Entreprendre en milieu rural, d’autant plus quand on est une femme, peut comporter des problématiques particulières. Dans le sud Vienne et le sud Deux-Sèvres, elles sont une quarantaine à avoir rejoint le groupe Souffle d’entrepreneures. Celui-ci se réunit tous les mois pour un temps de partage d’expérience, de réseau et de travail sur des thématiques utiles à leurs micro-entreprises. Comme une réponse au risque d’isolement géographique. Après deux mois d’interruption, les rencontres reprennent ce jeudi 4 juin. L’action est pilotée par l’AFIPaR, Association de Formation et d’Information des Paysans et des Ruraux.
Entrepreneuriat et isolement géographique
Alexia est community manager pour des producteurs locaux et développe une activité de Shiatsu, Micheline est brodeuse d’art, Mélanie travaille dans la psychopédagogie positive, Géraldine est luxopunctrice, Ludivine porte un projet de valorisation du patrimoine rural… Toutes conjuguent l’entrepreneuriat au féminin et ont un autre point commun : elles créent ou développent leur micro-entreprise en milieu rural, essentiellement dans le sud Vienne et le sud Deux-Sèvres. Pour Tania, 56 ans, mosaïste d’art dans un hameau près d’Iteuil, « vivre et travailler à la campagne c’est le choix d’une philosophie de vie, un état d’esprit… Mais il est vrai que c’est moins facile que de développer une activité en ville.” Même constat pour Caroline, 36 ans, décoratrice d’intérieur installée à Saint Pierre d’Exideuil, un village de 800 habitants près de Civray :
On avance toute seule quand on est en micro-entreprise, alors quand en plus on travaille en milieu rural, on peut très vite se sentir seule dans son trou. Quand l’activité tourne bien c’est génial, mais dans des moments plus difficiles il peut aussi y avoir beaucoup de stress et de questionnement, alors c’est important de pouvoir rencontrer d’autres femmes qui vivent la même chose.
C’est pour répondre à ce besoin d’échange, d’appui et de réseau que l’Association de Formation et d’Information des Paysans et des Ruraux (AFIPaR) a impulsé le groupe Souffle d’entrepreneures, avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine et de la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité. Installée à Melle, l’association a deux missions principales : d’une part l’accompagnement et le développement des circuits courts avec une spécialisation sur les magasins de producteurs, d’autre part l’accompagnement global en milieu rural d’activités à fortes plus-values sociales, environnementales et culturelles, ancrées dans le territoire.
Un repaire : le tiers-lieu l’Ouvre-Boîtes à Valence-en-Poitou
Les premières rencontres ont été expérimentées au printemps 2019, “pour voir si le projet était mobilisateur” explique Emilie Morin, animatrice à l’AFIPaR. Face au succès, le projet a été formalisé en septembre 2019. Depuis, le groupe se réunit tous les premiers jeudis du mois, une fois sur deux chez une des entrepreneures et le reste du temps à l’Ouvre-Boîtes, un tiers-lieu dans la bourgade de Couhé dans la Vienne. Cet espace partagé dédié aux activités économiques et citoyennes a ouvert l’été dernier pour dynamiser le territoire. Interview d’Isabelle Siroy, co-présidente de l’Ouvre-Boîtes :
“En plus du risque d’isolement géographique, ce qui ressort des échanges entre les femmes entrepreneures ce sont les a priori parfois négatifs en milieu rural face à la création d’activités nouvelles et peu connues autour de la bio, des circuits courts ou du bien-être, constate Emilie Morin. Ça n’est pas aussi simple qu’en milieu urbain, il faut plus de temps pour se faire connaître et se faire reconnaître. Et il peut encore exister des préjugés quant à la possibilité de conjuguer l’entrepreneuriat au féminin, c’est encore souvent perçu comme une dynamique masculine ! ”
Rien que des femmes
Au-delà du temps informel d’échanges de réseaux, de tuyaux, de partages d’expérience et d’interrogations, à chaque rencontre une thématique est proposée pour permettre à chacune de structurer ou développer son projet : constituer et fidéliser une clientèle, gérer son temps, créer des outils de communication, assurer son activité etc. Le groupe s’est aussi doté d’une charte : il s’agit d’un cercle bienveillant, ouvert, sans engagement, avec obligation de confidentialité… et réservé aux femmes. Si Caroline ne serait pas dérangée par la présence d’hommes, Tania avoue pour sa part apprécier qu’il s’agisse d’un cercle féminin : “Ça ne serait pas la même chose s’il y avait des hommes, la réceptivité est différente. Les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus, je veux bien rester un peu sur Vénus !”
Rédaction et photos : Claire Marquis