Dans l’île de Ré, des gardiens de la biodiversité

par | 22 juillet 2025


Dans l’île de Ré, dix écogardes veillent sur 800 hectares d’espaces naturels. Gestion, entretien, animation… leurs missions sont vastes. Reportage avec deux d’entre eux pour une action de sensibilisation sur l’estran.


« Vous me dites si c’est bon ou pas ? Autrement, je vais les remettre dans leur trou ! », indique d’une voix enjouée Marie-Claude, panier de palourdes à la main. La pêcheuse à pied accueille Laura Michenaud avec un grand sourire. Ce matin, l’écogarde mène une action de sensibilisation au Martray, dans l’île de Ré. A l’aide d’une réglette spécifique pour savoir si les coquillages « font la maille », la jeune femme vérifie les dimensions autorisées – 4 cm pour la palourde européenne, 3,5 cm pour la japonaise. Il y en a des trop petites. « Je vais faire mon tri », acquiesce la retraitée. « Je ne me suis jamais trop occupée de les mesurer précisément mais je prends toujours les plus grosses. Je viens surtout ici pour me balader les pieds dans l’eau », confie la vacancière, originaire des alentours de Bordeaux.

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L’échange est très cordial. « La grande majorité du temps, ça se passe bien, nous avons un bon accueil. Sauf que parfois, les pêcheurs à pied ne connaissent pas forcément très bien la réglementation. Nous sommes là pour leur rappeler et distribuer notre réglette. Souvent, ils l’ont déjà mais elle est restée chez eux ou dans leur voiture », affirme Jean-Alexandre Fortier, écogarde, qui travaille cette matinée là en binôme avec Laura Michenaud. Durant près quatre heures, le duo parcourt l’estran, sur plusieurs sites. « On essaye de venir plutôt en début de pêche qu’à la fin. Si une personne n’est pas dans les clous, il vaut mieux l’informer dès le départ », précise-t-il. Un particulier a le droit de pêcher 200 palourdes, soit entre 3 et 4 kilos.

Laura Michenaud donne une réglette à Marie-Claude, pêcheuse à pied, pour vérifier si les palourdes « font la maille ».

Gardien de la biodiversité, un métier à l’année

Contrairement à ce que beaucoup croient, écogarde dans l’île de Ré n’est pas un métier saisonnier. « Nous sommes dix agents à travailler toute l’année, il y a également notre cheffe de service. Et cette action de sensibilisation sur l’estran n’est qu’une mission parmi la centaine que nous devons accomplir », détaille Jean-Alexandre Fortier. L’équipe s’occupe de la gestion des espaces naturels du Conservatoire du littoral, soit 800 hectares répartis sur le territoire rétais. Employé·es par la Communauté de communes (CdC) de l’île depuis 2009, ils et elles sont aujourd’hui divisé·es en trois cellules pour protéger cet écrin de biodiversité composé de 80% d’espaces naturels : zones humides, zones boisées et agricoles, animation.
« Nous sommes chargés de nombreuses animations organisées pour les scolaires et le grand public. Cette année nous sommes beaucoup intervenus sur le Mois de l’environnement en avril, sur la thématique biodiversité et imaginaire », ajoute-t-il. Du chantier participatif d’arrachage de plantes invasives en passant par l’analyse de jardins des particuliers, l’inventaire naturaliste ou la surveillance des espaces naturels, les écogardes ont du pain sur la planche. Ils doivent leur pérennité à l’écotaxe mise en place depuis 2012, destinée à préserver l’environnement de l’île et générée par les recettes du pont. Selon les chiffres de la CdC, sur les 7,5 M€ annuels de cette écotaxe, 4,1 M€ reviennent à la CdC et aux communes pour, entre autres, payer leurs salaires.

Au Martray, dans l’île de Ré, le binôme d’écogardes repère les pêcheurs à pied à la jumelle avant d’aller à leur rencontre.

« Prévenir plutôt que sanctionner »

Lorsqu’ils interviennent sur le domaine public maritime, les écogardes ont un pouvoir limité. Ils ne peuvent pas dresser de contravention, contrairement aux affaires maritimes. « En revanche, si nous tombons sur quelqu’un qui a ramassé plus de 10 kilos de palourdes, nous pourrions monter un dossier à la préfecture pour qu’il y ait une sanction. Mais cela reste très rare. Nous sommes là pour prévenir plutôt que sanctionner », poursuit Jean-Alexandre Fortier. Au loin, un homme s’affaire avec une fourche dans la vase. Jean pêche de l’arénicole, un ver marin qui sert d’appât. Dans ce cas précis, son outil est autorisé. « C’est très physique, ça fait une heure et demie que j’y suis. Il faut avoir envie ! », indique-t-il.

Pendant ce temps, Laura Michenaud échange avec un homme venu pour les huîtres. Un marteau burin compose son attirail pour les décrocher des rochers. « C’est interdit car ça enlève des morceaux de cailloux. Le milieu peut être détérioré », relève-t-elle. L’agent le précise à l’intéressé. Quelques instants plus tard, en repassant devant lui, elle constate qu’il continue avec ce même outil. Second rappel à l’ordre. « Je sais depuis longtemps que c’est interdit », répond tranquillement le pêcheur. Dialogue de sourds. Les écogardes n’insistent pas. L’infraction est mineure. Ils poursuivent leur chemin, expliquant à de multiples reprises comment différencier la palourde européenne de la japonaise. « C’est subtil ! »


Rédaction et photos : Amélia Blanchot

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