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Aux arbres citoyens ! : l’initiative anti-gaspi sème ses cueillettes solidaires

par | 5 janvier 2021


Indignés par la quantité de fruits qui pourrissent dans les jardins faute d’être ramassés, une poignée de motivés a créé Aux arbres citoyens ! à La Rochelle. Les bénévoles de cette jeune association assurent des cueillettes chez des propriétaires de fruitiers. La récolte est ensuite redistribuée aux plus démunis. L’engouement est tel que la démarche va faire des petits.


La solidarité est dans le fruit

La première année, elle s’est fait piéger. Dans son petit jardin de La Rochelle, Hélène Lecomte a trois pruniers qui « donnent énormément, les uns après les autres. » Dans l’un deux s’épanouit une variété de prune qu’il faut cueillir directement dans l’arbre. « Dès qu’elle tombe au sol, elle se putréfie ». Quand elle a emménagé, la jeune femme n’a pas mesuré la vitesse de la décomposition : « Je les ai mises dans le compost, mais ça sentait très mauvais. J’ai dû les emmener à la déchetterie, ce qui m’a fait très mal au cœur ». Une fois la temporalité de son arbre apprivoisée, cette cueilleuse en herbe s’est tout de même retrouvée avec des montagnes de prunes. Elle en a donné à ses amis, est devenue la reine des confitures, l’experte en clafoutis… Cela n’a pas suffi à épuiser son stock. Hélène Lecomte a réussi à résorber sa surproduction grâce à l’association Aux arbres citoyens !. Fondée en juillet 2020 à La Rochelle, celle-ci s’est donné pour mission de récolter gratuitement les fruits non consommés dans les jardins des particuliers afin de les redistribuer aux plus démunis (Banque alimentaire, Restos du cœur, Secours populaire français, association L’Escale, Horizon habitat jeunes, l’Épi solidaire, etc.). Coralie Tisné-Versailles, fondatrice et présidente de l’association, explique :

« Nous marchons sur trois jambes : la lutte contre le gaspillage alimentaire en valorisant des fruits locaux et sains en circuit ultra-court ; la solidarité, en aidant les plus fragiles ; le vivre-ensemble, avec l’idée d’aller cueillir chez son voisin.»

Les bénévoles et les propriétaires peuvent récupérer la part qu’ils souhaitent sur la cueillette. « Dans les faits, 80 % est donné ».

Parmi les destinataires des fruits et légumes récoltés : la Banque Alimentaire de Charente-Maritime

« Ça a pris vite et fort »

L’initiative rencontre un succès inespéré. En à peine six mois d’existence, Aux arbres citoyens ! a mobilisé localement une cinquantaine de propriétaires d’arbres fruitiers. « Ça a pris vite et fort », estime la présidente. Plusieurs médias se sont intéressés au sujet, comme France 2. « C’est en regardant ‘‘Télé Matin’’ que j’ai découvert l’association. Quand j’ai entendu que c’était à La Rochelle, ça a fait tilt ! », raconte Aurélie Robert. Cette entrepreneure en menuiserie de 40 ans vit à Cram, un village à 40 km du chef-lieu départemental, avec son compagnon, son fils et… deux pieds de vignes. Elle ne court pas après le raisin, sa moitié en mange bien quelques grappes et son petit deux, trois grains, mais il en reste encore et encore. Pour éviter le gaspillage, il fallait donc compter sur l’intervention d’une bénévole-cueilleuse, avec laquelle elle a ramassé 27 kilos de raisin. « Au-delà du fait de ne pas gâcher, j’ai trouvé ça super de savoir que ce raisin allait aider des gens dans le besoin. Il a été distribué dans une épicerie solidaire », explique cette convaincue qui a même persuadé d’autres propriétaires d’ouvrir les portes de leurs jardins. « Dans le village voisin, un kaki énorme croulait sous les fruits. Je suis allée sonner chez cette dame, elle n’y touche pas car elle n’aime pas ça. Elle va contacter l’association », se satisfait Aurélie Robert. La démarche séduit également les bénévoles. Ils sont aujourd’hui pas moins de 115, dont Maëlle Desmars, professeure des écoles de 31 ans engagée dans l’association : « Ça coche toutes les cases, il n’y a que du bon sens. C’est très gratifiant et en ces temps de Covid-19, on passe un bon moment ensemble, en plein air, sans se toucher. Rien ne m’empêcherait d’y retourner. » Marie-Sarah Cayla, médecin de 36 ans, corrobore :

« J’ai fait plusieurs cueillettes en famille, ce sont des moments fédérateurs. C’est plus intéressant que d’être simple donateur. J’aime le côté proche de la terre, montrer aux enfants comment poussent les kiwis par exemple, leur expliquer le travail en amont que cela demande. Et c’est très simple d’y participer. »

Et maintenant, glaner des légumes

Tout l’été, les actions ont carburé. Cet automne, elles ont même pris une autre forme. « Nous avons été contactés par les Vergers de Gazeau, en Vendée, pour venir glaner des légumes en surproduction dans leurs champs », confie la présidente d’Aux arbres citoyens !. Malgré une météo incertaine, une trentaine de bénévoles ont joué le jeu et sont revenus à La Rochelle avec 1,5 tonne de légumes à redistribuer. « C’est presque choquant de pouvoir ramasser une telle quantité en quelques heures, même si c’est satisfaisant », témoigne Sylwia Kluba, assistante maternelle de 47 ans qui était du voyage. Toujours dans le même état d’esprit, des membres de l’association ont planté des arbres fruitiers sur le terrain de la Super Ferme, une installation en maraîchage biologique dans l’agglomération rochelaise. Et cueilli des olives pour Muco’live 17, qui vend de l’huile d’olive au profit de la recherche contre la mucoviscidose.

Cueillette d’olives par les bénévoles de l’association

Structurer sans dénaturer

Aux arbres citoyens ! est sur tous les fronts. Avec quatre à cinq cueillettes par semaine et tous les à-côtés, Coralie Tisné-Versailles y passe une grande partie de son temps. « Ce n’est plus du bénévolat ! affirme-t-elle. Nous aimerions financer des activités rémunératrices pour salarier une personne. Par exemple, proposer de la formation à la taille des arbres, créer des vergers, faire des ateliers sur la cuisine et la conservation des fruits… Pour cela, il faut que nous nous structurions. Mais quoi qu’il arrive, nous ne devons pas dénaturer notre démarche qui est focalisée sur l’anti-gaspi et la solidarité ». La responsable associative a reçu de nombreuses demandes émanant de toute la France pour « ouvrir une antenne » ou avoir des clés afin de lancer ce type d’initiative ailleurs. « Nous y travaillons. Car ce problème n’est pas du tout local », relève la présidente. C’est l’un des chantiers de cet hiver, avec celui des demandes de subventions, de recherche de partenaires ou de vergers. En attendant le printemps !


Rédaction : Amélia Blanchot
Photo : Aux arbres citoyens !

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