Du vent dans les cheveux et de la lumière dans les yeux. Depuis février, l’association À Vélo Sans Âge propose à La Rochelle des balades en tricycle aux résident⸱es d’Ehpad. Une façon de lutter contre l’isolement en créant du lien intergénérationnel, tout en réveillant la mémoire des personnes âgées.
Le parfum des figuiers, l’allure des escargots grimpant sur les plantes après la pluie, la beauté de l’océan : ce sont autant de souvenirs qu’emportera Maguy, 94 ans, dans le reste de sa journée. Cette résidente de l’Ehpad du Port-Neuf à la Rochelle revient tout juste d’une sortie organisée par l’association À Vélo Sans Âge. Le principe : une trentaine de bénévoles se relaient pour conduire en tricycle électrique des personnes âgées résidant dans les cinq Ehpad de La Rochelle ou à domicile. L’occasion de faire profiter du grand air à des personnes dont la mobilité est souvent réduite, tout en favorisant la création de liens entre les générations. “C’est un projet formidable, très important pour le bien-être”, décrit Maguy. L’ancienne directrice d’école apprécie particulièrement le fait de pouvoir rencontrer du monde, de bavarder avec les pilotes. Comme elle, Huguette, sa voisine de balade pour l’après-midi, éprouve des difficultés à marcher ; une condition physique rendant les balades d’autant plus appréciables. “C’est un grand bol d’air frais”, s’anime l’ancienne femme au foyer de 82 ans, satisfaite de leur promenade du jour à la plage de Chef de Baie. À raison d’une demi-journée de promenade par Ehpad tous les 15 jours, les pilotes veillent à varier les circuits, et écouter les envies des bénéficiaires.
A vélo sans âge, pour se reconnecter
Plus qu’une distraction du quotidien, ces sorties sont également l’occasion de se reconnecter à son identité, en réveillant des souvenirs du passé. « Une fois, j’ai été en balade avec un pilote originaire de Madagascar. Comme je suis née en Algérie, nous avons pu échanger des souvenirs de nos vies en Afrique« , sourit Huguette. Souvenirs d’enfance, des lieux connus jadis… les sujets abordés pendant les trajets sont multiples. « On a une dame qui ne sait plus ce qu’est une fourchette, mais qui, en balade, se souvient parfaitement des lieux où elle allait en vacances, où elle s’abritait du vent…« , renchérit Sylvie, l’animatrice de l’Ehpad qui coordonne les sorties à vélo. Celle-ci porte un regard très positif sur le travail de l’association, soulignant à quel point il participe à améliorer la santé mentale des résident·es. « C’est une vraie bouffée d’oxygène pour eux. Quand on est valide, on ne se rend même pas compte de la chance que c’est, de sentir le vent dans ses cheveux. »
Ces sorties ne profitent cependant pas qu’aux personnes âgées : les pilotes de tricycle y trouvent tout autant leur compte. « C’est que du bonheur, affirme Lionel avec énergie. Un sourire de leur part, et c’est comme si j’avais 20 ans au lieu de 70 ! Et puis, j’aimerais aussi pouvoir me promener quand je serai vieux« . Son amie Martine, également bénévole, vérifie le niveau de batterie en contrebas. « C’est un plaisir d’être ensemble, de partager… qui plus est avec des personnes qui ne reçoivent pas forcément de visites, en dehors de nos venues« , complète l’ancienne aide à domicile. Si les bénévoles sont en majorité des retraités, l’association mobilise des actifs d’horizons professionnels variés – allant de l’infirmière à la cheffe d’entreprise – et des jeunes en service civique de l’association Unis-Cité. Seuls critères pour devenir pilote : adhérer à l’association et effectuer une formation de sécurité d’une à deux heures pour apprendre le pilotage, la manipulation des personnes âgées et la conduite à adopter en cas de problème.
Un voyage plus important que la destination
« Ce qui est précieux, c’est la balade en elle-même. Le déplacement n’est qu’un prétexte à la relation« , détaille Francis Bru, fondateur de l’antenne rochelaise d’À Vélo Sans Âge. Les pilotes veillent donc à pédaler à un rythme doux, pour permettre aux passager·es de s’imprégner de l’environnement autour d’eux, d’apprécier le contact avec la ville et la nature ; voire d’établir le dialogue avec des piéton·nes curieux·ses d’en apprendre plus sur cette initiative. Les promenades permettent également aux familles de relationner dans un contexte vivant et libérateur, malgré les différences d’âge et de mobilité : « En sortie, le lien familial se resserre. Un enfant qui fait du vélo avec son arrière-grand-mère, c’est prodigieux !« , s’émerveille Francis Bru.
À Vélo Sans Âge est une association nationale née en Bretagne en 2015, d’après un concept importé du Danemark. L’idée a largement essaimé depuis, l’association comptant aujourd’hui une cinquantaine de relais locaux dans tout le pays. Une croissance exponentielle qui, d’après le fondateur de la déclinaison rochelaise, est « bien la preuve qu’elle répond à un besoin vital« . La motivation de Francis Bru à se lancer dans l’aventure : associer à une cause le groupe Cyclo Rochelais dont il fait partie, pour lui permettre de fédérer davantage tout en ayant un impact positif.
Pour l’avenir, l’association réfléchit, en concertation avec Unis-Cité, à des manières de mieux cibler et accompagner les personnes âgées isolées à leur domicile. De même, les enfants (en particulier ceux porteurs de handicap moteur) pourraient être intégrés à ces promenades, étant donné qu’ils sont sujets aux mêmes risques d’isolement que les personnes âgées. Cela pourrait également renforcer l’aspect intergénérationnel de la démarche. Au dernier bilan de juillet, l’association avait déjà emmené 320 personnes âgées en balade, et parcouru 1912 kilomètres.
Rédaction et photos : Hildegard Leloué
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