Elles ont toutes été victimes de violences physiques, souvent sexuelles. Des femmes suivies à l’hôpital Marius-Lacroix, à La Rochelle, bénéficient de séances de surf thérapie dans l’île de Ré. L’initiative fait l’unanimité, chez les soignant·es comme chez les patientes.
« J’oublie tout. Je suis concentrée sur ma planche, sur ma technique. J’ai envie de réussir ce que je fais. Je répète, même si je tombe à chaque fois », témoigne Aline, le temps d’une pause entre deux vagues. Avec six autres femmes, elle participe à une session de surf thérapie sur l’île de Ré (Charente-Maritime). Toutes ont pour triste point commun d’avoir été victimes de violences physiques, souvent sexuelles. Suivies par le Centre médico-psychologique (CMP) de l’hôpital psychiatrique Marius-Lacroix, à La Rochelle, elles souffrent d’un psycho-traumatisme suite à des violences interpersonnelles. « C’est ainsi que l’on nomme ce type de traumatisme, quand un humain fait du mal à un autre humain. Il y a en plus des émotions, des croyances négatives profondes qui sont différentes du trouble de stress post-traumatique que l’on peut avoir après un séisme, par exemple », explique Charlotte Delavaud-Tschan, infirmière au sein de l’établissement rochelais, spécialisée dans le psycho-trauma. Sentiment d’insécurité, de danger de mort, culpabilité, honte, dégoût, évitement, isolement social, vie dans le passé, hyper-vigilance, troubles du sommeil… la liste des symptômes est longue. La reconstruction de ces vies dévastées est un parcours du combattant. D’où la proposition de Charlotte Delavaud-Tschan, surfeuse de longue date, d’accompagner les patientes par la surf thérapie.
Le but de cette initiative, c’est notamment de reconnecter le corps et l’esprit. En cas d’agression, le cerveau se met ‘‘en off’’ pour se protéger, c’est ce qu’on appelle la dissociation.
Valérie Douteau, cadre de santé du CMP.

« Un bond dans la thérapie »
Convaincues par les bienfaits d’un tel projet, l’infirmière et la cadre de santé contactent Zoé Provot, professeure de surf dans la région. Spécialisée dans la surf thérapie et formée aux psycho-traumas, elle a été victime d’une agression en 2020. Ayant souffert d’un traumatisme similaire, cette professionnelle devient donc « paire aidante ». « Pour une personne en reconstruction, c’est salvateur d’avoir quelqu’un face à soi qui a été concerné par les mêmes problématiques. Généralement, nous arrivons à comprendre, à trouver les mots », affirme-t-elle. L’association Surf Up est créée, la chasse aux financements démarre, les refus sont nombreux. Finalement, c’est l’association Entr’aide et réadaptation, soutenant les patient·es de psychiatrie, qui finance la première session, organisée en septembre et octobre 2024. Dans la foulée, l’Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine accorde son soutien financier, offrant ainsi une pérennité au programme.
Deux sessions de huit séances hebdomadaires de surf thérapie sont organisées chaque année : l’une réservée aux femmes, l’autre à un groupe mixte. La condition sine qua none étant d’être suivi·e au CMP pour un psycho-trauma. « Ce soin complémentaire est proposé uniquement sur prescription médicale du psychiatre référent. Et chaque séance est encadrée par deux infirmières et un·e psychologue », précise Valérie Douteau. « C’est un catalyseur, ça permet de faire un bond dans la thérapie mais il est essentiel d’avoir un suivi en parallèle », relève Zoé Provot.

« Elles sont métamorphosées »
Le cadre apporte son lot de bienfaits. Pour Charlotte Delavaud-Tschan, l’océan, le vent et les vagues « sont une source d’énergie qui amènent à la pleine conscience naturelle même si cela peut être parfois intense ». « Sur la planche, on se sent en sécurité face à un élément qui est puissant. Ça nous porte », estime Anne, une patiente, dans une vidéo tournée par le service communication de l’hôpital. « Certaines ont vécu des étranglements. Mettre une combinaison, c’est déjà une première étape difficile. Une fois dans l’eau, le corps, dont certaines parties sont anesthésiées, va se remettre en mouvement petit à petit. La proprioception et la coordination se développent. Les patientes sont dans le moment présent, elles font une vraie pause dans le négatif », décrit l’infirmière. « Je sens que mon corps revient, il renaît. C’est arrivé à partir de la troisième séance », certifie Aline dans la vidéo.
Nous constatons une réduction de l’anxiété, une baisse des traitements anxiolytiques, une amélioration des troubles du sommeil, une perte de poids… Et les retours des patientes sont tous très positifs.
Charlotte Delavaud-Tschan, infirmière
« Elles sont métamorphosées », résume la cadre de santé. Historiquement développée dans les années 1990 aux États-Unis pour les vétérans en retour de guerre, la surf thérapie se développe sur tous les littoraux. L’activité est d’ailleurs mondialement structurée à travers l’Organisation internationale de surf thérapie (ISTO). « En France, nous sommes peu à proposer de la surf thérapie spécialisée dans les psycho-traumas, souligne Charlotte Delavaud-Tschan. En Charente-Maritime, notre initiative est dupliquée, dans un premier temps au CMP de Royan. »
Rédaction : Amélia Blanchot
Photos : Emmanuel Bernard et Léonie Stegeman, groupe hospitalier littoral Atlantique