaires à distance sont aussi au menu de la CEB, sur un rythme d’environ deux heures par semaine.

Des temps sur le terrain
Cinq week-ends en présentiel « pour apprendre en faisant » font également partie du calendrier. Le transport, le logement et la nourriture sont pris en charge par Blutopia. « Le premier week-end, nous étions à Lyon pour apprendre à se connaître. Le deuxième, nous sommes partis à Josse, dans les Landes, dans la ferme de Nicolas Meyrieux, qui a mis en place un jardin-forêt. Nous l’avons aidé à pailler ses arbres fruitiers. C’était passionnant », énumère Maud. Master d’écologie politique en poche, elle a « toujours été intéressée par les sujets de soutenabilité de l’alimentation et de l’agriculture. Quand j’ai vu sur une newsletter ce que proposait la CEB, j’ai trouvé que c’était une très bonne idée. »
Le troisième week-end s’est déroulé en Charente-Maritime, avec ce chantier participatif de ramassage d’algues en partenariat avec Aoré, un producteur rétais d’algues bio. Après la récolte, le groupe s’est rendu au siège de l’exploitation pour laver les plantes et échanger sur le travail de Louis Chatin, l’algoculteur. Au programme également cet été, un temps de terrain dans un élevage en Bretagne.
Notre rôle est aussi de les sensibiliser à changer leurs pratiques alimentaires, de les inciter à manger plus végétal, plus bio, plus local. Fin septembre, nous devons nous rendre à Strasbourg, dans le but de découvrir les instances européennes. Et pourquoi pas de publier les 15 mesures, si elles sont finalisées à ce moment-là. Dans notre calendrier, leur présentation devant le Parlement européen est estimée au mois d’octobre.
Léandre Bouffard, chargée de communauté et d’animation chez Blutopia

« Ce ne sera jamais perdu »
« Après six ans passés sur les actions individuelles, il était temps de passer à l’échelle collective », estiment les fondateurs de Blutopia. Justice sociale et alimentation, pêche et agriculture, restauration collective, souveraineté alimentaire… les grandes thématiques de ces mesures se dessinent. « Si ne serait-ce qu’une d’entre elles est portée par un député européen, on aura de la chance », escompte Colline, 30 ans, pas dupe. Cette ancienne vigneronne en reconversion vit à Toulouse.
La CEB est arrivée à un tournant de ma vie où j’avais besoin de changer, j’avais envie d’un engagement plus important. Elle est tombée à pic. Ça m’apporte énormément de connaissances.
Colline, participante à la CEB
Comme la plupart des participant·es, Colline ne connaissait pas du tout la culture d’algues, « à part dans les sushis. J’ai appris plein de choses, ce ne sera jamais perdu. Si nos idées ne sont pas reprises par les politiques, on pourra les mettre en valeur dans notre vie ou avec une association. C’est du long terme. Et j’ai beaucoup aimé pouvoir rencontrer des personnes qui ont les mêmes valeurs que moi mais qui ne viennent pas forcément du même milieu », conclut la trentenaire. La convention a notamment été financée par Erasmus+, un programme qui soutient financièrement les domaines de l’enseignement, de la formation, de la jeunesse et du sport.
Rédaction et photos : Amélia Blanchot

