Pour ses dix ans, la Réserve Naturelle Régionale du Bocage des Antonins à St-Marc-La-Lande (79) s’est offert une maison. Réhabilité avec le moins d’énergie fossile possible grâce à l’utilisation de matériaux biosourcés, locaux ou de réemploi, l’ancien bâtiment agricole peut désormais accueillir le personnel de la réserve, le grand public… et la biodiversité.
« On est partis d’une stabulation agricole avec tôles en amiante, murs en parpaing, cases pour les animaux l’hiver, explique Alexandre Boissinot, gestionnaire de la Réserve Naturelle Régionale du Bocage des Antonins, dans les Deux-Sèvres. On a cherché à faire entrer la nature dans le bâtiment, tout en respectant les normes. »
Après quatre ans de projet, la première Maison de la Réserve de Nouvelle-Aquitaine a été inaugurée en ce début d’automne.
« Ce chantier me change des maisons classiques»
Dès les premiers travaux, l’ancienne dalle de béton à été démantelée et concassée en morceaux de tailles hétérogènes pour accueillir serpents, crapauds et autre petite faune locale sous la terrasse. « Ça nous a évité d’évacuer les gravats et de faire venir des matériaux », poursuit Alexandre Boissinot. Les hirondelles aussi se sont invitées sur le chantier. Et pour qu’elles puissent finir leur nichée, les artisans ont dû réorganiser leur travail. « Ce chantier me change des maisons classiques, explique Clément Thomas, charpentier pour l’entreprise Berthelot, et je me dis qu’il y a des choses que l’on pourrait faire ailleurs. » Pour intégrer des nichoirs au bardage, il a posé quelques planches plus larges. Et l’artisan, déjà sensible aux choses de la nature, a pu travailler des bois locaux et aiguiser son œil naturaliste tout au long du chantier. Deux semaines seulement après la mise en eau de la mare pédagogique située en face de l’édifice, sont apparues les premières pontes de grenouilles. « La nature répond déjà, ça fait du bien », sourit le conservateur de la réserve.

Une maison pour la réserve naturelle
Le bâtiment se veut un trait d’union entre le village de Saint-Marc-La-Lande et les 22,6 hectares qui ont été classés réserve naturelle par la Région Nouvelle-Aquitaine pour la richesse de son bocage. Si un sentier pédagogique permet d’en faire le tour, cet espace n’est pas accessible au public en dehors des temps d’animation. L’association Deux-Sèvres Nature Environnement en est le gestionnaire et y met en œuvre un programme adapté : inventaires, programmes de recherche, entretien, aménagement, échanges avec les agriculteurs en place, mais aussi accueil du public. Ce sont plus de 800 personnes qui viennent chaque année découvrir ce bocage particulièrement préservé. Il lui fallait donc un bureau et un espace d’accueil digne de ce nom.

Réemploi et proximité au cœur du cahier des charges
« Plutôt que de mettre le bâtiment par terre on s’est dit qu’il pouvait être conservé pour y installer une « boîte chauffée » qui accueille un bureau », explique Benjamin Verger, co-fondateur de 100 détours, fabricant de mobilier à partir de bois surcyclé. « C’est comme ça qu’est née la première esquisse de la maison de la réserve ». Le projet a ensuite pris de l’ampleur, et avec l’aide du Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement, un cahier des charges incluant le réemploi et la proximité d’approvisionnement en matériaux biosourcés a été rédigé. « Le niveau d’exigence pour ce chantier était très important, explique l’architecte Magali Bodin. Ce n’était pas rien d’aller au bout ». Le premier enjeu a été de mettre en adéquation les plans conçus en amont avec les matériaux disponibles en matériauthèque ou plateforme de réemploi au moment du chantier. L’architecte a aussi dû accompagner les artisans pour que ces matériaux disposent des garanties nécessaires. « Le réemploi ce n’est pas juste démonter et reposer » précise t elle. Les luminaires par exemple sont passés par une plateforme. Ils ont été testés, reconditionnés puis garantis par un bureau de contrôle ».
Des professionnels qui s’organisent localement
Cette démarche coûte plus cher que d’acheter du neuf made in China. Mais on ne finance plus la même chose.
On a demandé à un menuisier d’adapter d’anciens volets pour les portes intérieures. L’argent a été à la valorisation de son savoir-faire plutôt qu’aux revendeurs de matériaux.
Magali Bodin, architecte
Il a fallu que tous les acteurs du projet jouent le jeu. Certains commencent à avoir l’habitude de travailler ensemble. Il est courant que des entreprises du Bocage fassent don de vitrages à la matériauthèque Accro’bât de Bressuire. Grâce à un important travail collaboratif le défi du local et du surcyclage a été relevé. Et pour ce qui est des bois neufs, tous viennent de 30 km à la ronde. « Celle qui a le plus voyagé, c’est la porte de la cuisine ! s’amuse Benjamin Verger. Elle vient de la Gare du Nord. Après avoir accueilli des milliers de voyageurs à Paris, elle se retrouve au calme dans le bocage dans Antonins. »
Rédaction : Marie Gazeau
Photos : Clément Braud