5 jours, 18 stagiaires et une maison toute en chaux, chanvre et sable. En septembre s’est tenu un stage de construction de kerterre à Val en Vignes, en nord Deux-Sèvres. Il était organisé par l’entreprise bretonne Kerterre, qui explore depuis près de 25 ans les possibilités de ce mode d’habiter écologique et alternatif.
Au milieu des bouleaux, noisetiers et autres feuillus ombrageux, la clairière s’est transformée en ruche humaine. Nous sommes à Val en Vignes, sur le terrain de la famille Melis. Dans une ambiance appliquée, une vingtaine de travailleur·euses s’affairent autour d’une petite maison ronde : la fameuse kerterre, un habitat écologique, résistant, isolant et créatif, propre à se fondre dans le paysage.
“Une kerterre se façonne avec le corps”
A notre droite, on entend les tiges de chanvre craquer entre les doigts gantés de quatre stagiaires en tenue de chantier. « On assouplit les mèches de chanvre », expliquent-ils avant de les plonger dans une baignoire où repose un pâteux mélange de sable, de chaux et d’eau. Une ouvrière ressort la grande poignée de végétal enduit, l’essore un peu avant de l’apporter aux abeilles charpentières qui apposent ces longs amas sur la structure en cours de construction. En séchant, le mélange durcit peu à peu. Avant qu’il ne devienne dur comme de la pierre, un courageux frotte les parois pour qu’aucun brin de chanvre ne dépasse pendant qu’une autre façonne les gouttières en forme de vagues, aussi esthétiques que fonctionnelles.
Deux dernières sont affairées à faire grandir la casquette qui surplombe la porte d’entrée en apposant délicatement de nouvelles mèches pleines d’enduit. « Attention prenez un peu de recul, voyez la forme de la porte : elle est en ogive et là, la casquette est en train d’être plus cintrée ». Lazare Cimmier, le formateur, s’avance de la masse encore malléable, la saisit et à la force des poignets, en basculant d’un pied sur l’autre, il accompagne ladite casquette à reprendre une forme harmonieuse. « Il danse ! constate Dorothée Melis, l’hôte du stage. Une kerterre se façonne avec les corps. Je suis architecte et je m’intéresse beaucoup à l’écoconstruction car elle échappe au monde du bâtiment. Ici, on n’a pas eu besoin de plan, c’est le chantier qui a fait cette kerterre ».
On est tous chercheurs en kerterre. Il y a encore tout à développer. La toute première kerterre a été imaginée et créée en Bretagne par Evelyne Adam il y a 25 ans. Depuis, on cherche en même temps que l’on crée. C’est ce qui est stimulant. Nous sommes une dizaine de formateurs à proposer des stages comme celui-ci.
Lazare Cimmier, formateur
Simplicité et accessibilité
« On est arrivé lundi matin, on a pris un bâton et un bout de ficelle pour faire un cercle au sol et on a directement commencé le soubassement avec des pierres, s’émerveille Aurélien, paysagiste dans une commune voisine. Pour le reste, avec trois ingrédients, sans machine, sans même un niveau laser on a construit cette maison. » Le chantier est physiquement à la portée de toutes et tous, et l’accessibilité est aussi financière. Pour cette maisonnette de 2,5 m de diamètre, il faut compter 1000 à 2000 € de matériaux en fonction du choix des ouvertures. Un tapis de chanvre en guise de dalle intérieure garantit un certain confort, un poêle ou un âtre recouvert d’un enduit réfractaire assure le chauffage. La plus grande kerterre jamais faite fait 5 m de diamètre. « Ce qui m’appelle ici, c’est de pouvoir créer mon environnement, explique Nathy, en pleine reconversion professionnelle. J’ai besoin de construire mon chez-moi pour repartir. Je ne pense pas construire de kerterre, mais ce type de stage ouvre des possibles. J’aimerais associer kerterre et charpente de yourte. J’en ai parlé au formateur qui m’a dit qu’il fallait expérimenter. »
C’est Alba, la plus jeune fille de Dorothée Melis, qui a eu l’idée d’accueillir la construction de la kerterre sur le terrain de la famille. Créatrice de jeux vidéos, elle recherchait des décors, et lorsqu’elle a découvert l’existence de ces maisons atypiques elle s’est dit “bingo” ! Pour Elia, sa sœur aînée, qui participe aussi au stage de construction, l’intérêt de la démarche est évident : « Les gens sont pessimistes pour le futur, mais tu fais ce que tu veux du futur avec ce qu’il y a dans ta tête. Et si tu peux en mettre un peu en œuvre, c’est moins déprimant. On a monté une petite maison en 5 jours à 18 personnes, si c’est ça le futur, ça me va ! »
Rédaction : Marie Gazeau
Photos : Marie Queinec