Odile vit dans une Figue à Poitiers depuis deux ans. Ce microhabitat a été inventé par Guillaume de Salvert de l’association Habitats Libres en Poitou. Une maison à l’empreinte carbone quasi nulle qui questionne l’accès au logement en général, et l’évolution de la culture de l’habitat léger en particulier.
La Figue : une architecture de cueillette au bilan carbone quasi nul
Elle pourrait faire penser à une châtaigne tombée de l’arbre à l’automne, ou à un champignon au chapeau pelé émergeant des feuilles mortes. Son créateur, Guillaume de Salvert, l’a baptisée « La Figue ». Elle mesure cinq mètres de diamètre et six mètres de haut, ce qui permet d’installer une mezzanine de 10 m² à l’intérieur. Le bardage extérieur est fait en bois de peuplier déroulé, ce matériau utilisé pour les cagettes et les boîtes de camembert. Le peuplier déroulé est cousu en une ribambelle de « tuiles » puis fixé sur l’ossature bois, elle-même faite de châtaigner, frêne, noisetier, ou chêne. « La Figue, c’est une architecture de cueillette, un bilan carbone presque nul, explique Guillaume de Salvert. On fait avec ce qui nous entoure, par exemple des perches de noisetiers récoltées dans la forêt voisine. Puis c’est une sorte de vannerie géante recouverte de son bardage elfique !» L’isolation est en laine de mouton lavée, traitée aux huiles essentielles.
Quand Odile a voulu changer de mode d’habitat
La silhouette de la Figue a séduit le réalisateur Alain Guiraudie qui a commandé deux figues à Guillaume de Salvert pour le tournage de son film « Rester Vertical », sélectionné au festival de Cannes en 2016. Mais sa notoriété vient surtout du bouche à oreille.
Guillaume avait en effet construit un prototype, dans lequel il a vécu, près de Mirebeau dans la Vienne. Quand Odile a découvert les Figues le coup de cœur a été immédiat. À l’heure de la retraite elle avait déjà décidé de changer de mode d’habitat. Un chantier participatif s’organise à l’hiver 2017. La construction, dans un jardin de Poitiers, a rassemblé 30 personnes pendant 3 semaines pour le gros œuvre et 5 personnes pendant 2 semaines pour les finitions. “Au-delà du plaisir de l’auto-construction, ce fut une vraie aventure humaine riche en rencontres” raconte Odile. Deux ans plus tard, cet habitat léger, que son créateur qualifie encore d’expérimental, n’a pas pris une ride. Odile apprécie d’être en contact avec la nature, comme dans un cocon. « C’est un peu plus dur l’hiver, tout autour est mouillé, il fait vite froid quand le feu est éteint… mais bon l’hiver c’est moins rigolo partout en fait ! » À l’intérieur, on monte à la mezzanine par un escalier dont la rampe est aussi biscornue que le tronc dont elle émerge. Un hublot offre un puits de lumière et des murs capitonnés en tissu blanc accentuent la luminosité. L’habitat léger est aussi esthétique que minimaliste. Un poêle à bois chauffe la maison et un panneau solaire l’alimente en électricité. Odile a choisi de construire un autre bâtiment, attenant à la Figue, pour le coin cuisine. Celui-ci est réalisé en matériaux de récupération, dont de grandes fenêtres trouvées parmi les déchets d’un chantier de rénovation.
“Nous questionnons la manière dont on se loge en France”
Un espace réduit, facile à réaliser et économique à chauffer, pas de loyer : le microhabitat a de quoi séduire. Après 10 ans en yourte, des expériences en tipi et en squat, Guillaume fut l’un des fondateurs en 2007 de la coopérative charentaise La Frênaie, spécialisée dans la fabrication de yourtes. Il a depuis passé la main mais milite activement au sein de l’association Habitats libres en Poitou. « Nous questionnons la manière dont on se loge en France. Nous souhaitons faire évoluer la culture de l’habitat léger : un habitat libre, affranchi des logiques de crédit, éloigné des banques, qui offre la possibilité d’être propriétaire. » Dans le nord de la Nouvelle-Aquitaine, les micro-habitats seraient « des centaines » , en bois, terre, paille, tissus, récupération. Tipis, yourtes, roulottes, mais aussi kerterres, zomes, géonefs… construits à partir de matériaux économiques et disponibles en grande quantité, qui n’impliquent pas de coûts de transformation et de transport exorbitants. Une vision à contre-courant de la construction classique, qui représente environ 40% des émissions de CO² des pays développés, 37% de la consommation d’énergie et 40% des déchets produits. La question des habitats sur des terrains parfois non-constructibles ? « La question du logement dépasse la notion de légalité : les habitats libres sont avant tout légitimes ! », soutient Guillaume de Salvert. Depuis l’adoption de la loi ALUR (Loi relative aux habitats non traditionnels, habitats mobiles et habitats démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs), le cadre légal est plus favorable à l’installation.
Rédaction et photo : Claire Marquis