Premier tiers-lieu français dédié à l’économie circulaire et au zéro-déchet porté par une collectivité, l’Atelier CyclaB a été inauguré à Surgères le 21 octobre et ouvrira ses portes aux premiers porteurs de projets le 15 novembre. 1500 m2 de labos de prototypage, de salles de coworking et de conférences pour expérimenter la valorisation de matières destinées à être jetées, dans une démarche entrepreneuriale. L’initiative émane du Syndicat Mixte Cyclad, organisme de collecte, de traitement et de valorisation des déchets couvrant 234 communes et 230 000 habitants dans le nord-est de la Charente-Maritime. Interview d’Alice Michaud, responsable Innovation circulaire.
Dans quel contexte a été créé l’Atelier CyclaB ?
Cyclad est engagé depuis très longtemps dans la réduction des déchets. Il y a une quinzaine d’années, des composteurs étaient déjà distribués gratuitement chez les habitants, en 2014 il faisait partie des 50 premiers territoires labellisés « Territoire Zéro-Gaspillage Zéro-Déchet » par le ministère de l’Environnement. Et dès 2017 les élus ont choisi de développer CyclaB, un laboratoire en économie circulaire au sein d’un service public dédié à la collecte et au traitement des ordures ménagères. C’est une démarche originale et pionnière en France. L’idée était de faire le lien pour que des matières ne soient plus des déchets mais des ressources mises à disposition de personnes ayant des compétences pour les transformer en produits avec une forte valeur ajoutée. Ensuite, en 2019, nous avons choisi d’aller plus loin en créant les Trophées CyclaB. L’objectif était de récompenser des actions d’économie circulaire identifiées sur le territoire. Nous, on offrait la mise à disposition de la matière, de la mise en réseau et une enveloppe financière qui allait de 1000 à 3000€. Et par des partenariats avec des communautés de communes, les personnes pouvaient avoir accès à un local à tarif réduit, voire gratuit, pour la production. A partir de là nous avons constaté une autre demande, celle de porteurs de projets qui étaient au stade de l’idée et qui avaient besoin d’être accompagnés. C’est pour répondre à ce besoin que les élus ont lancé l’Atelier CyclaB, premier lieu en France dédié au prototypage en économie circulaire. L’objectif est de faire passer les porteurs de projets de l’idée à la création de leur activité économique. Nous sommes donc en amont de tout ce qui est pépinière d’entreprises.
Qui, précisément, est amené à fréquenter ce tiers-lieu, et que peut-on y trouver ?
Il est destiné à toute personne qui a une idée pour valoriser une matière destinée à être jetée, et qui a vocation à devenir entrepreneur. Cela peut être des créations de produits à partir de bois, de textile, de plastique ou de déchets alimentaires. Les porteurs de projets lauréats des Trophées 2021 (voir encadré) y auront gratuitement accès pendant un an. Parmi les cibles, il y a aussi les artisans et entrepreneurs déjà installés mais qui veulent développer une gamme d’économie circulaire. Ici ils auront accès à trois laboratoires entièrement équipés de matériel professionnel : le labo Bois, le labo Tech avec imprimante 3D, graveur laser, brodeuse numérique etc., et le labo Agroalimentaire. On trouve également une matériauthèque de 200 m² avec tout type de ressources. Et si quelqu’un a besoin d’une ressource spécifique, à notre équipe d’aller trouver le déchet en question sur le territoire, en activant nos réseaux internes ou externes. L’Atelier CyclaB offre donc un accès aux machines, aux matériaux, aux espaces de coworking, et un accompagnement qui peut être d’ordre technique ou en lien avec le développement de l’activité économique. Toute cette partie-là est tournée vers les professionnels, mais on trouve aussi une grande salle de conférence où les entreprises partenaires peuvent organiser des temps de sensibilisation auprès de leurs salariés, et où les associations du territoire peuvent proposer des animations pour les habitants, avec l’idée de les amener vers le zéro-déchet. Cela peut être des ateliers couture, des ateliers réparation, des conférences-débats, ou des projections de films par exemple.
D’où proviennent les déchets qui sont mis à disposition des entrepreneurs et porteurs de projets ?
Il existe deux sources possibles. Tout d’abord les 23 déchetteries de Cyclad. On parle beaucoup des ordures ménagères, des emballages, du verre, du papier, mais il faut savoir que 55% des déchets produits sur le territoire vont en déchetterie. En parallèle, nous travaillons sur un projet d’écologie industrielle et territoriale qui nous permet aussi de faire émerger de la matière des entreprises. Pour donner un exemple concret, proche d’ici on trouve l’Atelier du Teck. Cette entreprise produit des ponts de bateau et génère de 600 kg à 1 tonne de chutes de bois par mois, qui allaient dans nos déchetteries. Nous avons identifié ce gisement et désormais celui-ci est directement donné à Aunis GD, un atelier d’insertion qui en fait notamment des jouets pour enfants. C’est ce qu’on veut développer, l’identification de la matière première à la source, pour qu’elle aille directement vers les porteurs de projets ou vers la matériauthèque.
Comment trouvez-vous l’équilibre entre l’incitation à tendre vers le zéro-déchet, et le développement de l’économie circulaire qui, de fait, utilise le déchet comme ressource ?
La priorité reste de dire qu’il ne faut pas produire de déchets, il n’y a pas d’ambiguïté possible. Pour vous donner un cas d’école : quand notre chargée de mission « écologie industrielle et territoriale » arrive dans une entreprise, sa priorité c’est d’accompagner à la réduction des chutes, des déchets, et ensuite avec ce qui reste on développe de l’économie circulaire. Malheureusement, le gisement est tel qu’on a largement de quoi développer des activités. On aborde évidemment avec les porteurs de projets la question de la flexibilité. Si une entreprise de bois nous annonce qu’elle a trouvé un process de fabrication qui lui permet de faire zéro chute, nous en serons très heureux ! Et notre rôle sera de trouver une nouvelle matière pour le porteur de projet. A aucun moment l’idée est de dire qu’il faut continuer de produire tel ou tel déchet pour permettre à une activité d’économie circulaire de fonctionner. Par ailleurs, on s’est rendu compte que l’accompagnement qu’on propose depuis 2017 a permis à des entrepreneurs qui avaient prévu d’acheter de la matière première ordinaire de passer sur de la matière détournée. Je vais prendre l’exemple d’une lauréate des Trophées CyclaB 2019, qui est cartonniste. Dans son modèle économique, elle avait prévu l’achat de cartons neufs car elle ne savait pas comment elle pouvait trouver du carton de qualité qui lui convenait dans les dimensions, et dans les types de cannelures. En nous rencontrant, elle s’est rendu compte que c’était tout à fait possible de trouver un gisement adapté à ses besoins. Maintenant, 100% de son carton est issu d’un potentiel déchet.
Au-delà de la réduction des déchets, l’objectif de ce tiers-lieu, c’est la création d’activité économique et d’emplois. Quel est le bilan des actions d’innovation circulaire accompagnées par CyclaB ces dernières années ?
Depuis la création de CyclaB, ce sont une trentaine de produits qui ont été développés. Ils ont trouvé leur modèle économique, ou c’est en cours pour certains. Et nous sommes très heureux de voir que les lauréats de 2019 sont encore tous en activité. Grâce à tout un réseau de partenaires qui les accompagnent, comme la coopérative d’activités et d’emplois COAPI ou J’adopte un projet, certains sont même en développement.
Les huit lauréats des Trophées CyclaB 2021
Trophée Artisanat : Aurélie Dumant – Les Bulles d’Oré
Des savons artisanaux créés à partir de ressources naturelles.
Le + de L’Atelier CyclaB : test des recettes et engagement dans une démarche d’économie circulaire pour le sourcing et les emballages
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Trophée Zéro-déchet : Clarisse Tapon – Les Scarabées
Création de kits couture dédiés à la confection d’accessoires clé en main à partir de textiles détournés pour favoriser l’utilisation d’emballages durables (sac à vrac, sac à pain…)
Le + de L’Atelier CyclaB : amélioration du process grâce aux machines du labo Tech (découpe laser, brodeuse…) et accès à la matière
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Trophée Etudiant-entrepreneur : Lucas Rigoland – Loopost
Compostage anaérobie des biodéchets pour en accélérer la décomposition et obtenir un thé de compost, un amendement organique naturel
Le + de L’Atelier CyclaB : test à partir des biodéchets issus des professionnels de Surgères
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Trophée Ecologie industrielle territoriale : Entreprise Hiou – Cambium
Upcycling d’anciens volets et huisseries issus du démontage de chantiers pour les transformer en objets de décoration et mobiliers d’intérieur ou extérieur
Le + de L’Atelier CyclaB : accueil d’un stagiaire/salarié de l’entreprise au labo Bois pour prototyper les créations, accompagnement dans le process et le design des produits
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Trophée Textile : Marilyne Doulin – Upcyclyne
Création de « box couture » permettant de valoriser les déchets générés par l’industrie textile en les transformant en kits prêts à être assemblés.
Le + de L’Atelier CyclaB : développement de cette nouvelle activité et d’un approvisionnement local grâce au réseau CyclaB
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Trophée Antigaspi : Florient Jules – L’Usine à gaz
Production de légumes lactofermentés et de boissons fermentées à partir de légumes invendus récupérés auprès des maraîchers locaux pour lutter contre le gaspillage alimentaire
Le + de L’Atelier CyclaB : utilisation du labo Agro pour tester les recettes et accompagnement dans le développement du réseau dans le champ de l’économie circulaire
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Trophée Recherche et développement : Nathan Efflame – Rebon
Transformer des textiles usagés ne pouvant être surcyclés en granulés plastique.
Le + de L’Atelier CyclaB : utilisation du labo Tech pour prototyper et de la Matériau-Tech pour le sourcing du textile
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Trophée Coup de cœur : Nathalie Brémaud – Oh là là, du chocolat
Création d’une gamme de chocolats anti-gaspi intégrant des fruits séchés locaux et de saison
Le + de L’Atelier CyclaB : sourcing de fruits invendus auprès des producteurs locaux, réalisation d’un emballage 100 % recyclable et utilisation du labo Agro pour tester de nouvelles recettes gourmandes issues de l’économie circulaire
Propos recueillis par Hélène Bannier
Photo : Virginie Colin-Cadu