Elle crée du lien entre les générations, avec le réemploi en ligne de mire. A La Rochelle et ses alentours, l’association Les Héritiers de la Récup propose des ateliers de sensibilisation à la récupération lors d’ateliers de couture, de jardinage ou de bricolage. L’occasion pour les seniors de transmettre leurs savoir-faire aux plus jeunes.
Les gants blancs sont soigneusement enfilés avant de saisir la visseuse. Le regard déterminé, Lucas, 12 ans, s’applique à enfoncer les tiges de métal dans des morceaux de bois de palettes. Sous un généreux soleil printanier, le chantier du jour consiste à créer le salon de jardin de l’ITEP (Institut thérapeutique éducatif et pédagogique) d’Aytré, dans l’agglomération de La Rochelle. « Les jeunes sont allés récupérer les palettes auprès de restaurateurs qui s’en débarrassaient. Il y a une démarche pédagogique autour du réemploi, avec l’idée qu’ils créent leur propre lieu de détente et le respectent » souligne Alexandra Ribeiro, monitrice-éducatrice au sein de cet institut qui prend en charge des jeunes ayant des troubles du comportement. Lucas travaille sous l’œil avisé de Pierre, bricoleur expérimenté. Cet instituteur à la retraite a répondu à l’appel des Héritiers de la Récup, une toute jeune association créée en mars 2021. À l’origine de cette initiative, quatre motivé·es d’une vingtaine d’années : Maëlle Errard, Louis Mirande, Leïla Barcellini et Baptiste Turbé. « Notre objectif est de créer du lien social entre les générations autour du réemploi, du zéro déchet. Nous organisons des ateliers de bricolage, couture et jardinage dans lesquels les seniors transmettent leur savoir-faire aux plus jeunes. C’est l’occasion de donner une seconde vie à des matériaux tout en passant un bon moment ! » explique Maëlle Errard, la coordinatrice.
Transmettre le savoir via des ateliers récup
Avec leur camion bardé d’outils, les membres de l’association interviennent en itinérance à La Rochelle et son agglomération ainsi que dans l’Île de Ré. Des ateliers sont proposés dans les établissements recevant du public : centres de loisirs, établissements scolaires, résidences seniors, Ehpad, ITEP, etc. Les interventions peuvent être assurées par cycles ou de manière ponctuelle. Au lycée Dautet à La Rochelle, les Héritiers de la Récup ont notamment aidé les lycéens à réaliser leurs cotons démaquillants lavables durant leur pause méridienne, à l’occasion de la Journée de l’environnement. Au centre socio-culturel les 4 Vents à Lagord, les familles ont été invitées à réaliser des sacs à vrac. Depuis un peu plus d’un an, plus de 70 ateliers se sont déroulés, sensibilisant environ 500 personnes. Une cinquantaine de bénévoles se sont engagés au sein de l’association, dont la moitié de seniors « transmetteurs de savoirs. Nous en cherchons encore, je lance un appel aux bonnes volontés ! Il ne s’agit pas forcément d’avoir été professionnel du bâtiment, de la couture ou du jardinage mais d’avoir quelques connaissances et avant tout d’avoir l’envie de transmettre » précise la coordinatrice. Les matériaux, eux, sont récupérés auprès des grandes enseignes, dans les bennes des menuisiers, à la recyclerie La Belle Affaire à Aytré, dans la matériauthèque de La Matière à Périgny, etc. Des dons sont également faits à l’association.
Diversité des objectifs
Deux retraité·es sont présent·es ce jour-là dans le jardin de l’ITEP pour accompagner les jeunes dans leurs réalisations. Ethan, 12 ans, change le papier de la ponceuse et s’apprête à donner une nouvelle vie à une table. « Tu dois juste l’effleurer avec la ponceuse, sans trop appuyer » conseille Véronique. A 62 ans, cette « écolo de base » est bricoleuse et amatrice de couture. Elle s’investit dans ces ateliers pour « essayer d’utiliser son temps libre à bon escient. » « C’est bien, tu te débrouilles comme un chef ! » lance-t-elle à Ethan, un grand sourire aux lèvres. À ses côtés, Lucas enfonce maintenant des clous avec un marteau. « Magnifico ! » complimente Pierre. Les encouragements sont légion pour soutenir les deux jeunes de l’atelier, qui peuvent avoir des difficultés à se concentrer. Si Pierre a été attiré par Les Héritiers de la Récup, c’est pour « la diversité des objectifs. Il y a bien sûr la transmission, mais aussi l’aspect écologique, éducatif, intergénérationnel. Le tout avec des publics différents, c’est ce qui fait la richesse de cette association. Avec ce groupe de l’ITEP, nous en sommes au troisième atelier. Au premier, ils avaient du mal à rester concentrés. Maintenant, c’est plus concret, ils voient que ça avance. C’est passionnant et très enrichissant » confie-t-il. Les chaises, la table et la jardinière ont été confectionnés par ces bricoleurs en herbe. Place maintenant à la peinture.
Valorisation de soi
Un petit débat s’instaure entre les jeunes pour savoir quelles couleurs et quels motifs habilleront ce salon de jardin. Au final, un soleil aux nuances de bleu prendra place sur la table, les bancs seront blancs. Du moins dans un premier temps. Pinceaux et rouleaux en main, Lucas et Ethan s’adonnent à leurs tâches. Dans le calme, avec précision. Les deux garçons assurent que la peinture, c’est ce qu’ils préfèrent. Au cours de ces trois ateliers de deux heures, ils auront appris de nombreux gestes manuels, mais aussi à réfléchir avant d’agir, à imaginer comment concevoir ces meubles et objets. Entre autres vertus de ces après-midis. « C’est super pour ces jeunes d’être en relation avec des personnes de l’extérieur. Ils peuvent fixer leur attention sur une tâche à accomplir et puis il y a une valorisation de soi. Entre eux, cela crée de l’interaction et de la cohésion, s’enthousiasme Alexandra Ribeiro, monitrice-éducatrice. Ces trois séances apportent de très bonnes bases sur lesquelles nous allons continuer de travailler. Nous irons par exemple chercher des bouts de bois dans la nature pour les peindre et continuer d’investir le lieu. » À croire que les bonnes idées des Héritiers de la Récup vont continuer à germer.
Rédaction : Amélia Blanchot
Photos : Hildegard Leloué