Une approche solidaire pour sortir de la précarité énergétique

par | 17 juin 2025


Dans le nord Deux-Sèvres, l’association Solidar’Toit accompagne les plus démuni·es dans la rénovation énergétique de leur logement. Propriétaires et locataires trouvent un accompagnement technique, mais aussi social et solidaire.


La passion d’Évelyne, ce sont les tableaux composés de milliers de petites perles qu’elle colle patiemment pour faire apparaître des images colorées. Autour de la table en formica, devant le poêle à granulé flambant neuf, la maîtresse de maison nous livre ses exploits. « J’en ai fait un très grand avec le logo de Solidar’Toit, il y a avait 80 000 perles, ça m’a pris deux mois. C’était pour les remercier de ce qui a été fait grâce à eux. »

Avec Solidar’Toit, redonner de la dignité

Ce que l’on fait, c’est redonner la dignité aux gens à travers le dignité de leur logement. Chez certaines personnes que l’on accompagne, c’est flagrant. La première fois qu’on y a va elles ne nous regardent pas, baissent la tête, ne reçoivent même plus leur famille, et au fil des travaux c’est la révolution.
Jean-Yves Billy, président de l’association Solidar’Toit

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« C’est vrai qu’avant les travaux, je n’avais pas le courage de faire le ménage, avoue Évelyne. Et il y avait plein de poils de chat car ils ne sortaient pas de la maison : la fenêtre qui donne sur la cour ne s’ouvrait plus. » Évelyne est propriétaire de cette maison de bord de route, près de l’Absie, dans les Deux-Sèvres, depuis 2013. L’électricité avait été refaite avant le décès de son mari, et elle avait fait isoler les combles pour 1 euro mais n’avait pas les moyens de faire le reste. Ayant entendu parlé des primes pour le rénovation énergétique, elle a contacté via internet l’un des 50 opérateurs présents sur le département. Ce dernier a monté un dossier pour une chaudière à 17 000 euros, sans travaux d’isolation. « C’était presque signé mais l’assistante sociale m’a dit que j’étais en train de me faire arnaquer. »

La professionnelle a alors mis Évelyne en contact avec Solidar’Toit et ensemble ils ont construit un nouveau projet : isolation des murs, de la cave, des plafonds, nouvelles ouvertures, poêle et VMC. « Pour 37 000 euros de travaux on devait trouver 17 000 euros de reste à charge, précise Jean-Yves Billy. Quand on a amené les gens à accepter que leur situation allait s’arranger, on n’a plus le droit à l’erreur. On fait appel à des fondations, des caisses de retraites… ». Au final, Évelyne a dû verser 760 euros pour ces travaux qui lui font économiser plus de 800 euros par an et gagner 5 degrés dans sa maison où elle fait désormais « son petit ménage tous les matins ».

« Le mal logement peut engendrer isolement social, diminution de l’estime de soi et des impacts sur la santé mentale mais aussi physique, car l’usage de certains chauffages d’appoint peut amener des pathologies ». Pierre-Emmanuel Guillot, directeur de Solidar’Toit et ancien salarié du Secours Catholique de Bressuire (à gauche sur la photo, avec Jean-Yves Billy et Évelyne)

Binôme technicien / bénévole tiers de confiance

Cette année, 23 propriétaires vont être accompagné·es par l’association sur le nord des Deux-Sèvres « Nous sommes devenus officiellement des opérateurs dans le cadre des aides de l’Agence National de l’Habitat », explique Pierre-Emmanuel Guillot l’un des trois salariés, directeur de l’association. Solidar’Toit n’accompagne que les foyers classés « ressources modestes et très modestes » et se concentre sur les dossiers de rénovation globale. « Chaque chantier est suivi par un technicien salarié et un bénévole tiers de confiance. » Pierre-Emmanuel Guillot n’a pas forcément de compétence technique. Il apporte la caution sociale et solidaire. « C’est le facteur de réussite essentiel de nos projets. » Parce qu’un chantier peut être long et engendrer beaucoup de changements, l’association reste présente, pour rassurer.

Chez Évelyne, les travaux n’ont duré que deux mois, durant lesquels elle a dû rester vivre chez elle pour s’occuper de ses trois chats. Tout en faisant face à des problèmes de santé. « Le stress c’était de devoir tout bouger pièce par pièce… et puis les chats. Il fallait bien faire attention à les enfermer », se rappelle-t-elle en regardant ses protégés aller et venir par la nouvelle baie vitrée qui donne sur la cour intérieure devenue accessible.

Évelyne n’était pas un cas extrême. On arrive chez des gens qui vivent dans un taudis et n’ont pas un radis. Il leur est devenu impossible de se projeter. Dans beaucoup de cas, c’est très encombré, on ne peut pas toujours se déplacer, alors avant de faire venir des artisans ne serait-ce que pour prendre des mesures il y a tout un travail à faire.
Jean-Yves Billy, président de l’association Solidar’Toit

Pour trouver les artisans en mesure d’intervenir sans jugement, Jean Yves Billy fait appel à son réseau. Il a travaillé 30 ans dans le bocage bressuirais dans un bureau d’étude spécialisé dans la thermique en bâtiment. Il connaît ceux qu’il sollicite et leur explique les enjeux. « Dès notre premier chantier, on a travaillé avec tout un réseau d’entreprises et on a aussi fait appel à l’ESIAM qui travaille dans le cadre du territoire zéro chômeur pour une tranchée qui devait être faite à la main. Les artisans ont tout de suite compris la complémentarité. C’est une richesse en local de pouvoir développer de tels partenariats. »

La précarité énergétique concerne 10,8 % de la population française. Avec l’accompagnement de Solidar’Toit et notamment l’installation d’un poêle et le changement des huisseries, Évelyne a gagné 5 degrés dans son logement.

Conseils aux locataires

Conscient que le secteur du bâtiment génère 23% des gaz à effet de serre en France et représente 43% de nos consommations énergétiques annuelles, Solidar’Toit encourage l’utilisation d’énergies renouvelables et les matériaux bio sourcés sur les chantiers. L’association fait aussi du conseil aux locataires sur la consommation quotidienne. C’est même comme cela que l’aventure a commencé. Quand Jean-Yves, alors juste retraité, a réalisé que la moitié des aides financières accordées aux plus démunis par le secours catholique de Bressuire servait à des factures impayées, notamment d’électricité. Avec son ami Jacques Tricot, ils ont alors sillonné le bocage et pour chaque demande d’aide, ils sont allés sur place pour analyser les bâtiments, les installations, les comportements. L’idée était de trouver des solutions pour faire baisser les factures énergétiques, par des écogestes ou par de la médiation auprès des propriétaires bailleurs. Devant l’afflux des demandes et la perspective de développer l’accompagnement des propriétaires, Pierre-Emmanuel Guillot, alors salarié du Secours Catholique, a été détaché pendant un an afin d’étudier la faisabilité d’un projet autonome, pour lequel il y avait très peu d’exemples à suivre. Un vrai parcours du combattant. Il a fallu une année entière pour trouver une assurance permettant de couvrir cette activité atypique.

Mais en 2023 l’association Solidar’Toit a pu officiellement voir le jour. Forte de 50 adhérent·es et 20 bénévoles, l’association basée à Saint-Porchaire a de plus en plus de demandes et souhaite encore étendre son action. Aujourd’hui « l’ANAH peut avancer 30% du montant de la subvention pour payer les acomptes et les premières factures, mais cela ne suffit pas à payer les artisans, surtout quand les chantiers sont un peu longs. Alors on aimerait créer une caisse d’avance pour gérer ce manque de trésorerie », relate l’infatigable Jean-Yves. « Ma récompense à moi, dit-il, c’est de pouvoir m’arrêter, prendre un thé, ici, chez Évelyne. »


Rédaction : Marie Gazeau
Photos : Clément Braud

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