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Habitat participatif : à Sainte-Soulle, une oasis bien réelle

par | 4 février 2021


Mutualiser l’habitat, créer un jardin nourricier, tisser des liens avec les autres et avec soi-même… À Sainte-Soulle près de La Rochelle, dix foyers viennent de faire l’acquisition d’un bien immobilier sur plus de 7000 m² de terrain pour le transformer en écolieu. L’Oasis des Tisserands, puisque c’est son nom, se veut un espace fertile où faire vivre les valeurs de solidarité, de coopération et de respect de la nature. Interview de Stéphane Maitrehut, futur habitant.


Comment a émergé ce projet d’écolieu ?

Il est né il y a trois ans d’un concours de circonstances. Les anciens propriétaires du lieu, qui souhaitaient vendre leur maison, avaient sympathisé avec un couple, Joël et Janine Guillon. Or Janine rêvait depuis très longtemps de créer un habitat participatif. Un jour, un couple d’architectes, justement spécialisés dans l’habitat participatif, est venu frapper à la porte du domaine et quand ils ont vu le site, ils se sont dit que celui-ci serait parfaitement adapté pour développer un tel projet. Tout cela a fait réfléchir les propriétaires et ils ont fait le choix de céder leur maison pour qu’elle devienne un écolieu plutôt que de la revendre à des particuliers. Il y a eu ensuite une phase d’ouverture vers le public, des personnes comme moi se sont intéressées au projet, et petit à petit nous avons instauré une gouvernance partagée. Ce n’est pas une posture d’habitant traditionnel qui vient s’installer et qui va rester isolé. C’est vraiment une aventure collective. Nous avons fait l’acquisition du bien immobilier cet automne. C’est une grande bâtisse sur un terrain de 7336 m² situé au bord du canal qui relie La Rochelle à Marans. L’écolieu comptera six logements rénovés et six logements neufs, mais aussi des espaces mutualisés : atelier de bricolage, cuisine d’été, salle de réception, piscine… Nous développons aussi une partie dédiée à l’activité économique dans une grande longère, avec un espace de coworking et un pôle de conférence et de formation. Nous aurons également deux chambres d’hôtes.

Autour de quelles valeurs vous retrouvez-vous ?

Nous nous sommes appuyés sur un philosophe, Abdennour Bidar, auteur du livre Les Tisserands, qui traite de la relation à soi, aux autres, à l’environnement et au spirituel. Par spirituel, entendons le fait de s’interroger sur notre place dans le monde. Voilà la base de notre projet. L’Oasis des Tisserands est un lieu pensé pour que le collectif s’exprime, s’engage, dans la bonne entente et dans la co-construction. C’est aussi un lieu où nous allons développer de la permaculture et chercher à tendre vers l’autonomie alimentaire. Vers l’autonomie énergétique également, dans la mesure du possible. Avec l’idée d’être en équilibre, et de vivre le plus respectueusement possible par rapport à ce qui nous entoure.

Au regard de l’âge des futurs habitants, on peut parler d’habitat participatif intergénérationnel. C’est une volonté ou le fruit du hasard ?

C’est une volonté, tout le monde a validé. La plus jeune adulte a 28 ans, le plus âgé a 73 ans, et pour le moment il y a quatre enfants. L’intergénérationnel répond à l’envie d’être un lieu de mixité, de complémentarité, d’ouverture, qui ressemble le plus possible à l’extérieur. On mélange les énergies et les envies pour créer un lieu bien vivant, avec l’idée que les jeunes ont autant à nous transmettre et nous apprendre qu’on peut le faire aussi avec eux.

Quel montage juridique avez-vous choisi pour acheter collectivement le bien immobilier ?

Pour la partie habitation, nous avons créé une SCIA, société civile immobilière d’attribution. Pour faire simple, cela veut dire que nous ne sommes pas propriétaires des murs de notre maison mais que nous avons acheté les parts d’une société, et que ces parts nous donnent accès à un logement. Et le jour où une personne s’en va, elle revend ses parts. C’est un montage juridique qui permet de se préoccuper encore plus les uns des autres, puisque si l’un d’entre nous est en difficulté, on va tout faire pour trouver des solutions qui soient acceptables pour lui, et pour le collectif. C’est faire en sorte que l’individuel puisse être aidé par le collectif, et inversement que chaque individu puisse aider le collectif à se développer. Même les aspects juridiques permettent de consolider ces valeurs. Parallèlement, pour gérer la partie « activité économique », nous avons créé une SCIC. Nous sommes près de 40, habitants compris, à avoir rejoint cette société coopérative d’intérêt collectif. C’est une façon de placer son épargne pour participer à des choses concrètes.

LES OASIS EN FRANCE
A l’échelle nationale, la Coopérative Oasis anime un réseau de plus de 800 écolieux et les accompagne dans leur développement.
On distingue trois catégories:
– les oasis de vie (habitats participatifs, écohameaux…)
– les oasis ressource (regroupant plusieurs activités économiques)
– les oasis de vie et de ressource (hybrides)
Les Oasis partagent 5 grandes valeurs:
– la souveraineté alimentaire
– la sobriété énergétique
– la gouvernance partagée
– la mutualisation de biens et de services
– l’ouverture sur l’extérieur

L’Oasis va compter deux logements sociaux. Pourquoi ?

Nous aurons en effet deux logements PLS (prêt locatif social). Cela tient à deux facteurs : le fait qu’on construise sur le site des logements neufs d’une part, et d’autre part l’avancée de la mairie de Sainte-Soulle en matière de construction de logements sociaux sur son territoire. C’est donc une obligation légale, mais cela correspond aussi totalement à nos valeurs. Dans les faits, cela fonctionne de la façon suivante : vous achetez un lot que vous ne pouvez pas habiter pendant un certain nombre d’années, et vous mettez cette habitation à disposition de personnes ayant un revenu modeste. Ensuite vous pouvez le récupérer et vous en faites ce que vous voulez. Nous avons signé une convention avec l’Anah, Agence nationale de l’habitat, d’une durée de six ans renouvelable, qui donne droit à un avantage fiscal pour le bailleur mais à condition de louer le bien à des locataires sous condition de ressource et sans lien de parenté. Un loyer est fixé, modéré. Un de ces deux logements a déjà trouvé preneur. L’autre est encore à acquérir.

A partir de quand l’Oasis sera-t-elle habitée ?

Cela va se faire courant 2021. Le choix de l’architecte qui nous accompagne est d’abord de rénover, les travaux ont déjà commencé pour un des lots. Ensuite il se consacrera au chantier du neuf. Le début des activités de coworking est prévu pour le mois de mars. Quant à la salle de formation, elle fonctionne déjà.


Propos recueillis par Hélène Bannier
Photo haut de page : Mélanie Chaigneau

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