Accompagner les acteurs publics et privés à avoir un impact plus vertueux, c’est l’ambition que poursuit la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) Nouvelle-Aquitaine à travers la promotion des achats socialement et écologiquement responsables (Aser). Le sujet sera au cœur d’une matinée de rencontre entre acheteurs publics et fournisseurs de l’ESS le 15 novembre à Poitiers. Explications avec Maylis Bargach, cheffe de projet Aser à la Cress Nouvelle-Aquitaine.
Comment peut-on définir les Achats socialement et écologiquement responsables (Aser) ?
Les Aser sont des achats de biens ou de services que des acteurs publics, comme des collectivités, ou des entreprises font auprès de fournisseurs qui poursuivent une ambition sociale ou écologique. Pour le fonctionnement de ses cantines scolaires, une collectivité peut par exemple décider de se tourner vers un fournisseur responsable qui va employer des personnes en situation de réinsertion professionnelle pour l’aspect social, et qui produit uniquement des produits issus de l’agriculture biologique pour l’aspect écologique.
Des critères permettent-ils d’établir ce qu’est un fournisseur « responsable » ?
Non, c’est à chaque entreprise, chaque collectivité de fixer des critères pour juger de cette responsabilité dans le cadre du code de la commande publique. Mais de fait, les structures de l’Économie sociale et solidaire (ESS) garantissent par leur statut une non-lucrativité, ou une lucrativité encadrée, ce qui favorise le maintien de la valeur sur le territoire. De par leur ancrage territorial, elles sont également des entreprises non délocalisables. Elles peuvent aussi avoir des objectifs d’utilité sociale comme dans l’insertion économique, ce qui fait d’elles des partenaires de choix pour une politique d’Aser.
Les acheteurs, qu’ils soient publics ou privés, ont-ils l’obligation d’effectuer des Aser ?
Lorsque les acteurs privés, à savoir les entreprises, effectuent des achats responsables, cela peut s’inscrire dans leur politique de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Elles ont aussi certaines obligations, notamment via le Plan national pour des achats durables (PNAD), la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) ou la loi Egalim. Pour ce qui est des collectivités, lorsqu’elles réalisent plus de 50 millions d’euros d’achats publics annuels, elles ont l’obligation de publier un Schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (Spaser), qui permet d’intégrer les impacts environnementaux et sociaux de leurs achats.
Ces achats responsables n’étant pas nécessairement obligatoires, qu’est-ce qui va pousser une entreprise ou une collectivité à en réaliser ?
Certaines entreprises veulent profondément agir pour une société plus vertueuse et décident d’elles-mêmes d’acheter des biens ou des services responsables. On peut par exemple citer une entreprise qui achèterait des ordinateurs reconditionnés à ses salariés plutôt que des neufs. Le problème est que certaines entreprises font des achats responsables uniquement pour leur image de marque. On tombe alors dans le greenwashing, comme avec Danone qui se targue d’avoir une excellente politique RSE alors que son activité impacte très lourdement l’environnement. Malheureusement, c’est un problème sur lequel nous n’avons pas la main. Du côté des collectivités, s’il y a une volonté politique claire, alors elles peuvent agir avec force pour mener une politique d’achats responsables.
Justement, la Cress accompagne des collectivités dans leurs achats responsables. Comment se déroule cet accompagnement ?
Depuis trois ans, en consortium avec Inaé, un réseau de structures d’insertion par l’activité économique en Nouvelle-Aquitaine, et 3AR, une association qui accompagne les acheteurs publics à l’achat durable, la Cress copilote un Parcours régional des achats socialement et écologiquement responsables (Spaser). Dans ce cadre, on accompagne le Département de la Gironde, Bordeaux Métropole, la Ville de Bordeaux, Grand Poitiers et la Région Nouvelle-Aquitaine. On les aide à identifier les structures ESS du territoire où ils peuvent faire ces achats. Ce n’est pas évident car il n’existe à ce jour aucune liste exhaustive, mais on s’appuie sur la cartographie « cartéco », qui a été réalisée par ESS France et le réseau des Cress, et où de nombreuses entreprises ESS sont répertoriées. En parallèle, on accompagne les structures de l’ESS à répondre à des marchés publics, qui reste un exercice difficile lorsqu’on ne l’a jamais fait.
Depuis le lancement du Praser que vous copilotez, quels achats responsables ont pu être réalisés sur le territoire ?
L’an dernier, nous avons accompagné le Département de la Gironde pour une prestation de traiteurs. Nous avons identifié plusieurs structures dans la région de Bordeaux qui remplissaient des critères sociaux et environnementaux : certaines embauchaient des personnes en situation de handicap, d’autres favorisaient l’insertion professionnelle, ou aidaient des jeunes à trouver un métier dans l’hôtellerie, et toutes faisaient appel des agriculteurs locaux qui utilisaient des produits de saison et principalement du bio. Nous avons ensuite accompagné ces traiteurs pour qu’ils puissent répondre ensemble au marché public, ce qui a fonctionné ! De façon générale, nous sommes un territoire très porteur sur les achats socialement et écologiquement responsables.
Observez-vous un intérêt croissant pour les achats responsables ?
Oui, absolument. Du côté des acteurs publics qu’on accompagne en tout cas, il y a une prise de conscience énorme et il y a de plus en plus de collectivités qui nous contactent pour savoir comment elles doivent s’y prendre. Cet intérêt croissant pour les Aser vient du fait que les collectivités prennent petit à petit conscience que la politique d’achat n’est plus seulement un budget de fonctionnement, mais bien une politique publique à part entière, qui favorise le développement d’emplois locaux et d’entreprises vertueuses, lorsqu’elle est ambitieuse. Mais beaucoup de freins subsistent encore, à commencer par le manque de volonté politique. Il y a aussi un manque de connaissance sur le sujet. Les acteurs publics ne connaissent pas toujours les entreprises responsables de leur territoire. Il faudrait qu’ils prennent le temps de les chercher et du temps, beaucoup n’en ont pas. Une piste d’amélioration serait d’établir une base commune de données des fournisseurs.
Quels sont les projets de la Cress pour accompagner le développement des Aser ?
Le nombre de collectivités qu’on accompagne a vocation à s’étendre dans les prochaines années. On aimerait aussi accompagner des acteurs privés, comme des entreprises conventionnelles.
A plus court terme, la rencontre organisée le 15 novembre par la Cress, l’Inaé et 3AR à Poitiers a vocation à faire se rencontrer des fournisseurs de l’ESS avec des potentiels acheteurs publics, comme la communauté urbaine de Grand Poitiers. Cette rencontre est centrée autour du réemploi de matériaux, mais elle s’inscrit plus largement dans la promotion de l’économie circulaire, en vue d’inciter les acteurs publics comme privés à s’engager pour une société plus respectueuse des hommes comme de la terre.
Propos recueillis par : Cécile Massin
Photos : DR