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Les Urbaculteurs : des mini-forêts à maxi impact

par | 24 mars 2022


Cultiver la ville, c’est la raison d’être des Urbaculteurs. Depuis 2020, cette association forme les collectivités à la création d’écosystèmes permettant d’accueillir la biodiversité, de produire de la nourriture et de séquestrer du CO2. Elle a organisé, le 16 mars, la plantation d’une “mini-forêt” à Neuville-de-Poitou (86) dans le cadre de son projet “Résilience Urbaine”. Et pour faire émerger du bitume une forêt dense, efficace et résiliente, elle a convié la population locale. Reportage.

« Cette forêt, c’est comme si c’était chez vous. Il faut que vous vous l’appropriiez comme si c’était votre jardin, » encourage Anthony Boutin, responsable adjoint du service espaces verts de Neuville-de-Poitou. Face à lui, une foule d’une soixantaine de personnes – majoritairement des résidents de la commune – se retrousse les manches pour contribuer à la création d’une « mini-forêt. » Une appellation que revendiquent les Urbaculteurs. Cette association, dont le siège se situe à Champagné-St-Hilaire (86), a été créée en 2020 dans le but d’intégrer davantage de nature dans les tissus urbains. Pour cela, l’association forme les collectivités à la création d’espaces verts résilients.

Aubépine, cerisier, églantier, chêne, poirier… « Ensemble, on va planter 300 arbres de 15 essences différentes ; environ 3 par mètre carré, » poursuit le paysagiste, en désignant un carré-type au sol. Le chiffre soulève quelques exclamations surprises dans l’assemblée : c’est une parcelle de 120 m² seulement qui s’apprête à accueillir cette mini-forêt, à deux pas du centre-ville.

Une mini-forêt résiliente

Cette plantation n’a rien d’anodin, comme l’explicite Simon Roy, écologue, animateur et coordinateur des Urbaculteurs et du projet Résilience Urbaine. « La différence avec une forêt classique, c’est qu’on plante les arbres très serrés et avec davantage d’amendement organique, comme du son de blé, du broyat, de la tonte, des feuilles mortes… » indique-t-il en désignant la matière qui recouvre le sol. « Comme les arbres poussent très rapprochés les uns des autres, ils créent un système racinaire dense qui favorise à la fois l’échange et la compétition. »

Simon Roy, écologue, animateur et coordinateur des Urbaculteurs et du projet Résilience Urbaine

Un subtil équilibre se met alors en place, avec d’un côté une lutte pour les ressources : « les arbres vont tous chercher à puiser beaucoup de nutriments et d’eau dans les sols » et de l’autre, la coopération : « on mime un mécanisme de “succession écologique”, c’est-à-dire où une végétation prépare l’arrivée d’une autre. Ici, par exemple, on fait en sorte que le cornouiller, qui grandit plus vite que le chêne, lui fournisse l’ombre nécessaire à sa pousse. »

Le but de ce modèle, conceptualisé par l’écologue japonais Akira Miyawaki, est d’optimiser les capacités de la forêt : « On arrive à un stade de maturité plus rapidement, avec plus de biodiversité et plus de carbone absorbé par les arbres. » Simon Roy bouscule ainsi l’idée reçue selon laquelle maturité rimerait avec efficacité : « Aujourd’hui, on se rend compte que certaines forêts matures émettent plus de carbone qu’elles n’en absorbent, car en vieillissant, les arbres absorbent moins de CO2. C’est donc important de créer de nouveaux îlots de fraîcheur. » D’après Pascal Depienne, président des Urbaculteurs et consultant designer en permaculture, la différence est notable : cette mini-forêt pousserait « 10 fois plus vite que si on était partis d’une friche ou d’une prairie. »

Un geste pour les générations futures

« L’idée, ça va être que vous preniez chacun à votre tour un arbuste, et que vous trempiez ses racines dans le seau, ici » initie Delphine Tretsch, formatrice en permaculture aux Urbaculteurs. À l’intérieur dudit récipient baigne du pralin, une boue liquide mêlant hormones et engrais pour assurer une meilleure pousse à l’arbre en devenir.

Les participants enduisent les racines des arbres de pralin, une solution favorisant la pousse

Une file se crée, dans la bonne humeur, pour récupérer les plants. « J’ai emmené ma fille car elle adore tout ce qui concerne le jardinage. Ce sera aussi l’occasion de voir les arbres grandir en se baladant ensemble, détaille Flavien Hillairet, appuyé sur sa fourche. Le contact avec la nature, c’est fondamental, pour l’éducation et le bien-être. De manière générale, je trouve qu’on est trop entouré par le béton, alors c’est important d’avoir des endroits comme ça, où la végétation peut reprendre ses droits. »

Une fois le plant en main, les participants écartent le paillage pour le mettre en terre, avant de le recouvrir par un mélange de broyat de feuilles mortes. « On a un poirier, est-ce qu’il ne sera pas trop à l’ombre là ? » s’enquiert Mireille, la soixantaine, auprès d’un membre de l’équipe des espaces verts. Venue avec sa voisine Martine, ces deux Neuvilloises de longue date s’estiment agréablement surprises par le projet : « ça donne l’impression que ça bouge dans le quartier et c’est une belle perspective pour les générations futures, » amorce Martine. « C’est sûr que c’est mieux qu’un parking ! » ponctue sa voisine dans un éclat de rire.

Esquisse de la “mini-forêt” parvenue à maturité

A quelques mètres, Séverine Moreau, résidente du quartier accompagnée de ses deux filles de 3 et 6 ans, rapporte être venue pour « essayer de les sensibiliser à l’écologie. » Si les mains sont occupées au travail de la terre, le regard est donc avant tout tourné vers l’avenir, pour les participant·es. « Ce sera pour le futur, pour les enfants, surtout pour eux, » résume Samuel Poisson, responsable des espaces verts de la commune. Il faudra en effet une dizaine d’années à ces arbres, censés culminer à une hauteur de 8 ou 9 mètres environ, pour atteindre leur taille adulte.

« Cultiver la ville« 

Anthony Boutin, Alan Couton et Samuel Poisson, membres de l’équipe espaces verts de Neuville-de-Poitou

« On veut inciter les espaces verts à développer plus de projets créatifs, et pas seulement à faire de l’entretien, » commente Sévérine Saint-Pé, maire de Neuville-de-Poitou. Il y a un an, Les Urbaculteurs ont formé l’équipe des espaces verts de la commune à l’élaboration de mini-forêts, dans le cadre de leur projet Résilience Urbaine. Un enseignement théorique qui trouve, dans cette plantation, son versant pratique.

« À l’origine, le paysan, c’est celui qui entretient le paysage. L’Urbaculteur, c’est la version urbaine du paysan, » éclaircit Pascal Depienne, le président de l’association. « Notre but, c’est de cultiver la ville, d’optimiser toutes les surfaces disponibles, de coloniser le foncier public et privé. » Les particuliers qui le désirent peuvent, en effet, confier leurs parcelles à l’association pour qu’elle y insuffle davantage de vert.

Pascal Depienne, président des Urbaculteurs et consultant designer en permaculture

Pour reprendre du pouvoir sur l’espace urbain, l’association propose un véritable modèle d’aménagement : « Nos projets répondent, dans la mesure du possible, à trois objectifs principaux : accueillir la biodiversité, produire de la nourriture et stocker du carbone, » énonce Pascal Depienne. Des projets pouvant se traduire par un accompagnement personnalisé des équipes chargées de l’aménagement du territoire – comme c’est le cas à Neuville-de-Poitou – ou par la mise à disposition de fiches techniques. « On a développé un modèle open source pour avoir des solutions en évolution constante, » précise-t-il, en référence aux ressources accessibles depuis le site de l’association permettant, entre autres, d’apprendre à cultiver un verger, différents types de haies ou encore établir une micro-ferme.
Pourquoi une telle focalisation de l’association sur l’espace urbain ? « 80 % de la population mondiale habite en ville, rappelle Pascal Depienne. Pour affronter les défis climatiques présents et à venir, il faut une transformation radicale. » Selon lui, « les villes sont prêtes. »


Rédaction et photos : Hildegard Leloué


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