Un spectacle conté gratuit, à écouter dans son canapé. Dans l’est de la Charente-Maritime, l’association culturelle La Motte des fées et l’association d’Aide à Domicile en Milieu Rural (ADMR) ont proposé la semaine dernière des contes à domicile. Une activité originale pour les bénéficiaires de l’ADMR, qui a vocation à perdurer.
La porte s’entrouvre timidement, un visage apparaît dans l’entrebâillement. « C’est pour le conte, c’est ça ? » lance une dame âgée, un peu intimidée par l’arrivée de têtes inconnues dans sa maison de Villars-les-Bois. Ce village de 240 habitant·es se situe à l’est de la Charente-Maritime, en pleine aire de production de cognac et de pineau. « Ici, il y a beaucoup de personnes isolées chez elles. L’Ehpad, tout le monde ne peut pas se le payer. Le lien social est très important à la campagne, les gens ont besoin de parler, de contact », relève Michèle Bertin, visiteuse bénévole pour l’ADMR, réseau de services à la personne. Ce mercredi 2 avril au matin, elle accompagne la conteuse Laureline Clair chez cette bénéficiaire qu’elle connaît bien, porteuse d’un handicap moteur, et qui vit avec sa mère. Elles ont volontiers accepté de participer à l’opération « contes à domicile », initiée par l’association culturelle La Motte des fées, à Matha, et l’ADMR locale.
« C’est complètement innovant »
Du 31 mars au 4 avril, deux compagnies de spectacle vivant – O Tom Po Tom, à La Rochelle, et Coyote Minute, à Saintes – étaient mobilisées dans les alentours de Matha et Saint-Jean-d’Angély afin de proposer un spectacle conté de 45 minutes maximum, gratuit, chez les personnes volontaires. « Le but de ce projet est d’apporter la culture dans les salons pour divertir les gens avec bienveillance », explique Simon Joulie, le directeur de La Motte des fées.
C’est une proposition originale pour rompre l’isolement, c’est complètement innovant. Nous proposons beaucoup d’activités à nos adhérents mais elles sont hors les murs, jamais à domicile. Nous avons donc soutenu cette initiative avec plaisir.
Brigitte Ameline, présidente de l’ADMR de Matha
Dans la pièce de vie de la maison de Villars-les-Bois, la mère et sa fille s’installent sur leur canapé aux côtés de la visiteuse bénévole. La conteuse s’assoit sur une chaise face à elles. « Merci beaucoup de nous avoir ouvert votre porte », annonce-t-elle en préambule. Le silence s’installe, puis Laureline Clair débute une histoire de roi et de grenouille. Sourire au coin des lèvres, l’auditoire est captivé. Parfois, des rires éclatent. Arrive la fin du récit. « Vous voulez une autre histoire ? », interroge la conteuse. « Oh bah oui ! », répond la bénéficiaire du tac au tac, avec enthousiasme. Cette fois-ci, il s’agit d’une fratrie, de mort, de vie. Après la chute, la narratrice se fait applaudir. Le public accepte volontiers d’écouter un dernier conte « venu des montagnes turques », dans lequel un enfant très pauvre réussit, après moultes péripéties, à devenir prince. « J’ai beaucoup aimé, ça change des activités habituelles qu’on peut faire avec l’ADMR. Quand on m’a proposé j’ai tout de suite dit ‘‘oui’’ », confie l’adhérente, qui prend son déambulateur pour raccompagner la conteuse : « Merci encore, vous revenez quand vous voulez ! »

Ça s’est très bien passé, les personnes avaient envie d’écouter. Quand ça se passe comme ça, c’est du pain bénit ! Je trouve ça super d’aller chez des gens qui ne peuvent parfois pas se déplacer. Les contes, c’est du cinéma sans écran. Chacun a son imaginaire et le voyage peut être lointain.
Laureline Clair, conteuse au sein de la compagnie rochelaise O Tom Po Tom
Réussir à dépasser les peurs
Sur la semaine, 25 adhérent·es de l’ADMR locale se sont inscrit·es. Mais il y a eu des désistements de dernière minute, pour cause par exemple d’hospitalisation ou… d’appréhension. « Nous avons des retours très positifs de ceux qui ont franchi le pas. Le tout est d’arriver à rentrer chez les gens et ce n’est pas simple. Pourtant, nos salarié·es en ont parlé avec eux en amont. Mais je pense que le bouche-à-oreille va fonctionner. Je peux dire que même si la mise en place a été compliquée, cette première édition est une vraie réussite. C’était un galop d’essai », considère Brigitte Ameline. Qui affirme sa volonté de réitérer les contes à domicile l’année prochaine. Et même d’étendre l’initiative à d’autres secteurs du département.
Rédaction et photos : Amélia Blanchot