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L’ESS, une économie d’avenir pour les jeunes ?

par | 16 janvier 2020


Avec plus de 220 000 établissements employeurs en France et 2,3 millions de salariés, le champ de l’économie sociale et solidaire est en croissance régulière et ouvre largement ses portes aux jeunes, d’autant plus que 700 000 départs à la retraites sont prévus dans les dix prochaines années. Alors, comment les jeunes s’emparent-ils du sujet? Sont-ils de plus en plus nombreux à y voir une perspective d’avenir pour donner du sens à leur vie professionnelle ? Quels sont les outils et dispositifs mis à leur disposition pour les sensibiliser? Interview de Marine Bouteville, étudiante en Master 2 Droit et développement de l’ESS à l’Université de Poitiers et chargée de mission « sensibilisation et éducation à l’ESS » à la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire Nouvelle-Aquitaine.


De quoi parle-t-on précisément quand on parle d’économie sociale et solidaire ?

C’est une forme d’économie prônant la transformation de la société, par des valeurs de solidarité, d’utilité sociale et d’éthique. Contrairement au capitalisme, elle accorde plus d’importance à l’humain qu’à l’argent. Il y a quatre piliers principaux à l’ESS : les projets doivent être collectifs; la gouvernance est démocratique, autrement dit une personne = une voix et peu importe l’argent qu’on a mis dans l’entreprise; elles sont non lucratives. Cela ne signifie pas qu’elles ne doivent pas générer de profit, mais plutôt que de servir à rémunérer des actionnaires, l’argent est réinjecté dans l’entreprise; on est aussi sur un principe de libre adhésion, chacun est libre d’y entrer ou d’en sortir. Les principales structures juridiques de l’économie sociale et solidaire sont les associations, les coopératives, les mutuelles, les fondations, et les entreprises d’utilité sociale. On les trouve essentiellement dans les champs de l’action sociale, mais l’ESS peut toucher tous les secteurs d’activité. Au niveau national cela représente entre 8 et 10% de l’emploi salarié.

Pour les jeunes, c’est une économie d’avenir ?

Oui, c’est une économie d’avenir pour ceux qui veulent construire des projets ensemble et s’engager dans un emploi qui a du sens pour eux. Et c’est une tendance qu’on peut constater en ce moment, avec tous les mouvements de jeunes comme les grèves pour le climat. Ils sont de plus en plus conscients, et de plus en plus tôt, que la planète et notre société ne se portent pas très bien et que si on ne change pas les choses ça ne va pas s’arranger. Il y a une envie grandissante de transformation de la société.

Votre mission à la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire, c’est justement la sensibilisation et l’éducation à l’ESS. De quelle manière intervenez-vous ?

J’interviens dans les établissements scolaires, collèges et lycées. Ma mission consiste à accompagner des projets avec notamment le dispositif Mon ESS à l’École porté par l’ESPER, l’Economie Sociale Partenaire de l’Ecole de la République. Pour vous donner un exemple, au collège Marcel Pagnol de Tonnay-Boutonne en Charente-Maritime, les élèves sont partis du constat qu’une fois vides, les outils scolaires type stylos et tubes de colle terminent à la poubelle et sont mal recyclés. Ils ont voulu en faire quelque chose. Leur première intention a été de s’inscrire au programme de la Fondation BIC qui propose de donner de l’argent ou du mobilier en échange d’un certain nombre de kilos de plastique. Mais la liste d’attente était vraiment trop longue et ils avaient envie d’agir vite. Ils se sont donc organisés pour collecter ces déchets scolaires et pour construire avec leur prof de techno une broyeuse à plastique. Ils en font des granulés de plastique et aux dernières nouvelles ils étaient en train de monter un partenariat avec la section plasturgie du lycée d’à côté pour pouvoir faire fondre cette matière et la réutiliser dans une logique d’économie circulaire. A la CRESS nous utilisons également un outil qui s’appelle K’ESS ESSA, développé par le collectif les PLOUCS dans les Landes. C’est un jeu de rôle où une trentaine d’élèves vont expérimenter différents modèles d’entreprises, de l’association à la multinationale. Ils ont tous un objectif commun : fabriquer des sacs en papier, mais les modes d’organisation vont différer, tout comme les valeurs qui sont en jeu. Ils peuvent ainsi appréhender différents systèmes économiques.

Marine Bouteville, vous suivez un Master Droit et développement de l’ESS à l’Université de Poitiers. Qu’est-ce qu’on y apprend ?

On y apprend beaucoup sur le droit et la fiscalité des entreprises de l’ESS, le management, le développement durable, les politiques publiques, dans l’idée de pouvoir développer les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Ce Master existe depuis une quinzaine d’années et l’immense majorité des étudiants ont leur diplôme et trouvent du travail dans l’ESS derrière.

Au sein de ce master a été créé B323. Il s’agit d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Quel est le principe ?

Cette SCIC est un peu particulière puisque c’est une coopérative étudiante, et pour l’instant c’est la seule en France. Nous réalisons des prestations de services pour des entreprises de l’ESS, afin de les mettre en valeur et dans l’idée de développer l’économie sociale et solidaire sur le territoire poitevin. La SCIC est composée de quatre collèges d’associés: les enseignants, les anciennes promos, des structures de l’ESS comme Radio Pulsar, l’Urscop et la CRESS, et enfin le collège composé des étudiants qui réalisent les prestations. B323 nous offre l’opportunité d’expérimenter l’entrepreneuriat social de façon concrète. Et c’est d’ailleurs souvent la motivation principale des étudiants qui intègrent ce Master.

Existe-t-il d’autres outils à destination des jeunes pour leur permettre de se familiariser avec l’entrepreneuriat social ?

Il existe les Coopératives Jeunesse de Services, pour les 16-18 ans. Le temps d’un été, les jeunes vont pouvoir créer leur propre entreprise et expérimenter l’entrepreneuriat dans des domaines très variés. Cela peut être la création d’un restaurant au bord de la plage qu’ils vont faire vivre pendant deux mois, parce qu’ils ont quelques compétences et qu’ils vont vouloir développer un tel projet collectivement. Et oui, les jeunes peuvent s’autogérer et travailler ensemble ! Sur le même principe on trouve les junior associations : c’est un outil pour des jeunes qui ont envie de faire des choses ensemble mais qui n’ont pas encore l’âge légal pour créer une vraie association. ils passent par ce dispositif-là qui chez nous est co-porté par la Ligue de l’Enseignement. Ils peuvent avoir un compte bancaire par exemple, et développer leur idée comme ils ont envie. Beaucoup des projets de « Mon ESS à l’École » tournent sur des junior associations pour donner aux élèves et à leurs projets une forme de légitimité. Ça n’est pas qu’un simple travail en groupe. En gérant eux-même un compte bancaire et l’aspect financier que peut avoir une entreprise, ils se rendent compte que ça n’est pas que réservé aux adultes. Pour eux ça a du sens et c’est important.


Propos recueillis par Belda Caro (lycéenne au LP2I) et Hélène Bannier
Photo haut de page : ESPER
Photo portrait : Belda Caro

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