On connaissait les hôtels à insectes et les nichoirs à oiseaux. Pour aller encore plus loin dans la préservation de la biodiversité, l’association Deux-Sèvres Nature Environnement a organisé une journée de construction d’abri à reptiles à la réserve naturelle régionale du bocage des Antonins, dans la commune de Saint-Marc-la-Lande. Depuis les années 1990, on a perdu 90% des vipères et 75% des lézards.
« J’ai commencé très jeune à envoyer des vipères à l’Institut Pasteur, pour la confection d’anti-poison », se rappelle Daniel Guérineau. Petites lunettes et barbe blanche bien taillée, l’ancien directeur du Zoodysée de Chizé, passionné de reptiles, animait en mars dernier un atelier de construction d’abri pour reptiles organisé par Deux-Sèvres Nature Environnement à la réserve naturelle régionale du bocage des Antonins de Saint-Marc-la-Lande (79). En arrivant sur le site, la quinzaine de bénévoles découvre un tas de plaques de ciment, vestiges de clapiers à lapin, des parpaings, un gros tas de pierre, des tuiles, des écorces et quelques ardoises qui les attendent. « Tous les matériaux que l’on va utiliser ce matin sont issus du nettoyage du bâtiment d’élevage qui accueillera la future maison de la réserve naturelle, précise Alexandre Boissinot, conservateur de la réserve naturelle et salarié de Deux-Sèvres Nature Environnement. On a juste été chercher un peu de sable et des copeaux de bois. » L’objectif est de réaliser des aménagements efficaces pour nos amis à écailles avec peu de moyens.
Surmonter les peurs culturelles
« Entre les années 60 et 70, Daniel a croisé 1000 serpents par an, quand moi je n’en vois qu’une vingtaine aujourd’hui », jalouse Alexandre Boissinot. On a perdu 90% des vipères et 75% des lézards depuis les années 1990. Qu’à cela ne tienne. « Ici on construit un refuge, explique Olivier Lourdais, chercheur au CNRS de Chizé. Les vipères sont considérées comme des nuisibles depuis le 19e siècle.» En 1863 un arrêté national a même lancé les grandes chasses. La plus célèbre chasseuse du secteur était Mme Moreau de Faye l’Abbesse qui à elle seule en tuait 2500 par an pour 25 centimes pièce. « C’était plus pour se rassurer que pour un réel danger sanitaire, précise Olivier Lourdais. Aujourd’hui encore, on a très peur des vipères alors que leur morsure engendre un mort tous les 10 ans dans tout le grand Ouest de la France, 100 fois moins que les piqûres de guêpe ou d’abeille. Il y a peu de risque d’avaler une vipère en buvant son soda », ironise-t-il. Et après les chasses organisées, le coup de grâce a été donné avec l’arrivée de la mécanisation agricole. Mais il n’y a pas grand monde pour s’en émouvoir.
Recréer une diversité de microclimats
Rapidement le petit groupe s’active et suit les directives de Daniel Guérineau. Depuis qu’il est à la retraite, l’herpétologue anime régulièrement des ateliers collectifs pour transmettre ses connaissances. Loin d’avoir le sang froid, les reptiles dépendent de sources extérieures de chaleur pour augmenter leur température. Pour être actifs, ils ont besoin qu’elle atteigne entre 20 et 30°C. Ils commencent toujours la journée par se réchauffer, et utilisent ensuite cette énergie pour chasser, digérer et se reproduire. Le reste du temps, ils sont très économes. Pour leur faciliter la vie, Daniel a imaginé un habitat partagé bioclimatique. Une grande tranchée enterrée donne accès à des sites de ponte collectifs. « On va ensuite disposer de couloirs de circulation avec des espaces plus ou moins chauds qu’ils pourront choisir pour assurer leur thermorégulation. »
Un vrai dédale qui assure une grande diversité de conditions de température et d’humidité. « C’est ce que l’on retrouve à l’échelle des paysages de bocage préservés », explique Alexandre. Des haies larges avec de nombreuses strates assurent des microclimats. Les reptiles peuvent se chauffer dans les broussailles puis vont chasser dans les ourlets herbacés d’une grosse haie avant de s’enfoncer au pied des grands arbres si la chaleur est trop forte. Ils ont besoin de trouver tout cela sur de petites surfaces. Une vipère est peu mobile et ne dépasse pas les 2 à 3 hectares quand une couleuvre vit sur 7 ou 8 hectares et un lézard sur quelques milliers de mètres carrés. Les observer nous indique une certaine stabilité du milieu. D’autant plus qu’il sont sensibles aux polluants, ce sont de bons indicateurs de la qualité de l’environnement.
Anne Lise, étudiante en BTS Gestion et Protection de la Nature, regarde ses collègues finir la structure en la couvrant de dernières pierres, pour l’esthétique. « Je suis en train de rénover une maison sur un terrain qui était laissé à l’abandon, explique-t-elle. Il y a des tritons, des vipères, des chauves-souris, des hérissons, des couleuvres, tout le monde s’est installé. Et j’ai des poules, un chien… Les reptiles, je ne suis pas fan, mais je suis venue aujourd’hui pour voir ce que je peux aménager pour que tout ce petit monde puisse cohabiter ».
Rédaction : Marie Gazeau
Photos : Marie Queinec