Des paniers de légumes bio pour les futures mamans et des ateliers de sensibilisation sur les perturbateurs endocriniens. L’ordonnance verte, née à Strasbourg en 2022, fait des petits. Focus sur des répliques locales à La Rochelle et Angoulême tandis qu’un projet est espéré à Châtellerault .
Jusqu’ici, elle achetait ses fruits et légumes en supermarché, issus de l’agriculture conventionnelle. Pour sa première grossesse, Cassandra Fleury a décidé de changer ses habitudes. « Quand on m’a parlé de ce programme j’ai tout de suite eu envie d’y participer parce que maintenant que je suis enceinte, j’ai pris conscience que je mangeais aussi pour mon bébé et j’ai envie de mieux m’alimenter », explique cette habitante de Sainte-Soulle, à proximité de La Rochelle. Qui n’a pas hésité à dire « oui » quand sa sage-femme lui a proposé d’intégrer le dispositif Jeunes pousses durant six mois. Lancé fin mars par la Communauté d’agglomération de La Rochelle (CdA), c’est une initiative largement inspirée de l’ordonnance verte, née à Strasbourg en 2022.
Le principe ? Fournir aux femmes enceintes des paniers de légumes bio et les sensibiliser aux dangers des polluants, pesticides et perturbateurs endocriniens à travers des ateliers « nesting » (« nidification », dans le sens de préparer son habitat à l’arrivée d’un bébé). L’expérimentation rochelaise est pour le moment destinée à 25 femmes enceintes de plus de trois mois, qui bénéficient de 15 euros hebdomadaires pour acheter des légumes chez six producteurs partenaires, bio et locaux. Les participantes et leurs conjoints s’engagent également à suivre quatre ateliers : un sur la santé environnementale, deux sur la cuisine et un sur la diététique.
À La Rochelle, en direct chez les maraîchers
Pour cette formule rochelaise, les familles possèdent un chéquier à dépenser chez un maraîcher, sur l’exploitation, en vente directe. Cassandra Fleury a choisi la ferme des Enfourneaux, à Saint-Xandre. Pierre-François Robin, l’un des co-gérants, est un repenti de l’agriculture intensive. En 2020, il a converti ses hectares en bio. Puis ouvert un point de vente pour commercialiser ses produits mais également revendre ceux de confrères ou consœurs, issu·es de l’agriculture biologique. Dans le panier de la future maman de 25 ans, des bananes, des kiwis, de l’avocat, des poireaux, du chou-fleur… « 15 euros par semaine, ça me semble suffisant. Au moins, on sait d’où ça vient, on évite les pesticides. Avec mon conjoint, on a vraiment envie de continuer à venir ici après la naissance », espère-t-elle.

Aux Jardins de l’Aubreçay, à Nieul-sur-Mer, le discours est similaire. Marine Serpette, 33 ans, considère que son alimentation « n’est pas très variée ». Enceinte de son deuxième enfant, elle se rend pour la première fois de sa vie chez un maraîcher. « Ce programme me donne envie de cuisiner. Je suis super bien accueillie, j’habite à côté, j’aimerais garder cette habitude et faire des purées maison à ma fille », prévoit-t-elle. La CdA et l’Institut national du cancer ont investi 10 000 euros pour les 25 bénéficiaires de ce programme. « 25 femmes, c’est peu mais si l’expérimentation se conclut positivement, ce dont je ne doute pas, nous l’élargirons », promet Marc Magné, vice-président de la CdA en charge du contrat local de santé. L’élu souligne l’importance « d’une alimentation de qualité pour les femmes enceintes », rappelant l’importance des 1 000 premiers jours de la vie.
À Angoulême, des paniers déjà préparés
En Charente, la communauté d’agglomération Grand Angoulême a franchi le cap dès juin 2024. « Nous sommes membres du réseau français des Villes-Santé de l’OMS (Organisation mondiale de la santé, NDLR). Lors d’un congrès organisé à Nice en juin 2023, la Ville de Strasbourg a partagé son expérience d’ordonnance verte. Nous en avions entendu parler, mais pas de près. Nous avons été convaincus et un an plus tard, c’était lancé », retrace Michel Buisson, conseiller communautaire en charge, entre autres, de la santé. Le programme s’intitule Panier jeunes pousses, son fonctionnement est similaire à celui d’une Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne). Les paniers sont préparés par les maraîchers et les futures mamans viennent les récupérer dans des lieux de livraison définis.
60 femmes ont pris part au dispositif dans un premier temps, puis 80, jusqu’à grimper à 130 aujourd’hui. Au départ, elles devaient toutes payer 20 euros pour six mois de paniers de légumes bio hebdomadaires, quel que soit leur revenu. « Cette année, nous avons fait évoluer les choses pour accompagner les familles dont la situation financière est fragile et nous avons mis en place une participation financière corrélée avec le quotient familial, avec quatre tranches allant de 20 à 180 euros », détaille le conseiller. La durée du dispositif a été également réduite à quatre mois au lieu de six afin d’arriver à l’objectif de 350 bénéficiaires en 2025. Pour un budget de 155 000 euros, financé par la collectivité. « C’est une initiative qui fait l’unanimité, chez les participantes, les élus et les partenaires », relève Gérard Buisson.

À Châtellerault, « l’attente de subventions »
Cette commune de la Vienne aura-t-elle son ordonnance verte ? À Châtellerault, les discussions autour de cette idée sont déjà nombreuses. « L’un des objectifs de notre association est de lutter contre les pesticides et nous avons soumis l’idée de mettre en place cette démarche qui nous semble très pertinente. Nous l’avons impulsée, cela a été repris par la Ville mais le nerf de la guerre, c’est l’argent. Il faut aussi une volonté politique et nous n’avons pas le sentiment qu’il y ait un grand enthousiasme », estime Jacques Taburet, le président de Nous voulons des coquelicots Châtellerault. La demande d’interview de Vivant le média auprès de la mairie n’a pas reçu de réponse positive au motif que le projet « est dans l’attente de subventions ». Une première expérimentation sur un petit effectif serait envisagée pour septembre. À suivre.
Dans l’ex Poitou-Charentes, la Communauté d’agglomération Grand Cognac (Charente) a sauté le pas début mai avec ses « paniers Chou’bidou ». Et l’ordonnance verte strasbourgeoise a d’ailleurs fait des petits partout en France. Sa généralisation sur l’ensemble du territoire est défendue par Sandra Regol, députée Les Écologistes du Bas-Rhin, qui a déposé en septembre dernier une proposition de loi en ce sens. L’élue vante les « vertus positives » du modèle alsacien. Elle estime que « c’est de la politique de prévention sur le long terme » qui doit être financée sur le budget de la Sécurité sociale. « C’est un enjeu de santé publique », abonde Pierre-Michel Périnaud, coprésident de l’association Alerte des médecins sur les pesticides, qui plaide également pour une inscription dans la loi.
Rédaction et photos : Amélia Blanchot