Tête de réseau régionale sur la question des tiers-lieux en Nouvelle-Aquitaine et laboratoire des nouvelles organisations du travail, la Coopérative des tiers-lieux lance La Courte Échelle. Il s’agit d’un incubateur de proximité visant à favoriser l’émergence de nouveaux projets en ex Poitou-Charentes et en ex Limousin. Qu’est-ce qu’un tiers-lieu ? Pourquoi créer un dispositif spécifique pour ces deux anciennes régions ? Interview de Lucile Aigron, co-gérante de la Coopérative des tiers-lieux.
Pouvez-vous rappeler en quelques mots ce qu’est un tiers-lieu?
C’est un espace de travail partagé qui peut toucher tous les secteurs d’activité, l’agriculture, l’artisanat, le tertiaire. On peut y trouver des bureaux, des ateliers, des parcs machines, des terres agricoles, et autour peuvent graviter d’autres types de services ou lieux de convivialité, un espace public numérique par exemple, un café, voire un restaurant. Des personnes aux profils et aux activités très différentes vont ainsi se retrouver autour d’un espace commun de travail, autour d’activités ou de projets. Ce sont souvent des lieux de proximité avec une dimension familiale et humaine.
(Plus d’infos : infographie / portrait des tiers-lieux de Nouvelle-Aquitaine)
Qu’apportent les tiers-lieux aux personnes qui les fréquentent, et aux territoires ?
Au niveau individuel, l’idée est de permettre aux personnes d’être mieux dans leur travail, de pouvoir se développer socialement, humainement et professionnellement. La deuxième dimension est collective : ces espaces partagés favorisent les collaborations, les personnes peuvent aussi se retrouver autour d’intérêts communs qui seraient plus de l’ordre des loisirs et des passions. Concernant le territoire, nous observons que les tiers-lieux relèvent de l’intérêt général. Ils naissent souvent en fonction de manques identifiés, et essaient de les combler. Ca peut être la poste qui a déserté le village et par conséquent le tiers-lieu va gérer le point poste. Ca peut être une commune qui n’a plus de commerce, on va donc créer une petite épicerie à partir d’une dynamique agricole, ça peut aussi permettre de maintenir le café du coin. Mener ce genre de projet tout seul, c’est compliqué, mais en revanche si on s’y met à plusieurs, on va pouvoir solutionner le problème.
Pourquoi avez-vous créé un incubateur de tiers-lieux spécifiquement pour l’ex Poitou-Charentes et l’ex Limousin ?
Avec la Coopérative des tiers-lieux nous avons pour objectif de mailler le territoire de Nouvelle-Aquitaine, et de travailler de façon équilibrée. Or le Poitou-Charentes et le Limousin n’ont pas bénéficié de dispositif d’amorçage aussi tôt qu’en ex Aquitaine. Il nous semblait prioritaire de renforcer ces deux anciennes régions sur la question de l’émergence de tiers-lieux. Ce sont des territoires moins denses, il y a vraiment des manques. Nous allons dans tous les départements pour rencontrer les porteurs de projets et les têtes de réseaux, pour que des initiatives puissent naître. La Courte Echelle vise à les accompagner sur des temps donnés, pour les aider à mettre en oeuvre leurs idées. Si on amène ces collectifs à se retrouver sur des temps d’incubation, c’est aussi pour leur permettre de se développer ensemble, de se donner des bonnes idées car il y a des choses très différentes en fonction des projets. Ce sont vraiment des journées de co-développement. Nous, on est là pour animer, apporter du contenu en terme de culture tiers-lieu, d’objectifs et processus à mettre en place pour que ça fonctionne. Ça prend la forme de 5 journées de présentiel à Angoulême et de temps de rencontres en visioconférence.
(Plus d’infos : cartographie des tiers-lieux de Nouvelle-Aquitaine 2018)
Si l’on observe les tiers-lieux déjà existants en ex Poitou-Charentes, voit-on se dégager des caractéristiques particulières ?
On peut retrouver une forme de créativité et de fraîcheur dans la façon dont les tiers-lieu ont été créés. Cela tient au fait que les collectifs les ont fait émerger sans aides publiques, comme je le disais les aides sont arrivées plus tard. Pour les principales dominantes, on voit que les clusters numériques et le champ culturel ont pas mal investi le sujet, comme dans le Limousin d’ailleurs. Il y a beaucoup de tiers-lieux autour de Poitiers et d’Angoulême, mais on les trouve principalement en milieu rural. L’enjeu des dynamiques locales et la volonté de ne pas laisser mourir les centres bourgs des petites villes est aussi important. Et il y a une appétence à se rendre utile, plus que sur la métropole bordelaise par exemple.
Le Poitou-Charentes est-il encore un découpage territorial qui a du sens ?
Je pense que oui, quelque part l’identité reste, et je crois qu’il ne faut pas tout ramener tout le temps aux grandes régions car il y a des spécificités d’un territoire à l’autre. Il faut aussi garder aussi une échelle humaine, c’est très important.
Propos recueillis par Hélène Bannier